Le "smart tourism", une aubaine pour les start-up de la smart city

Le "smart tourism", une aubaine pour les start-up de la smart city Paris, Helsinki mais aussi Bordeaux ou Santander font appel aux jeunes pousses pour booster leur attractivité grâce au digital.

C'est la ville la plus visitée du monde mais aussi celle où l'accueil est le plus souvent décrié. Qu'à cela ne tienne, Paris a décidé de prendre les choses en mains et d'asseoir sa position de première destination touristique de la planète en soutenant le Welcome City Lab, l'incubateur pour l'innovation dans le tourisme de Paris&Co, l'agence chargée du développement économique de la capitale.

Lancé en 2013, il parie notamment sur la smart city et toutes ses nouvelles technologies qui pourront faciliter l'orientation des touristes dans la Ville Lumière : "Notre ambition est de faire de Paris le leader mondial dans l'innovation touristique. Car si cette industrie n'est pas capable d'intégrer les jeunes et de soutenir leurs start-up, elle ne va pas se construire d'avenir. C'est essentiel d'innover pour faire venir et revenir les visiteurs car le tourisme à Paris, c'est 500 000 emplois directs et indirects touchés et 9 milliards d'euros de retombées économiques par an", prévient Laurent Queige, délégué général du Welcome City Lab.

Toot Sweet suggère des évènements à proximité sur le point de commencer. © Toot Sweet

"Le numérique et le digital accélèrent la prise de contact et l'accès au client. Paris est décriée pour son accueil et les nouvelles technologies comblent ce manque. La smart city permet de connecter l'ensemble de la ville avec un public touristique fragilisé qui n'a pas de repères, qui ne parle pas la langue", poursuit-il.

Parmi les incubés, beaucoup misent sur la personnalisation des séjours, comme les applications WeGuideYou et Meetrip, qui permettent de réserver ses guides à l'avance et d'organiser ses visites en fonction de son bagage culturel, ou Optionizr, qui propose par exemple de poser une option sur une chambre d'hôtel ou un vol pendant 48 heures pour se donner le temps de choisir l'offre la plus intéressante. "De nos jour l’hyper personnalisation est très recherchée et c'est encore trop rare en France. C'est pourquoi nous encourageons ce genre de projet", commente Laurent Queige.

Du sur-mesure mais aussi de l'immédiat, comme le propose Toot Sweet, une application smartphone qui permet de profiter en temps réel des événements qui se passent autour de soi. "90% des touristes viennent pour un événement principal, comme un concert ou un congrès, mais ils ne prévoient pas les sorties annexes et sont souvent déçus car ils ne savent pas comment les trouver le moment venu", affirme le délégué général du Welcome City Lab.

Et une fois ces points d'intérêt identifiés, reste encore à les atteindre. Et sur ce point, c'est Bordeaux qui a décidé de s'emparer de l'épineux problème du stationnement : "La start-up Parking Facile, soutenue par la région via un incubateur, permet de réserver à l'avance une place de parking chez un particulier, ce qui évite de tourner pendant des heures pour trouver une place", explique Jean-Baptiste Soubaigné, responsable stratégies numériques de la Mission des Offices de tourisme et Pays touristiques d'Aquitaine (MOPA).

De son côté, la ville de Paris s'active sur les déplacements au sein même des lieux touristiques… Avec une vision quelque peu futuriste : "Les navettes autonomes du fabricant français Navya permettront un jour de mieux transporter les touristes dans les musées et lieux d'exposition, là où ils veulent et quand ils le désirent, sans les faire attendre", explique Laurent Queige.

A Bordeaux, Parking Facile permet de réserver une place de stationnement chez un particulier. © Parking Facile

Mais le travail sur la mobilité passe aussi par une meilleure information une fois en route : le Welcome City Lab est déjà partenaire d'Air France, qui expérimente sur sa ligne Toulouse – Paris les solutions d'interactive mobility des start-up incubées, comme par exemple des tablettes avec du contenu touristique embarqué mises à disposition des voyageurs. "Nous travaillons aussi avec la RATP, qui testera bientôt les idées de nos incubés dans le métro. C'est très important car 89% des touristes l'utilisent", ajoute Laurent Queige.

Une problématique dont s'est également emparée Bordeaux : "Le projet Connectram se base sur la réalité augmentée pour diffuser sur les vitres du tram des informations sur l'arrêt, ce qu'il y a autour, les bus disponibles à cet endroit, ce qu'il y a à faire dans le quartier ou si des vélos en libre-service sont disponibles, notamment", raconte Jean-Baptiste Soubaigné.

Et cette information contextualisée, il faut pouvoir l'apporter jusque dans la rue. C'est en tous cas la conviction d'Helsinki, qui a eu l'idée ingénieuse de transformer 22 écrans publicitaires en bornes interactives à destination des visiteurs : "Il s'agit de panneaux à double face, avec d'un côté la diffusion d'encarts publicitaires vendus par l'opérateur Clearchannel, et de l'autre une carte dynamique de la ville où il est possible de découvrir les événements prévus et où ils se dérouleront, de programmer son trajet dans les transports en commun ou encore de consulter la météo", explique Pekka Koponen, directeur du développement du Forum Virium Helsinki, le laboratoire d'innovation de la capitale finlandaise. "Nous avons également équipé certains lieux de la technologie NFC et de QR codes, qui permettent aux touristes d'obtenir toutes ces informations directement sur leur smartphone", ajoute-t-il.

