Les milliardaires célèbres

La couverture du New York Magazine paru au printemps dernier, représentant Steve Jobs, est passée relativement inaperçue, encore une ode à Apple et son fondateur sur papier glacé. Mais sous le gros plan en technicolor du visage figurait un gros titre qui a incité des millions de propriétaires d'iPod à le lire : iGod.

La canonisation est certes quelque peu prématurée, mais Jobs est devenu la plus grande superstar de la "cyberélite" de la côte ouest, grâce à la gamme enviable de gadgets cultes proposée par Apple. L'ancien "super-geek" est maintenant super-cool, et possède désormais l'attirail qui est généralement associé aux vraies superstars comme Mick Jagger : les groupies, les fans enragés et même les détracteurs.

Les inconditionnels s'alignent avec leurs sacs de couchage et leurs thermos de café pour dormir devant le Moscone Center de San Fransisco la veille du discours d'ouverture de Jobs lors de la convention Macworld. Sur YouTube, les fans déversent des vidéos d'interviews qui datent de plusieurs décennies, des vidéos pastiches, et même la vidéo d'une femme filant une voiture sur une autoroute californienne parce que sa plaque d'immatriculation est "S Jobs". Il a engendré ses propres "wannabes", comme Dan Lyons de Forbes, qui a avoué l'an dernier être l'auteur anonyme du blog outrageusement populaire "Fake Steve Jobs".

Dans une ère où les actualités commerciales dominent la première page, il était inévitable que les hommes et les femmes les plus riches deviennent célèbres uniquement parce qu'ils sont très riches. Le fondateur de Microsoft Bill Gates a été l'homme le plus riche du monde pendant 13 années consécutives (il a été détrôné cette année par Warren Buffett). Sa richesse lui a non seulement ouvert les portes des événements les plus exclusifs du monde - le Forum Économique Mondial à Davos ou le pow-wow technologique annuel de Sun Valley - mais, et c'est encore plus surprenant, elle lui a aussi donné accès aux plus grandes célébrités du monde. L'intello Bill Gates a ainsi fait un rap avec Jay-Z intitulé "Big Pimpin" et a partagé la couverture du magazine Time consacré à la Personne de l'année avec Bono, le chanteur de U2.

Certains milliardaires, comme Donald Trump, cultivent obstinément leur célébrité eux-mêmes. Il y a trente ans, Donald Trump a émergé d'un ensemble de descendants discrets de l'immobilier à Manhattan pour devenir probablement le magnat foncier le plus célèbre du monde. Auto-promoteur infatigable, le jeune Trump a courtisé la presse à coup de combines publicitaires effrontées, comme se faire accompagner de gardes du corps armés pour aller à des réunions avec des banquiers, jouer brièvement avec une course à la présidence et placarder le nom de Trump sur tout ce qui pouvait le porter.

Il s'est assuré des faveurs des reporters en répondant personnellement à leurs appels et en délivrant constamment le genre de phrases toutes faites scandaleuses qui ne demandaient qu'à être en première page. Trois décennies plus tard, il n'a pas changé d'un iota, collectionnant les gros titres en se remariant (sa troisième femme Melania est un ancien mannequin de 20 ans sa cadette), se disputant avec Martha Stewart et Rosie O'Donnell et traînant un reporter du New York Times en justice pour avoir eu l'audace de suggérer que la valeur nette de Trump s'exprime en millions et non en milliards. Forbes épingle Trump, qui est aujourd'hui à la tête d'un véritable empire immobilier, de divertissement et de merchandising, à une valeur nette de 3 milliards de dollars. Néanmoins, Donald conteste notre chiffre : "Je vaux 7 milliards de dollars."

De toute évidence, les secteurs des médias et du divertissement ont engendré un certain nombre de milliardaires célèbres, comme le réalisateur et producteur de films de légende Steven Spielberg, la reine de la télévision Oprah Winfrey, le créateur de Star Wars George Lucas et l'auteur de Harry Potter J.K. Rowling. Le célèbre propriétaire des New York Yankees, George Steinbrenner III, qui vaut 1,3 milliard de dollars, fait son apparition dans le classement des milliardaires cette année. À New York, il est vénéré et insulté suivant si les Yanks ont gagné ou perdu les World Series et en fonction des joueurs récemment achetés ou licenciés par l'équipe.

Malgré le fait qu'il ait un jour déclaré, "J'ai le meilleur travail du monde," le maire de New York City Michael Bloomberg, qui vaut 11,5 milliards de dollars cette année, a fait l'objet ces derniers mois de discussions régulières sur les réseaux d'actualité câblés de la nation, car des rumeurs ont laissé entendre qu'il se lancerait dans la course à la présidence. Fin février, il a finalement coupé court à ces rumeurs en écartant pour de bon une proposition dans un article Op-Ed pour The New York Times. Bloomberg demeure pourtant un acteur fondamental du cycle d'actualités en ce moment, car il réfléchit publiquement au candidat qu'il convient de soutenir.