Steve Salom (Uber) "Nous allons nous développer au-delà des grandes villes françaises"

Pour continuer à croître en France, Uber veut mieux mailler l'Hexagone en se lançant dans des agglomérations de plus petite taille, explique au JDN son directeur général.

Uber a réussi à se tailler une énorme part du marché des VTC en France, puis à augmenter la taille de ce marché avec les courses partagées Uber Pool. Quels sont vos prochains relais de croissance dans l'Hexagone ?

Steve Salom est le directeur général d'Uber pour la France, la Suisse et l'Autriche. © Uber

Nous avons aujourd'hui 28 000 chauffeurs actifs sur notre plateforme et trois millions de passagers qui réalisent au moins une course par mois dans 16 villes françaises. Pour aller plus loin, nous avons deux objectifs. D'abord, renforcer notre présence dans les villes où notre service n'est pas encore assez fiable, comme Toulon ou Rennes. Nous définissons un service fiable par un temps d'attente de moins de cinq minutes à toute heure de la journée et de la semaine. Mais surtout, nous allons nous développer au-delà des grandes villes dans lesquelles nous nous trouvons déjà. Uber a été lancé cette année à Reims, Caen, Tours et Saint-Etienne. Ce sont de plus petites villes que par le passé, mais nous estimons que notre service peut y devenir fiable et répondre à des besoins dans le contexte réglementaire actuel.

Dans ces petites villes, allez-vous baisser vos standards en termes de temps d'attente ou passer par des réservations à l'avance ?

Ce n'est pas du tout notre stratégie. Le défi principal consiste à trouver le nombre de chauffeurs adéquat, puis les aider à passer les différentes étapes (formation, examen) pour obtenir leur licence VTC. Nous investissons aussi dans des écoles de formation et essayons de faciliter l'accès au crédit des chauffeurs afin d'atteindre rapidement cette fiabilité. Notre service est devenu fiable en quelques semaines dans des villes d'une centaine de milliers d'habitants comme Lausanne (Suisse). C'est reproductible. Mais la question est de savoir combien de temps cela prendra pour atteindre ce cap. C'est un élément crucial pour que les utilisateurs continuent à utiliser l'appli. Ce processus peut-être assez long en France en raison de la réglementation actuelle, ce qui a tendance à ralentir nos lancements dans de nouvelles villes.

Seuls Le Cab et Allocab sont présents dans les petites villes, en réservant à l'avance et parfois pour du taxi. Ces marchés moins concurrentiels vous offrent aussi la possibilité de vous tailler des quasi-monopoles…

"La stratégie d'Uber a toujours été de créer le marché"

La stratégie d'Uber a toujours été de créer le marché. Effectivement, l'avantage est que nous arrivons les premiers, avec la force de notre marque, ce qui crée de la considération et la fidélité chez les utilisateurs. L'inconvénient est que cela a un coût. Il faut créer de la demande, ce qui requiert des investissements marketing conséquents. Mais aussi mettre en place des équipes locales d'accueil et de support pour les chauffeurs. Nous sommes présents physiquement dans une dizaine de villes en France. La plupart de nos concurrents n'ont aucune présence hors d'Ile-de-France et préfèrent attendre que le marché se créé pour se lancer.

Uber a lancé une offensive B2B en France l'année dernière. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

2 000 entreprises sont clientes d'Uber for Business en France. Le B2B est un segment sur lequel nous ne sommes pas allés très vite historiquement, alors que certains de nos concurrents ont mis l'accent dessus. Il est pourtant très intéressant car il s'agit de clients à forte valeur ajoutée qui dépensent plus en moyenne. Si nous arrivons à augmenter la part de courses B2B, ce sera vertueux en termes de rentabilité. Le marché des entreprises est l'un des segments en plus forte croissance dans notre activité et nous nous focalisons dessus dans les villes où notre pénétration est déjà grande.

Vous expérimentez depuis juin 2018 à Nice un service de remplacement des lignes de bus la nuit. Allez-vous lancer d'autres solutions de complément des transports en commun en France ?

"Nous sommes dans une phase d'apprentissage pour adapter notre offre aux besoins des collectivités"

Nous discutons avec une petite dizaine de collectivités. La difficulté est que notre modèle commercial de plateforme globale est très différent de leur manière de fonctionner par appels d'offre spécifiques à leurs besoins. Nous sommes donc dans une phase d'apprentissage afin de comprendre comment nous pourrions nous adapter. Cela tranche avec notre approche dans le passé, où nous étions très volontaristes sans attendre de savoir quel accueil on nous réserverait. Désormais, nous avons une approche systématiquement partenariale.

Êtes-vous prêt à mettre de côté votre vision de plateforme unifiée pour développer une offre plus individualisée auprès des collectivités ?

Lorsque le produit est trop individualisé, le grand défi est de maintenir une expérience utilisateur simple et consistante. Nous ne pourrons jamais répondre à tous les appels d'offre et faire du sur-mesure pour chaque ville. Mais un certain nombre de développements sont adaptables, nous pourrons trouver des compromis. Parfois nous devrons dire "non", parfois ce seront les collectivités qui refuseront. Nous cherchons plutôt à comprendre comment répondre à des besoins communs à plusieurs villes sans trop modifier l'offre à chaque fois. Autrement dit, comment résoudre 80% des problèmes avec des solutions qui requièrent peu de développements additionnels.