Jean-Louis Chaussade (Suez Environnement) "C'est le moment de réinvestir"

Le directeur général de Suez Environnement, numéro deux mondial du traitement de l'eau et des déchets, nous confie ses projets pour l'année à venir.

Avec "la baisse de l'euro, la réduction du prix du pétrole et la baisse des taux d'intérêt"¸ Jean-Louis Chaussade constate plusieurs éléments macroéconomiques positifs qui laissent entrevoir une sortie de crise. Selon lui, c'est le moment d'accélérer la politique d'investissements. Interview.

Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement © Suez Environnement, Denis Félix

JDN. Avec un chiffre d'affaires stable (+1,3% en organique) et un résultat net en forte hausse (+18,5%), vous affichez un bilan 2014 positif. Si vous ne deviez retenir qu'un seul chiffre, ce serait lequel ?

Jean-Louis Chaussade. Certainement celui du cash-flow libre de l'entreprise, indicateur financier essentiel à nos yeux, qui s'élève à 1,1 milliard d'euros. Nous avons fait croître notre cash-flow libre de 12% par rapport à 2013, ce qui reflète la bonne performance du groupe en 2014.

L'an dernier, vous déclariez au JDN : "Nous sortirons bientôt de la crise et nous en sortirons même plus forts que nous y sommes entrés." Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que c'est chose faite ?

Suez Environnement sortira plus fort de la crise, c'est sûr. Nous avons commencé à réinvestir en 2014 et nous poursuivrons sur cette dynamique en 2015. C'est le moment de réinvestir, tout en restant ferme sur plusieurs éléments importants. D'une part, en privilégiant les investissements qui nous permettent d'augmenter notre activité dans les 4 priorités stratégiques que nous avons défini : les nouveaux services dont le smart water, la valorisation des déchets, les clients industriels, et enfin tout ce qui concerne le développement à l'international. Deuxième chose très importante pour nous : nous investirons dans les marchés que nous connaissons et où nous pouvons renforcer nos parts de marché. Enfin, je ne sacrifierai pas la rentabilité à la croissance. En 2015, je souhaite procéder comme en 2014 : avoir un mix de croissance organique et d'acquisitions.

"Je ne sacrifierai pas la rentabilité à la croissance"

Le 12 mars, vous annoncerez une nouvelle architecture autour d'une marque unique. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Nous pensons qu'il est indispensable d'aller vers une marque unique pour que 100% des sociétés du groupe aient le même nom. Ce qui va changer et qui est très important, c'est l'impact du nom sur nos clients à la fois en interne et en externe. A l'international, c'est difficile d'expliquer à nos clients qu'il y a d'un côté une société qui vient les voir qui s'appelle Degrémont, une autre SITA, une autre Suez Environnement et qu’il s’agit en fait de la même société.

Parallèlement, vous avez entamé une réorganisation par zone géographique…

Oui, cela a été fait l'année dernière et l'organisation a été mise en place le 1er janvier 2015. C'est un sujet qui répond aussi à la problématique précédente : à l'international, lorsque l’on rencontre un client  il faut une approche unifiée. Nous avons divisé le monde en 5 zones géographiques et nous avons mis à leur tête un grand manager. On a également appuyé ces zones géographiques avec des métiers que nous avons divisé en quatre : les services de l’eau, les services des déchets, les métiers de l'engineering avec les DBO (design build operate, NDLR) pour l'eau et les déchets et enfin les solutions industrielles. Ces quatre lignes de métiers fonctionnent matriciellement avec les zones géographiques pour leur apporter le savoir-faire technique dont elles ont besoin pour répondre aux appels d'offres. Nous disposerons ainsi d'une équipe commerciale unie et le manager de la zone sera directement au courant de l'ensemble des activités concernant sa zone géographique. Voilà la grande transformation.

"Il est indispensable d'aller vers une marque unique"

Est-ce que cela aura un impact sur les effectifs ?

