Dominique de Ternay (RATP) "La RATP ouvrira ses données temps réel d'ici la fin de l'année"

Accusée par l'application Citymapper de ne pas vouloir partager ses data temps réel, la RATP affirme avoir été prise de court et y travailler activement, explique son directeur marketing.

Dominique de Ternay est responsable marketing à la RATP. © Jean-François Mauboussin / RATP

JDN. La start-up londonienne Citymapper, qui propose une application mobile capable de calculer des itinéraires multimodaux, affirme que la RATP refuse de partager ses données temps réel avec elle et a même lancé une pétition à ce sujet. Qu'est-ce qui pose problème ?

Dominique de Ternay. Citymapper a eu accès de manière non autorisée à nos données temps réel via notre site WAP. Le volume de requêtes sur nos serveurs a plus que doublé par rapport à la normale. Il y a notamment eu de très grosses pressions sur nos systèmes d'information ces deux dernières semaines, ce qui a provoqué de forts ralentissements voire par moment l'arrêt total de l'utilisation des données, même sur nos propres applications et celles du STIF (Syndicat des Transports d'Ile-de-France) dans toute l'Ile-de-France.

Mais nous ne voulons absolument pas empêcher l'accès aux données temps réel, au contraire. Depuis l'ouverture des données théoriques, sur les horaires ou la géolocalisation des stations, par exemple, nous nous sommes engagés à ouvrir à tous, y compris Citymapper, nos données temps réel. Et cela sera fait d'ici la fin de l'année 2016.

"Ouvrir les données temps réel coûtera plusieurs centaines de milliers d'euros"

Il faut simplement nous laisser le temps de mettre en place les infrastructures nécessaires à la mise à disposition d'importantes quantités de données sans risque de saturation. Pour cela, il nous faudra une plateforme séparée des services de la RATP. Au total, nous estimons qu'ouvrir les données temps réel nous coûtera plusieurs centaines de milliers d'euros pour dimensionner nos services à la demande qui existe.

Et si certains nous rétorquent que d'autres villes françaises comme Rennes ont déjà mis à disposition leurs données temps réel, c'est sans compter l'importance des flux de passagers sur le réseau de la RATP, sur lequel 10 millions de voyages sont réalisés chaque jour en Ile-de-France.

La loi autorise les opérateurs de transport à demander aux "utilisateurs de masse" de données de contribuer aux coûts de leur mise à disposition. Quel est le coût de la redevance ?

Nous ne connaissons pas encore ces chiffres car nous sommes en train d'y travailler. Mais le but de cette redevance est, comme le spécifie la loi, de faire supporter aux très gros utilisateurs les coûts engendrés par l'équipement et la mise à jour des données. Notre conviction c'est qu'il n'y a pas de raison pour que cela soit les Franciliens qui supportent le coût de l'ouverture des données temps réels.

Cette redevance se calculera de manière volumétrique, c'est-à-dire en milliers de requêtes par jour. Et quand on rapporte cela aux quelques centaines de milliers d'euros d'investissement de notre part que devront compenser les très gros utilisateurs, cela ne représente pas des coûts importants.

Vous souhaitez imposer aux utilisateurs de vos données temps réel comme Citymapper la licence ODbL (Open Database License), qui les oblige à rétrocéder tous les développements réalisés à partir de ces dernières. N'est-ce pas là un moyen d'empêcher l'utilisation de vos datas ?

"Il doit être interdit de confisquer une utilisation faite en open data"

Non. Tous les textes, et notamment la loi Macron, ont intégré l'idée qu'il ne s'agissait pas là d'une protection mais d'un moyen de s'assurer que tous les réutilisateurs jouent le jeu de l'open data. Et à ce jeu, tous les participants doivent y gagner. Il n'est pas question qu'un acteur développe dans son coin une application capable de croiser les données temps réel des transport à celles des commerces locaux, par exemple, et d'en tirer profit, en la commercialisant notamment, sans la partager avec les autres. Il doit être interdit de confisquer une utilisation faite en open data.

Ce n'est pas nous qui demandons spécifiquement cette licence. Elle est d'ailleurs appliquée à l'international. C'est un choix fait par la mairie de Paris, comme ont pu le faire d'autres villes de l'Hexagone comme Lyon.

Pourriez-vous monétiser ces datas à l'avenir ?

Nous n'avons pas prévu de les valoriser et cela fait partie de nos engagements envers le gouvernement, qui seront renouvelés tous les cinq ans.

Citymapper offre par exemple la possibilité de savoir où se positionner dans les rames pour arriver pile en face de la sortie de la station où l'on désire aller. Des services comme celui-ci ne devraient-ils pas être proposés depuis longtemps par la RATP ?

"Nous présenterons en mai une nouvelle version de l'application avec de nouveaux usages de la data"

Sur ce cas précis, cela ne correspond pas à notre vision d'exploitant, qui nous oblige à réfléchir à la problématique de la bonne répartition des personnes au sein des rames. Inciter les voyageurs à se précipiter vers les wagons les plus proches des sorties ne correspond pas avec notre mission de professionnel du transport.

Cela ne nous empêche pas de travailler sur des services innovants. Nous présenterons en mai 2016 une nouvelle version de l'application avec de nouveaux usages de la data et une ergonomie totalement repensée.

Nous voulons proposer des circuits alternatifs en intégrant aux itinéraires proposés la marche, le vélo, mais aussi Autolib' et pourquoi pas les taxis. On ne s'interdit rien. Notre objectif est à terme de permettre l'abandon du véhicule personnel.