Entre autopartage et voiture autonome, les loueurs préparent l'avenir

Entre autopartage et voiture autonome, les loueurs préparent l'avenir A grands coups de rachats de start-up et de partenariats industriels, les professionnels de la location de véhicule explorent les pistes pour éviter l'ubérisation.

Comment survivre lorsque votre business est remis en cause par des services plus pratiques et moins chers ? C'est la question à laquelle tentent de répondre les loueurs de voitures. Les services d'autopartage entre particuliers comme Drivy permettent de trouver un véhicule à louer n'importe où, en ville comme en pleine campagne. Et les VTC ont définitivement rendu la location de voitures caduque pour les trajets en ville. Le parcours client évolue aussi, ajoute Sheila Struyck, directrice du Lab Europcar, une entité du loueur français chargée de développer ou racheter des solutions innovantes dans la mobilité. "Toute l'industrie doit s'adapter, car les clients s'attendent à tout pouvoir faire depuis leur téléphone. Cela change fondamentalement la manière dont ils interagissent avec nos services."

Rachats et solutions maison

Pour réussir cette adaptation, les loueurs ont noué des alliances avec des start-up du secteur afin de proposer leurs propres services de mobilité, tout en modernisant leurs offres de location traditionnelles. Europcar a été particulièrement actif, avec quatre rachats de sociétés d'autopartage et de chauffeur à la demande en deux ans : après avoir mis la main sur le Français Ubeeqo (2015), le groupe a fait l'acquisition du Britannique Brunel (2016), puis  de l'Espagnol Bluemove (2016), avant de racheter en mars dernier la start-up milanaise GuidaMi.

Une stratégie d'expansion européenne qui doit permettre à Europcar d'atteindre rapidement une taille critique : "Le plus important dans l'autopartage, c'est l'échelle", justifie Sheila Struyck. "La seule manière de mettre fin à la possession de voitures est d'avoir assez d'utilisateurs pour que le service soit rentable et suffisamment de véhicules aux endroits où ils en ont besoin." Le premier loueur européen possède aussi 25% de la filiale européenne de Car2Go, un service d'autopartage du groupe automobile Daimler dès 2011. Un montage similaire à celui de son concurrent allemand Sixt, qui a mis en service la même année sa solution d'autopartage DriveNow en joint-venture avec BMW.

Si Europcar a choisi de multiplier les petits rachats dans des start-up d'autopartage et de VTC, l'américain Avis a fait l'inverse : l'acquisition d'un seul gros acteur coté proposant de l'autopartage avec ses propres véhicules garés dans des stations. Zipcar, leader de l'autopartage aux Etats-Unis, a été racheté par Avis Budget Group en 2013 pour près de 500 millions de dollars. Si Zipcar avait réalisé quelques acquisitions avant cela, notamment à Londres et Barcelone, ni lui ni Avis n'ont plus effectué de rachats dans le secteur depuis. "Zipcar a crû à ses débuts en acquérant des sociétés locales", explique Scott Deaver, vice-président exécutif en charge du marketing chez Avis Budget Group Monde." Mais nous nous sommes rendu compte que nous pouvions faire croître Zipcar nous-mêmes".

S'inspirer des start-up

Avis se dit "intéressé" mais pas encore assez convaincu par les services d'autopartage entre particuliers pour procéder à une acquisition. Il assure n'avoir jamais trouvé de société ayant adopté ce modèle avec succès. "Elles ont du mal à atteindre une échelle suffisante et à devenir rentables." Ce qui n'empêche pas le groupe américain d'expérimenter une collaboration avec l'un des plus gros acteurs français du secteur, Ouicar. "Nous leurs permettons par exemple d'augmenter leur offre durant la semaine avec nos véhicules car les leurs sont surtout disponibles le weekend. La complémentarité est parfaite," s'enthousiasme Massimo Marsili, président d'Avis France et Benelux.

Zipcar a aussi permis à Avis de s'inspirer des innovations de l'autopartage dans son business traditionnel. L'entreprise a commencé à déployer l'année dernière aux Etats-Unis un système permettant de déverrouiller certains de ses véhicules sans interaction humaine, depuis son smartphone. Une fonctionnalité déjà proposée par Zipcar pour réduire la friction dans l'accès à son service. Avis teste également dans plusieurs aéroports européens, dont Orly, Lyon et Nice, une technologie réservée aux clients les plus fidèles qui leur permet d'être guidés jusqu'à leur véhicule de location depuis l'appli Avis Now.

Certains loueurs comme Avis et Hertz ont aussi développé des relations avec les services de VTC. Ils proposent par exemple des locations de véhicules aux chauffeurs, respectivement pour Uber et Lyft. Mais ils se positionnent surtout pour devenir des fournisseurs de services auprès de ces entreprises lorsqu'elles n'auront plus de chauffeurs. Car l'arrivée des véhicules autonomes est une opportunité pour les loueurs de valoriser l'un de leurs savoir-faire : la gestion de flottes.

Services aux véhicules autonomes

Cette expertise commence à être reconnue par des grands noms de la tech. Waymo, filiale d'Alphabet, a annoncé le 26 juin dernier un partenariat avec Avis. Le loueur américain va gérer la flotte de Waymo à Phoenix, où est testé un service de véhicules autonomes à la demande. Dans la foulée, Bloomberg a rapporté une opération similaire, mais moins ambitieuse : Apple va louer à Hertz, via sa filiale de gestion de flotte Donlen, des voitures qui serviront à tester sa technologie de conduite autonome. Un test qui ne porte que sur six véhicules. Et pourtant, cela a suffi pour que le cours de Hertz, qui avait baissé de 75% en un an, augmente de presque 70% entre le 26 juin et la mi-juillet. De son côté, l'action d'Avis a pris 28% sur la même période.

Les véhicules autonomes vont requérir aussi plus de maintenance et de réparation que les automobiles classiques. Car sans chauffeurs, les voitures d'un service de transport autonome pourraient rouler 24h/24 afin de maximiser leur rentabilité. Et s'useront forcément plus vite. "Nous achetons les voitures, connaissons la logistique pour les déplacer là où est la demande, les réparons et les revendons. Quiconque fournira un transport [autonome] aura besoin de cette expertise", est persuadé Scott Deaver. En conséquence, il s'attend à ce que l'essentiel des profits soit généré à terme par l'activité B2B d'Avis, à mesure que la gestion de flottes gagnera en importance.