Plan de mobilité obligatoire en entreprise : êtes-vous prêts ?

Plan de mobilité obligatoire en entreprise : êtes-vous prêts ? Covoiturage, autopartage, vélo, télétravail… Au 1er janvier, les entreprises devront avoir élaboré un plan favorisant des modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle.

L'année prochaine, organiser la mobilité des salariés ne sera plus en option. Au 1er janvier 2018, les plans de déplacement en entreprise deviendront obligatoires. Sont concernés les sites de plus de 100 employés, à l'exception de ceux  du secteur public et des territoires qui ne sont pas couverts par l'un des 99 plans de déplacement urbains établis dans l'Hexagone. Ce qui représenterait au moins 19 000 sites en France, selon les estimations du cabinet de conseil en mobilités EM Services.

Que les entreprises qui ne s'y sont pas encore mis se rassurent : il n'est pas nécessaire de déployer de nouvelles solutions de mobilité au 1er Janvier. "Il faut a minima avoir annoncé son plan d'action", précise Christelle Bortolini, coordinatrice mobilité et urbanisme à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Concrètement, cela implique de faire un bilan de ce qui existe déjà dans l'entreprise, avant de réaliser un catalogue d'actions et de mesures accompagné d'un budget et d'un calendrier. Il devra ensuite être adressé à l'autorité organisatrice de mobilité (Région, métropole ou agglomération) dont dépend le site.

Sanctions légères, contrôles laxistes

La loi est donc purement déclarative, d'autant qu'elle n'est assortie d'aucune obligation de résultat. Et pour les entreprises qui n'enverraient pas leur plan à temps, les sanctions prévues sont assez légères : une perte du soutien technique et financier de l'Ademe. L'enjeu peut-être crucial pour quelques entreprises, par exemple de grands groupes bénéficiant des subventions du Plan investissements d'avenir (PIA). "Sur certains dossiers, on parle en dizaine de millions", assure Adeline Gogé Lefaivre, directrice de la communication de la société de conseil en mobilités Bemobi. Mais pour la plupart des entreprises, ces sanctions seront indolores. Si tant est qu'elles soient vraiment appliquées.

L'année 2018 devrait donc être assez laxiste. D'abord parce que tous les dispositifs ne seront pas prêts : Christelle Bortolini reconnaît que l'Ademe n'est "pas encore bien dimensionnée pour effectuer tous les vérifications nécessaires". Mais aussi parce que les autorités sont dans une démarche plus incitative que répressive pour faire comprendre aux entreprises que la mise en place des plans de mobilité est dans leur intérêt. Autre problème qui incite à la tolérance : nombre d'entreprises ne sont pas au courant de ces nouvelles obligations légales. Quoiqu'il en soit, cette tolérance ne durera qu'un temps, prévient Christelle Bortolini. "On nous demande déjà de travailler sur la manière de durcir les contrôles et les sanctions."

Une contrainte ou une chance ?

Alors comment s'y prennent les entreprises qui souhaitent s'y mettre ? Tout dépend de leur taille. Certaines passent pas des cabinets de conseil comme Bemobi et EM Services, respectivement filiales de La Poste et de la RATP, qui les accompagnent dans l'identification de leurs besoins et rédigent le plan de mobilités. D'autres ont les ressources et les compétences pour tout gérer en interne. Leurs degré d'implication varie aussi : il y a celles se contenteront du service minimum pour être en conformité en dépensant le moins possible, celles qui souhaitent en profiter pour repenser totalement les déplacements de leurs employés, et celles qui n'ont pas attendu la loi pour s'y mettre.

La mise en place d'un plan de mobilité permet de réduire de 5 à 20% le bilan économique des coûts de mobilité.