Nos effectifs vont être globalement stables. Ce qu'il faut comprendre, c'est que nous faisons cela pour augmenter notre pénétration commerciale. Cela dit, oui, nous avons fait des recrutements de nouveaux commerciaux, c'est le cas par exemple dans la zone Moyen-Orient. Dans le même temps, nous allons légèrement optimiser et mutualiser les effectifs : à titre d'exemple, quand vous mettez l'eau et les déchets sous un même management en Australie, aujourd'hui il n'y a plus qu'un seul directeur financier là où il y en avait deux. Donc c'est beaucoup plus une décision managériale d'optimisation et de renforcement de nos moyens commerciaux. Dans un souci de maîtrise des coûts, nous renforçons d'un côté et de l'autre côté nous mutualisons, mais sans que cela ait un caractère majeur.

Donc ces suppressions de poste seront mineures ?

Il n'y aura aucune restructuration.

Avec le développement d'une marque mondiale, peut-on imaginer que Suez Environnement quitte la France à plus ou moins long terme ?

La France reste très importante puisqu'elle représente un peu plus d'un tiers du chiffre d'affaires. Un autre tiers porte sur le reste de l'Europe et enfin, un tiers sur l'international. Dans les années à venir, il y aura une progression légère à l'international, mais nous serons toujours présents en France. Nos activités dans l’Hexagone sont très importantes, que ce soit dans l'eau ou dans les déchets, et nous souhaitons être proches de nos clients.

"Nous allons légèrement optimiser et mutualiser les effectifs"

Quels sont les principaux défis que Suez Environnement devra relever dans les 5 ans à venir ?

Il y a plusieurs grands défis auxquels nous serons confrontés. D'abord, outre la sortie de crise, on voit une transformation importante de nos métiers : nous sommes en train de passer d'une logique de distribution d'eau, de collecte et traitement de déchets à une logique de gestion de ressources. Ce n'est pas du tout la même chose. Ce ne sont pas les mêmes outils, les mêmes hommes ou encore les mêmes investissements. Prenons l'exemple du déchet : collecter un déchet et le mettre dans un centre de stockage, c'est une chose locale assez simple. Ils sont bien sûr nécessaires et il faut savoir  les gérer, mais c'est très peu impacté par la croissance mondiale. En revanche, dès que nous parlons de collecte, de tri et ensuite de valorisation - énergétique ou matière - on est dans un autre monde et ça c'est une transformation très importante. Autrement dit, nous sommes en train d'adapter l'entreprise à une réalité qui s'appelle l'économie circulaire. Dans l'eau, nous sommes aussi dans cette même logique : comment protéger la ressource, en particulier la ressource souterraine ? Comment s'arranger pour que tout le monde puisse bénéficier de l'eau à un niveau raisonnable que ce soit la population, l'industrie, l'agriculture ?... La gestion de la ressource va donc devenir un élément majeur du paysage. Ce sont les grands défis de demain.

"Nous avons traversé la crise bien mieux qu'un certain nombre de nos concurrents"

Qu'est-ce qui vous manque aujourd'hui pour passer devant Véolia ?

Moi, je ne suis pas dans une course à la taille. Je ne suis pas dans cette compétition-là. J'essaie d'être l'entreprise qui a le meilleur équilibre entre la croissance, la profitabilité et la génération de cash-flow. Je pense que c'est ce que nous avons réussi à faire au cours des dernières années. Nous avons traversé la crise bien mieux qu'un certain nombre de nos concurrents et sommes déjà devant un certain nombre. Quand vous regardez la taille peut-être pas, mais quand vous regardez les chiffres clés, vous constaterez que nous sommes déjà extrêmement forts et que nous continuons à croître. Je ne me mesure pas en permanence avec les concurrents quels qu'ils soient. Ce que j'essaie de faire, c'est de mener à bien ma stratégie et elle s’est montrée efficace pendant la crise. Le vrai défi maintenant pour nous, c'est qu'elle soit efficace en sortie de crise et que Suez Environnement à la fin soit plus fort qu'avant.

"Je crois que j'apporte encore beaucoup à l'entreprise"

Votre mandat arrivera à échéance fin 2016. Est-ce qu'on se reverra en 2017 ?

Ma succession n'est absolument pas à l'ordre du jour et ma mise à la retraite non plus. Je reste bien évidemment aux ordres de mon conseil, mais en ce qui me concerne, j'ai envie de continuer et je crois que j'apporte encore beaucoup à l'entreprise.