Les systèmes embarqués au coeur des grands défis industriels "Les systèmes embarqués deviennent de plus en plus communiquants"

Dominique Potier est directeur recherche & technologie du pôle Systematic Paris-Région. interview.

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Dominique Potier. © RCI

Pour quelles raisons le marché de l'embarqué connaît-il une si forte dynamique ?

La croissance globale de ce marché est liée à la diffusion généralisée des technologies de l'embarqué dans le contexte de ce que l'on appelle "l'Internet des objets". Présents essentiellement dans des secteurs traditionnels comme l'automobile et l'aéronautique, les systèmes et les logiciels embarqués diffusent aujourd'hui dans tous les secteurs innovants, par exemple dans les domaines de la ville numérique, de la mobilité, de la santé... Grâce à la connectivité et aux réseaux, les systèmes embarqués deviennent de plus en plus communicants. Cette connectivité permet de développer de nombreux produits et services destinés aux professionnels comme au grand public. On emploie d'ailleurs aujourd'hui l'expression "Cyber-Physical Systems" (CPS), c'est-à-dire l'interaction étroite entre le monde physique et le monde numérique, le "réel" et le "virtuel".

"Les questions de sécurité informatique se poseront de manière cruciale"

Quels sont les enjeux technologiques de l'embarqué pour les années à venir ?

Ils sont multiples. Il y a tout d'abord des questions cruciales comme celles de la puissance embarquée, de la gestion de l'énergie et du volume des systèmes. Un autre sujet très important concerne la conception et la vérification d'une application ou d'un code logiciel, qui doivent être réalisées avec un maximum d'efficacité et au meilleur coût. La maîtrise des "coeurs opératifs" des systèmes embarqués spécifiques aux grands secteurs d'application (automobile, aéronautique, sécurité, énergie, santé...) et des standards associés est également un élément critique. Il y a par ailleurs des enjeux liés à la complexité des systèmes. On peut notamment citer la possibilité de déployer, en cas de catastrophe naturelle, un réseau de capteurs qui se connecteront de manière dynamique et automatique afin de faire remonter des données d'analyse de l'eau, de l'air ou du sol et de gérer au mieux les moyens de secours. Enfin, il faut garantir qu'il ne puisse y avoir d'intrusions dans les applications embarquées. En effet, à partir du moment où de plus en plus d'objets seront connectés, que ce soient des voitures, des dispositifs médicaux ou des applications énergétiques, ces questions de sécurité informatique se poseront de manière cruciale.

Compte tenu du développement de l'embarqué dans de très nombreux secteurs industriels, de plus en plus de pôles de compétitivité sont concernés par ces technologies...

En effet, les systèmes et les logiciels embarqués sont des technologies critiques pour de multiples produits et services. Sur tous ces sujets, nous avons en France de fortes capacités de R&D tant dans les organismes publics de recherche que dans les PME technologiques et les grands industriels. Ces capacités technologiques sont largement fédérées et organisées autour des feuilles de route propres à chacun de ces enjeux par les pôles de compétitivité Systematic, Minalogic, Aerospace Valley, Images et Réseaux, et SCS. Les coopérations entre ces pôles de compétitivité existent depuis déjà plusieurs années, à travers de nombreux projets communs ainsi que dans le cadre du partenariat sur le sujet établi depuis 2007 avec le Comité embarqué de Syntec Numérique. Dans le cadre d'une mission que je mène actuellement à la demande des pouvoirs publics, j'ai d'ailleurs sollicité les pôles "positionnés" sur l'embarqué mais aussi les pôles applicatifs comme Medicen, dédié aux technologies innovantes pour la santé, ou encore S2E2, dédié à la gestion de l'énergie, afin qu'ils expriment leurs besoins et leurs priorités dans ce domaine.

"J'ai remis aux pouvoirs publics des propositions pour mettre à jour la feuille de route du secteur"

Quel est l'objectif de cette mission ?

J'ai remis aux pouvoirs publics des propositions pour mettre à jour la feuille de route du secteur de l'embarqué – établie en 2010 dans le cadre d'une première mission sur le sujet – particulièrement en termes de priorités technologiques et de développement de notre écosystème. Au-delà du bilan des trois appels à projets "Briques génériques logiciel embarqué" lancés dans le cadre du volet numérique des "Investissements d'avenir", appels conclus par la sélection de 16 projets représentant un investissement de 192 millions d'euros et qui ont démarré en 2011 et 2012, je ferai évidemment des propositions pour animer notre communauté. Il est nécessaire d'affirmer plus encore les capacités d'innovation de l'ensemble des acteurs technologiques et industriels français. Cet objectif pourrait se concrétiser, par exemple, par l'organisation d'une manifestation qui serait une vitrine des industries françaises de l'embarqué vers l'international.

Article d'Eric Saudemont paru dans (Re)conquêtes industrielles (Jan-Fév. 2013)