Le séquençage ADN à bas coût, une révolution fabuleuse... et dangereuse Vers la généralisation de la médecine personnalisée

L'effondrement du coût du séquençage ADN ouvre la porte à une médecine personnalisée où chaque patient serait traité selon son profil génétique. "Un cauchemar pour l'industrie pharmaceutique", sourit Jean-François Deleuze, directeur du centre national de génotypage (CNG), la division santé humaine de l'Institut de génomique. "Imaginez que l'on doive développer un médicament pour chaque type de variation d'un gène, cela fait potentiellement des milliers de versions". Evidemment, cela ne sera jamais le cas, mais les traitements sur mesure sont pourtant déjà une réalité.

29 nouveaux gènes facteurs de prédisposition à la sclérose en plaque ont été identifiés fin 2013. Des recherches sont aussi menées sur la maladie d'Alzheimer, le sida ou le diabète

Le domaine le plus avancé est celui de l'oncologie. Il s'agit ici de séquencer le génome des cellules cancéreuses pour détecter les mutations responsables de la tumeur. Contrairement aux chimiothérapies classiques qui détruisent toutes les cellules qui prolifèrent, induisant des effets secondaires comme la perte de cheveux ou les nausées, les thérapies génétiques reconnaissent spécifiquement l'anomalie présente sur les cellules tumorales. 

Le programme ICGC (International Cancer Genome Consortium), auquel participe la France, vise ainsi à établir une description complète des altérations génétiques d'une cinquantaine de cancers. L'Institut Curie, qui mène actuellement un essai sur 1 000 patients, estime que 20% des patients sont porteurs d'une anomalie pour laquelle on possède déjà une thérapie ciblée.

D'autres maladies sont concernées. Fin 2013, des chercheurs de l'Inserm et du CNRS ont publié une étude identifiant 29 nouveaux gènes facteurs de prédisposition à la sclérose en plaque. Des recherches sont aussi activement menées sur la maladie d'Alzheimer, le sida, ou le diabète.

Détecter des prédispositions à des maladies

Avant d'être utilisé comme outil de traitement, le séquençage ADN intervient d'abord lors du dépistage. Le grand public a pu le découvrir lorsqu'en 2013 l'actrice américaine Angelina Jolie a révélé avoir subi une ablation des seins pour prévenir un risque très élevé de cancer. Si la star a choisi d'effectuer cette opération lourde de conséquences, c'est en effet parce qu'elle est porteuse d'une mutation de deux gènes, le BRCA1 et le BRCA2. Une mutation qui augmente de 65% à 85% les risques de développer un cancer du sein. 250 000 de ces tests, commercialisés pour 3 000 dollars par la société Myriad Genetics, sont déjà vendus chaque année.

Il suffit d'une simple prise de sang mammaire chez les femmes enceintes pour dépister la totalité des prédispositions génétiques des fœtus

Et les exemples sont légion. Il suffit désormais d'une simple prise de sang mammaire chez les femmes enceintes pour dépister la totalité des prédispositions génétiques des fœtus. La trisomie 21, une grave maladie mentale, était jusqu'ici détectée par amniocentèse, une technique risquée entraînant une fausse couche dans 0,5 à 1% des cas. Le test génétique par séquençage ADN est non seulement plus facile et plus rapide mais aussi beaucoup plus fiable. Commercialisés depuis 2011 aux Etats-Unis, ils sont déjà autorisés dans trois pays européens pour un prix unitaire de 1 250 euros en moyenne. Encore deux fois et demi plus cher qu'un examen par amniocentèse, mais il ne fait aucun doute que ce type de test est appelé à se généraliser.

Limiter les effets secondaires

Si le développement de médicaments sur-mesure va renchérir le coût pour les laboratoires, il leur permettra aussi d'améliorer significativement leur efficacité et réduira leurs effets secondaires. "Grâce au profil génétique du patient, il sera possible de prévoir les effets délétères des traitements, mais également d'ajuster leur posologie", assure Jean-François Deleuze. "La plupart des médicaments sont métabolisés par le foie. Les enzymes du foie ont une variabilité de un à dix quant à leur propension à diffuser le médicament", explique-t-il. Pour une même dose de médicament, certains patients vont donc réagir beaucoup plus rapidement et plus efficacement que d'autres.

les médicaments ne sont pas assimilés de la même manière par l'organisme selon
Les médicaments ne sont pas assimilés de la même manière par l'organisme selon le profil génétique du patient. © ktsdesign / Fotolia.com

D'où le projet "CIME" (Carte d'identité métabolique), qui a pour but "d'administrer la bonne dose du traitement le plus efficace pour un patient donné" en fonction de son profil génétique.
Enfin, le séquençage ADN promet de révolutionner les essais cliniques de médicaments : en testant les molécules thérapeutiques sur une population parfaitement homogène génétiquement, la réponse du traitement est bien mieux identifiée.