Car si tous sont d'accord pour dire que des équipements prêts à l'emploi sont indispensables, il ne faut pas oublier que la grande majorité des touristes sont déjà outillés. Un constat que n'a pas tardé à faire la ville espagnole de Santander, qui a lancé son programme SmartSantander dès 2010 : "Nous avons déployé plus de 20 000 capteurs dans toute la ville, ce qui nous a permis de récolter un volume important de données et ainsi de développer une trentaine d'applications, développées à la fois par la ville mais aussi par des entreprises partenaires, qui offrent à nos citoyens comme aux touristes une information contextualisée sur tout ce qui se passe dans notre ville", se félicite Gema Igual, adjointe au maire de Santander en charge du tourisme.

"Nous avons déployé plus de 20 000 capteurs dans Santander, ce qui a permis de développer une trentaine d'applications"

SmartSantanderRA, par exemple, permet au touriste de se plonger dans la ville telle qu'elle était il y a des dizaines d'années grâce à la réalité augmentée, mais aussi de visionner en temps réel des caméras placées sur les plages pour en connaître la fréquentation, notamment.

Une expérience qui a fait des émules en France, et notamment à Bordeaux, qui a décidé d'ouvrir ses données touristiques à des start-up comme Wiidii : "Cette application mobile est une sorte d'assistant personnel auquel on peut poser une question et qui répond en cherchant sur l'open data toutes les informations demandées à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Il détermine même au fur et à mesure le profil de l'usager grâce à une intelligence artificielle pour lui faire des recommandations personnalisées. Et si besoin l'humain prend le relais, car le système est connecté à des opérateurs prêts à répondre aux questions de l'utilisateur", explique Jean-Baptiste Soubaigné.

Mais pour cela, encore faut-il que les touristes aient tous accès à Internet sur leurs appareils. Souvent bloqués par des forfaits qui ne comprennent pas les données cellulaires à l'étranger, ils doivent alors se rabattre sur les réseaux Wifi.

Pour orienter ses visiteurs, Santander leur offre une application mobile en réalité augmentée. © SmartSantanderRA

Et justement, du côté de Bordeaux, on a bien pris la mesure de ce défi : "Il y a un vrai travail pour offrir un Wifi gratuit, illimité, sécurisé mais aussi unifié. C'est ce que l'on appelle le Wifi territorial : des hotspots mis en réseau qui couvrent tout le territoire avec une connexion qui ne nécessite qu'une seule connexion une fois ses identifiants créés, grâce à un système qui reconnaît automatiquement le terminal", indique Jean-Baptiste Soubaigné. Une fois connecté, l'usager pourrait accéder immédiatement à un portail qui met en avant les événements prochains ou encore les restaurants ouverts à proximité. Une aubaine pour la ville, qui récupérerait par la même occasion les coordonnées des voyageurs pour, à l'avenir, les inviter à revenir profiter de Bordeaux.

Le Welcome City Lab n'a pas non plus sous-estimé le problème en intégrant une start-up comme Peeble, qui propose aux touristes un hotspot Wifi de poche relié au réseau 4G et sur lequel jusqu'à 10 personnes peuvent être connectées simultanément.

Que cela soit en France, en Espagne ou en Finlande, le constat est donc le même : l'hyper connectivité des touristes ne doit pas s'arrêter aux portes des villes qu'ils visitent. Il y aurait d'abord une réelle attente de leur part : "Les touristes sont de plus en plus demandeurs et expérimentés en ce qui concerne les nouvelles technologies. Nous pensons que leur apporter des services connectés grâce aux appareils qu'ils utilisent déjà fait de la visite de notre ville une expérience plus enrichissante et ludique", affirme Pekka Koponen.

L'hyper connectivité des touristes ne doit pas s'arrêter aux portes des villes qu'ils visitent

Mais aussi une exigence qui pourrait être fatale aux villes qui l'ignorent : "Ce n'est pas seulement nécessaire, c'est indispensable. Sur un marché aussi compétitif que le tourisme, nous ne pouvons pas laisser filer une telle opportunité de se différencier des autres villes touristiques", martèle Gema Igual. "A Santander, nous avons appris qu'une petite ville comme la nôtre pouvait avoir de grandes ambitions grâce à l'innovation", poursuit-elle.

Car selon l'élue espagnole, être une smart destination représenterait bien plus qu'un avantage concurrentiel : "Grâce à l'engagement de la ville dans le tourisme intelligent, le nom de Santander est aujourd'hui présent dans de grands forums et événements internationaux ainsi que sur de nombreux supports de communication. Beaucoup de visiteurs viennent d'abord pour découvrir le développement de notre smart city."