Les textiles techniques tissent leur révolution industrielle Cas PME : Balsan, une veste de pompier intelligente

"Il n'existait pas de moyen de communication performant pouvant indiquer qu'un pompier était en danger immédiat lors d'une intervention. Etant le premier fournisseur en France de vestes de pompier, explique Didier Oury, président-directeur général de Balsan, il était assez naturel qu'on regarde de plus près leurs problématiques."

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Didier Oury, président-directeur général de Balsan. © Reconquêtes industrielles

C'est ainsi que la société a voulu intégrer de l'électronique à ses vêtements afin d'apporter davantage de sécurité et d'assistance au pompier. "À partir du moment où le pompier rentre à l'intérieur d'un bâtiment, les informations transmises sont limitées, renchérit Luc Brohan, lieutenant de vaisseau au CFPES de Brest, Marine nationale, l'un des partenaires du projet. L'objectif était donc d'intégrer tout un tas de systèmes dans une tenue de pompier, voire même dans un casque et avec une transmission des données en temps réel à distance."

L'innovation développée

Alors que l'entreprise Sagem développe pour l'armée de terre française une veste d'intervention équipée de capteurs dans le cadre d'un vaste projet appelé FELIN (Fantassin à Equipements et Liaisons INtégrés), Pascal Barguirdjian, dirigeant d'un bureau d'études appelé Tecknisolar Seni, a alors une idée : concevoir une veste d'intervention bardée de capteurs alimentés par une batterie et visant à améliorer la sécurité des sapeurs-pompiers de la Marine nationale lors des interventions. Une innovation née de la collaboration de plus de cinq ans entre le bureau d'études, la société de confection Balsan et la Marine nationale de Brest.

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De minuscules capteurs offrent la possibilité d'alerter le pompier de la présence de gaz toxique ou de radioactivité. © RCI

"Le grand danger sur un incendie, c'est le coup de chaud pouvant conduire à une perte connaissance", constate Pascal Barguirdjian. Grâce à des capteurs positionnés à l'intérieur et à l'extérieur du vêtement, le pompier peut ainsi suivre l'évolution de sa température corporelle ainsi que son taux d'humidité. Au-delà d'une limite établie au cours de tests réalisés en situation extrême, un signal lui indique de renoncer et de faire demi-tour. Un capteur de mouvement permet aussi de déclencher une alarme dès que le porteur de la veste reste inerte plus de quinze secondes et de le localiser à l'aide d'un GPS associé à un GSM. Enfin, des minuscules capteurs offrent la possibilité d'alerter le pompier de la présence de gaz toxique ou de radioactivité. La veste est également lumineuse et éclairante, ce qui lui permet de se libérer d'une lampe-torche.

Le pompier peut suivre l'évolution de sa température corporelle ainsi que son taux d'humidité

Pour finir, le casque dispose d'une caméra thermique infra-rouge pour repérer les zones chaudes et montrer à distance les images filmées en direct sur le terrain. Le commandant de compagnie sait ainsi à tout moment où se trouvent ses hommes et dans quelles conditions ils luttent contre un sinistre. Enfin, chaque élément est proposé séparément et peut-être retiré avant le lavage.

Les étapes

Les difficultés ont été principalement techniques, notamment parvenir à faire marcher un émetteur-récepteur dans un navire ou un sous-marin qui font cages de Faraday. Autre problématique : comment arriver à ce que les batteries n'explosent pas en raison de leur exposition à de fortes chaleurs et éviter le vieillissement prématuré des capteurs à cause de la dilatation ? "Afin de résister à de fortes températures, il a fallu utiliser des résines, des éléments de protection thermique spécifiques. Particulièrement au niveau de l'émetteur et de la batterie placée sous la veste, au niveau de la poitrine. Enfin, à l'inverse de la veste FELIN, qui pèse 30 kg, nous voulions un vêtement qui soit le plus léger possible. Un gros travail de miniaturisation a été fait", note Pascal Barguirdjian. Si les deux PME se sont rencontrées, c'est grâce à la recommandation de la Direction générale des douanes, un client de Balsan ayant eu l'occasion de travailler avec Tecknisolar Seni. Ensuite, la solution a dû être validée auprès de la Marine nationale. "Ils l'ont torturée pour voir si elle allait tenir le coup."

Le modèle économique

Cette veste vendue environ 5 000 euros est protégée par plusieurs brevets et financée principalement par les deux PME. "Nous commençons une commercialisation plus générale auprès des sapeurs-pompiers militaires et civils, français ou étrangers."

"Avec cette veste, on ne vend plus seulement un produit mais également un système de transmission et ainsi des services atours"

En effet, les deux sociétés envisagent une commercialisation de la veste de pompier à l'étranger à moyen terme. À noter que les clients ont ensuite le choix des modules. "Avec cette veste, on ne vend plus seulement un produit mais également un système de transmission et ainsi des services atours [formation, maintenance, etc.]", précise Didier Oury.

Les perspectives

Avec cette veste intelligente, les deux sociétés espèrent pouvoir fédérer une centaines d'emplois. Et surtout montrer qu'en France il existe des solutions innovantes pour améliorer la protection des individus. Enfin, pour Pascal Barguirdjian, "ce mariage du textile et de l'électronique a aussi un avenir dans d'autres applications. Cette tenue peut également être utilisée par les militaires mais aussi dans l'industrie chimique ou vinicole lorsqu'il faut descendre dans les cuves et que le manque d'oxygène se fait sentir."

Article d'Amandine Dubiez paru dans (Re)conquêtes industrielles (Jan-Fév. 2013)