Les réseaux sociaux médicaux séduisent l'industrie pharmaceutique

Les réseaux sociaux médicaux séduisent l'industrie pharmaceutique Dédiés aux médecins et patients, ils attirent les budgets des laboratoires en leur permettant de toucher directement leur cible.

En 2005, lorsque le praticien Daniel Palestrant lance Sermo, un réseau social dédié aux médecins américains, il est l'un des pionniers sur le secteur. La start-up a depuis levé 41 millions de dollars avant de se faire racheter, en 2012, par le spécialiste de la data médicale WorldOne. La société est désormais présente dans quinze pays. 540 000 médecins représentant plus de 90 spécialités y discutent anonymement et gratuitement.

Mais "le problème des réseaux sociaux verticaux comme celui-ci, reconnaît Peter Kirk, CEO de Sermo, c'est qu'ils sont justement limités par leur verticale et n'atteindront jamais la masse critique suffisante pour pouvoir enregistrer d'énormes volumes publicitaires." Il y aurait un peu plus de dix millions de médecins dans le monde selon lui quand Facebook revendique 1,59 milliard d'utilisateurs.

Campagnes promotionnelles et sondages

Pas de publicités sur Sermo, donc. Mais la communauté de praticiens est une manne pour l'industrie pharmaceutique. La start-up se monétise en permettant aux laboratoires d'interagir avec les médecins sur la plateforme, de se créer une page, d'y ajouter du contenu puis de le promouvoir. Coût : de 1 000 à plusieurs centaines de milliers de dollars pour une campagne.

Sermo permet aussi aux sociétés pharmaceutiques de mener des études auprès de sa communauté grâce à des outils de sondage. Une activité qui représente désormais une soixantaine de pourcents de son chiffre d'affaires. La société est rentable depuis 2015, emploie plus de 200 collaborateurs et enregistre plus de 50 millions de dollars de CA. Sermo, qui se revendique premier réseau social de médecins au monde, se lancera en France cette année.

Mettre en relation médecins spécialistes et recruteurs

Depuis sa création, Sermo a fait des émules. Des réseaux sociaux plus exclusifs que des forums comme Doctissimo, et surtout plus qualitatifs, ont vu le jour dans le monde entier. Doximity, fondé en 2011 aux Etats-Unis, a levé 82 millions de dollars et revendique 500 000 praticiens. La start-up se monétise en mettant en relation les membres de son réseau et des recruteurs à la recherche de profils bien précis. Elle travaille avec plus de 300 hôpitaux et cliniques et est rentable depuis janvier 2014. D'autres réseaux sociaux sont déjà bien installés dans le pays de leur création, comme le chinois DXY, soutenu par le géant Tencent.

En France, les start-up sont rares sur le secteur

En France ce sont des entreprises traditionnelles qui se sont emparées du secteur, plutôt que des start-up. Comuniti, créé fin 2014 par le portail médical Univadis, est le leader avec une communauté de 69 000 professionnels de santé.

Mais d'autres acteurs se sont récemment lancés dans l'Hexagone. Début 2015, le groupe Profession Santé, qui édite notamment Le Quotidien du médecin, a fondé Santé Connect. "C'est un réseau réservé aux professionnels de santé qui nous permet d'apporter un service supplémentaire à nos lecteurs, décrit Rémi Gambier, social media manager. Tous les membres, médecins ou pharmaciens, s'inscrivent grâce à leur numéro professionnel pour assurer la confidentialité."

Ce "mix entre Facebook et Linkedin" qui permet aux professionnels d'échanger, de poser des questions et de partager des documents, mais aussi de surveiller leur e-réputation et de recevoir des conseils pour l'améliorer, est géré par deux chefs de projet et un social media manager, tandis que trois webmasters du groupe animent la communauté. Gratuit, il ne comporte pas de publicité. "Notre objectif est d'approcher une cible plus jeune et de lui faire découvrir notre marque à travers un service plus innovant qu'un site de presse, explique Rémi Gambier. Nous cherchons à créer une communauté très engagée."

Cibler les étudiants en médecine

L'un des derniers arrivés sur le secteur, lancé en mars 2015 à destination de tous les professionnels de santé et entièrement gratuit, HeyDoctor compte quant à lui un peu moins de 1 500 membres. "L'objectif, à terme, sera de se monétiser en vendant des espaces publicitaires à des laboratoires, explique Michael Thanacody, fondateur." Déjà, la start-up a mis en place une autre source de revenus et vend des annales et des QCM en ligne aux étudiants en médecine.

PatientsLikeMe vend des études grâce aux données des patients

Outre les réseaux sociaux dédiés aux médecins, émergent aussi des sites dédiés aux patients. Aux Etats-Unis, PatientsLikeMe permet aux patients de comparer leurs symptômes et traitements et surtout d'enregistrer leurs données médicales. PatientsLikeMe agrège les informations et vend des études à l'industrie pharmaceutique, aux assureurs, aux fabricants d'équipements médicaux... Fondée par trois ingénieurs du MIT en 2004, la start-up a depuis levé 27 millions de dollars, notamment auprès d'Omidyar Network. Elle compte plus de 400 000 membres atteints de plus de 2 500 maladies différentes.

En France, le réseau social Carenity, fondé en 2011, fonctionne sur le même modèle et revendique 111 000 membres, sollicités pour répondre à des enquêtes anonymes en ligne ou recrutés pour des essais cliniques.

D'autres start-up se passent de l'industrie et cherchent leurs sources de revenus ailleurs, à l'image de MyHospiFriends, qui signe des contrats avec des hôpitaux français pour y installer son site connectant les patients hospitalisés. Mais aucune ne parvient pour l'instant à égaler la puissance de celles qui se reposent sur les budgets de l'industrie pharmaceutique…