Les sociétés qui conseillent ou proposent des solutions de mobilité cherchent elles-aussi à faire prendre conscience  aux entreprises sceptiques qu'elles ont à y gagner. "Il y aura toujours des entreprises qui verront cette loi comme une nouvelle obligation sans véritables sanctions et qui ne s'y intéresseront pas", reconnaît Julien Honnart, PDG de la start-up WayzUp, qui développe un service de covoiturage courte distance pour les entreprises et le grand public. "Quand je parle des plans de mobilités aux entreprises, je leur dis 'oublions l'obligation réglementaire, nous pouvons vous apporter un retour sur investissement avec nos solutions.'" Bemobi estime que la mise en place d'un plan permet de réduire de 5 à 20% le bilan économique des coûts de mobilité.

Taille critique

Pour les entreprises qui veulent se lancer, se pose d'abord la question d'y aller seules ou à plusieurs. Les plans de mobilités mutualisés entre plusieurs sites voisins permettent aux entreprises de réaliser des économies, mais aussi de proposer de meilleurs services aux employés. "Nous promouvons la mutualisation car c'est un bon moyen d'atteindre des tailles critiques, par exemple pour organiser du covoiturage", explique Anne-France Riviere, directrice générale d'EM Services. Il faudra cependant s'assurer de se regrouper avec des entreprises aux problématiques similaires en termes d'horaires, d'activité et de besoins, précise-t-elle. "En termes de gouvernance, cela peut aussi ralentir la prise de décision et la rédaction du plan de mobilités, "prévient Adeline Gogé Lefaivre.

Côté solutions, de nombreux choix s'offrent aux entreprises : incitation à l'utilisation du vélo et des transports en commun, vélos électriques sur le site pour effectuer de petits trajets, covoiturage domicile-travail, autopartage, télétravail... "Les solutions que nous préconisons le plus souvent, dans 50% de nos plans, sont les transports en commun, le covoiturage et le vélo," pointe Adeline Gogé Lefaivre.

Axa a misé sur le télétravail : 2 200 de ses 12 000 collaborateurs administratifs travaillent de chez eux.

Elles sont plus ou moins adaptées selon la localisation et l'activité du site. Axa, dont 14 sites sont concernés par le plan de mobilités, a par exemple misé sur le télétravail : 2 200 de ses 12 000 collaborateurs administratifs travaillent de chez eux. Une pratique très adaptée au métier de l'assureur (à part pour les commerciaux) et qui répond à des problématiques d'accès difficile à certains sites. "Sur notre siège à Nanterre, 70% de nos collaborateurs viennent en transports en commun", explique Céline Soubranne, directrice RSE d'AXA France. "A chaque fois qu'un RER tombe en carafe ou est en travaux, des milliers d'entre eux arrivent avec deux ou trois heures de retard. C'est un enjeu de productivité et de fatigue pour nos collaborateurs. D'autant qu'il est trop dangereux d'accéder au site en vélo, car on y vient par une quatre voies."

Changer les mentalités

La réussite d'un plan de mobilités se mesure aussi à son acceptation par l'entreprise et ses salariés. Il faudra communiquer sur sa mise en place pour convertir les collaborateurs aux nouvelles mobilités. Notamment pour les petits trajets de quelques kilomètres, sur lesquels la voiture individuelle reste un réflexe dans nombre d'entreprises. "On oublie que ça peut être fait avec autre chose, par exemple des vélos électriques", rappelle Adeline Gogé Lefaivre. "J'ai rencontré une entreprise qui faisait 500 mètres entre deux sites avec un Kangoo Diesel", se souvient-elle.

Et que faire des salariés les plus réfractaires à ces nouvelles solutions, lorsque toutes les formes d'incitations ont été tentées ? Bruno Renard, président de la Fédération des acteurs des plans de mobilités (FAPM), se souvient de l'exemple d'un collaborateur au CEA de Grenoble, où il travaille à la direction de la recherche technologique, qui habite à quatre kilomètres du site. "Il pourrait y aller en vélo, on lui rembourse son pass de transport à 85%, et pourtant il vient seul en voiture parce qu'il veut être tranquille et écouter la radio." Pour lui, les employeurs devront finir par adopter des mesures coercitives, comme la réduction du nombre de places de parking. Avant d'en arriver là, les incitations matérielles et financières devraient aider à bousculer certaines habitudes.