L'être humain est en train de radicalement changer

L'être humain est en train de radicalement changer Avec les progrès technologiques, l'Homme va de plus en plus retarder sa mort... et sa reproduction.

L'humanité traverse une période d'évolution majeure, comparable à l'intégration des prosimiens aux primates, des primates aux grands singes et des grands singes aux humains, si l'on en croit les dires de Cadell Last, doctorant en anthropologie évolutive et chercheur au Global Brain Institute. L'espérance de vie des hommes a d'ores et déjà augmenté depuis le 20ème siècle, passant de 45 à 80 ans aujourd'hui. Grâce aux progrès technologiques qui auront des conséquences sur la sélection naturelle, Cadell Last évoque la possibilité d'atteindre les 120 ans d'ici à 2050 – une théorie appelée prolongation de la durée de vie.

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Le gibbon, le gorille, le chimpanzé, l'orang-outan et l'homme. © Morphart - Fotolia.com

Outre le fait de vivre plus longtemps, l'être humain retardera sans doute sa période de reproduction biologique et réduira également le nombre de ses descendants. Combinés, ces deux facteurs pourraient aboutir à un nouveau type d'être humain, davantage axé sur la culture que la biologie.

Cadell Last expose ses arguments dans le dernier numéro de la revue Current Aging Science. Tout en citant d'autres futurologues tels que Ray Kurzweil et Francis Heylighen, il élabore une théorie selon laquelle l'homme interagirait avec la technologie, en s'appuyant sur les observations qui résultent de l'évolution des primates et de la biologie.

 

On vivait à toute vitesse et on mourrait jeune ; aujourd'hui on prend le temps de vivre et on meurt vieux

D'après l'histoire évolutive du vivant, la sélection naturelle réunit la durée de vie d'un organisme et le surgissement d'événements clés pour concevoir la progéniture la plus résistante possible. Dans le "compromis de l'histoire du vivant", Cadell Last pense que les organismes choisissent d'engendrer le plus de descendants possibles ou de les élever pour les rendre aussi brillants que possible. Et puisque la taille du cerveau augmente, ces organismes ont besoin de plus d'énergie et d'une éducation plus longue pour atteindre leur potentiel maximum.

A partir de ces constats, trois changements majeurs dans l'histoire des primates ont eu lieu en faveur d'une vie plus longue et d'une reproduction différée : entre les prosimiens et les primates, les primates et les grands singes puis entre ces derniers et les humains.

Les êtres humains consacrent d'ores et déjà le plus clair de leur temps et de leur énergie à élever la progéniture de n'importe quelle espèce primate ; ce schéma ne fera que se renforcer.

"L'histoire de l'homme à travers l'évolution des espèces peut être envisagée comme une seule longue période de retardement de la maturation sexuelle et de la reproduction biologique", écrit Cadell Last.

Tandis que les besoins physiques alimentent les changements d'évolution précédents, les innovations culturelles et technologiques nous mèneront jusqu'à la prochaine modification, hâtée par la Révolution Industrielle. En d'autres termes, l'être humain aura besoin de plus de temps pour se développer et pour tirer profit du monde complexe qui l'entoure.

Reproduction biologique versus reproduction culturelle

Aux vues des récents avancements comme la fécondation in-vitro, la congélation d'ovocytes ou encore l'adoption, les mécanismes de la reproduction biologique ont radicalement évolué. "L'horloge biologique ne fonctionnera pas de façon permanente", explique Cadell Last. Du moins les gens peuvent-ils l'inhiber ou l'ignorer pendant un certain temps.

A l'heure actuelle, et cela sera d'autant plus vrai dans le futur, le succès de la vie humaine individuelle et collective dépend de la connaissance et de la prospérité économique. Transmettre des valeurs novatrices et fondamentales à une autre génération implique un processus appelé reproduction culturelle, qui redirige le temps et l'énergie vers des activités intellectuelles, à l'opposé de la reproduction biologique.

"Vous disposez de temps et d'énergie en quantité limitée entre votre naissance et votre mort et vous devez choisir entre les dédier à la reproduction biologique ou culturelle, résume Cadell Last. Il nous faut opter entre une extraction du fond génétique et une immersion dans le fond culturel."

D'ores et déjà, on peut observer des signes de retardement de la reproduction et recenser moins d'enfants par femme dans plusieurs pays. Malgré les craintes de surpopulation, Cadell Last fait remarquer que plus de la moitié des pays du globe (données à l'appui) a atteint un seuil de renouvellement de la natalité inférieur à 2,1, comme le prouve le tableau ci-dessous, recueilli auprès de la Central Intelligence Agency.

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Les pays selon leur natalité. © Cadell Last

"A mesure que les pays progressent sur le plan socio-économique, de plus en plus de gens, de femmes en particulier, ont la possibilité de se consacrer à la reproduction culturelle", commente-t-il.

En outre, l'émergence de l'intelligence artificielle permettra de compenser les besoins d'emplois à faibles qualifications et d'offrir aux individus "l'opportunité d'envisager la reproduction culturelle en tant que vocation", rédige Cadell Last. Dans bien des cas, la reproduction biologique a même atteint "un coût trop élevé" face au besoin croissant de s'adapter à la pression des avancements technologiques. En définitive, il prévoit l'existence d'êtres humains qui vivraient bien plus longtemps et auraient des enfants bien plus tard que les humains "modernes". "Ces signes annoncent que nous nous dirigeons vers une extension radicale de la durée de vie – environ 20 ou 30 ans", explique-t-il.

La technologie a également modifié les interactions humaines de diverses façons. Un journaliste new-yorkais peut communiquer via Skype avec un anthropologue basé au Canada. D'ici quelques décennies, des conversations semblables, que nous pourrons tenir mentalement, seront possible grâce à la nano technologie.

"Avoir 80 ou 100 ans sera foncièrement différent de ce que connaissent vos grands-parents", conclut Cadell Last.

Article de Christina Sterbenz, Traduction de Floriane Wittner, JDN

Voir l'article original : Humans Could Be In The Middle Of A Huge Evolutionary Transition