Toutes les prévisions économiques de 2011 La zone euro va-t-elle exploser ?

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Jean-Pierre Chevallier. © JPC

Ancien professeur d'économie à l'université de Nice, Jean-Pierre Chevallier s'affiche volontiers comme un économiste libéral. Sur son blog, il ausculte régulièrement les comptes de la France et de la zone euro. Il explique au Journal du Net pourquoi, selon lui, "tout cela va mal finir".

L'éclatement de la zone euro est-il à craindre ?

Jean-Pierre Chevallier. Oui, puisqu'elle n'a plus d'argent en réserve en devises à la BCE. Aujourd'hui, l'ensemble tient principalement grâce à l'Allemagne.

Comment ça ?

J-P. C. C'est l'Allemagne qui finance ce que j'appelle le Club Med, à savoir les PIGS (Portugal, Italie, Espagne et Grèce, ndlr) et la France. Aujourd'hui, l'Allemagne présente exactement les mêmes caractéristiques que la Chine, 1er exportateur mondial, dont les réserves de change dépassent les 3 000 milliards de dollars. Mais la Bundesbank, elle, ne possède que 28,7 milliards de réserves de change, alors que ses caisses devraient contenir environ 2 000 milliards.

Où est passé cet argent ?

J-P. C. Les banques centrales s'équilibrent entre elles. Par exemple, la France affiche chaque mois un déficit de sa balance commerciale de 3 à 4 milliards. La balance des investissements directs étrangers est elle aussi en déficit tout comme la balance des transactions courantes. La France disposant de 25 milliards de réserves de change, à ce rythme-là, je me disais qu'il n'y en aurait plus que pour 6 mois. Mais en fait, depuis 2004, les réserves de change ne tombent jamais au-dessous des 25 milliards. Et pour cause, il y a régulièrement une arrivée miracle d'argent dans la balance des paiements, en provenance de la Bundesbank. On la retrouve dans la section 3.3 des comptes de la Banque de France, intitulée "Autres investissements".

"Nous sommes dans une situation de survie."

L'Allemagne est-elle la seule raison pour laquelle la zone euro tient ?

J-P. C. Elle tient également grâce aux capitaux hors zone euro investis en bons du trésor européens. 70% de la dette de la France est notamment détenue par des non résidents, mais ces rachats de bons du trésor sont enregistrés comme des investissements, donc en entrées de capitaux dans la balance des paiements. Cela crée une situation paradoxale : plus l'Etat s'endette, plus la situation comptable s'améliore. Sauf que plus on s'endette, plus il faudra rembourser.

Cette dépendance aux capitaux non-résidents n'est-elle pas aussi dangereuse pour la zone euro ?

J-P. C. Nous sommes dans une situation de survie : une chute du rendement des bons du trésor couplée à des craintes sur la zone euro peut tout faire s'écrouler. On a notamment frôlé la catastrophe dans la première quinzaine de janvier. Les capitaux sont sortis pour aller sur les marchés actions plus rémunérateurs et par peur que la zone euro ne se casse la figure. L'euro a chuté, tout comme les valeurs bancaires européennes. Seule une intervention massive des banques a permis un redressement magistral de l'euro : beaucoup d'établissements ont fait vendre des bons du trésor, qui ont également été placés massivement dans des instruments financiers comme les Sicav.

Combien de temps ce système peut-il tenir ?

"Aujourd'hui, il faudrait réévaluer le deutschemark et dévaluer le franc."

J-P. C. Je ne sais pas. Mais il n'est pas possible d'avoir une monnaie unique pour des pays à la structure différente : l'Allemagne a des excédents, la France a des déficits, les gains de productivité sont différents. Le dernier exemple en date est l'Argentine. En 1991, elle a instauré la parité peso-dollar. Ça a tenu pendant 10 ans puis, une fois qu'ils ont stoppé la parité, le peso a perdu 70% de sa valeur. Aujourd'hui, il faudrait réévaluer le deutschemark et dévaluer le franc, ce qui n'est pas possible dans le système à la Bretton Woods bloqué dans lequel nous sommes. La seule solution est de sortir de l'euro, ce que les politiques refusent de faire. Le langage officiel, et notamment celui de Nicolas Sarkozy, consiste à dire que quitter l'euro serait une folie. Mais sur le plan technique, l'euro ne peut pas tenir. Et tout cela va mal finir.