Nouvelles extensions Internet : URS ou UDRP ?

J’ai hésité à plusieurs reprises avant de choisir le titre de cet article. J’hésitais entre celui indiqué ci-dessus (plus Corporate) et les deux ci-après: “Nouveaux gTLDs: si j’étais un cybersquatteur...” et, “Nouveaux gTLDs: l’URS, le nouvel outil des cybersquatteurs”.

Dans la “vraie vie”, j’aurais opté pour le troisième titre car les marques ont vraiment du souci à se faire dans les prochaines années. Entre sa marque qu’il faudra défendre à chaque fois qu’une personne mal intentionnée enregistrera la dite marque en .sucks ou en .wtf (qui veut aussi dire en anglais “what the fuck”) et le budget explosif associé à l’enregistrement défensif de nouveaux noms de domaine, le temps perdu à tenter de trouver “qui” intente à votre marque et quelles sont les démarches à entreprendre pour faire face, il est une méthode - jusqu’à aujourd’hui déjà très bien utilisée par les cybersquatteurs - qui devrait causer beaucoup plus de tort aux marques. Quel responsable des noms de domaine pour le compte de son Entreprise n’a pas déjà reçu d’e-mails pour racheter un nom de domaine curieusement proche de sa marque ?

“Cher Monsieur, il vous en coutera 800 € pour récupérer votre nom de domaine”

Vous avez peut être répondu à ces demandes, peut être pas. Peut être avez-vous tenté de prendre contact avec le titulaire pour l’insulter copieusement ou le menacer de représailles juridiques, peut être y êtes vous arrivé ou peut être avez-vous eu à faire face à un système de Whois caché où les coordonnées du titulaire ne sont pas visibles. Peut être avez-vous transmis au département juridique qui n’a pas le temps de s’occuper de cela mais qui a fait le choix de passer par son Conseil en Propriété Industrielle pour entamer une procédure, par principe car on ne négocie pas avec ce genre d’individus, une procédure qui a un coût. Peut être avez-vous écrit au titulaire sans faire d’offre et vous attendez toujours une réponse: c’était il y a un an et aujourd’hui, il y a un site pornographique lorsque l’on saisit votre nom de domaine...

La procédure URS

Dans le cadre du lancement des nouvelles extensions Internet, l’ICANN vient de mettre à disposition une procédure qui va plaire...aux cybersquatteurs en particulier. Cette procédure, plus simple, à réaliser “en ligne”, moins onéreuse et créée pour les nouveaux noms de domaine s’appelle l’URS (Uniform Rapid Suspension System). Un “s” a été omis du sigle car on lisait “URSS”. Je rappelle que l’ICANN est une organisation Internationale basée en Californie et dépendante du Département du Commerce Américain. Nul besoin de préciser pour quelle raison un “s” a été oublié.Vous connaissiez l’UDRP qui permettait d’ordonner le transfert du nom de domaine au procédurier gagnant, voici l’URS…

Le problème de l’URS

L’URS sonne “frais” car l’UDRP était longue et coûteuse. Pourtant la procédure URS présente une grosse différence avec l’UDRP qui pourrait bien coûter beaucoup plus cher aux Entreprises car à la différence de celle-ci, l’URS ne permet pas d’ordonner le transfert d’un nom de domaine mais de le mettre dans un statut technique inexploitable jusqu’à que celui-ci retombe dans le domaine public.

Le scénario de l’horreur

Ainsi, si l’URS se présente comme la solution salvatrice pour contrer les démarches des cybersquatteurs et autres domainers intrusifs, n’allez pas imaginer que cette solution vous coûtera moins cher ou sera plus rapide, voici pourquoi.L’UDRP peut coûter cher, tout dépend du prestataire auquel on s’adresse. Pourtant lorsque l’on reçoit une offre pour racheter son nom de domaine pour la somme modique de 400 à 800 €, il est tentant de penser qu’il vaut mieux racheter le nom car cela reviendra de toute façon moins cher que de se lancer dans un une procédure UDRP...et...votre interlocuteur le sait bien. Il faut ensuite procéder par le biais d’un tiers payant pour garantir que le transfert du nom de domaine sera effectué. Mais voici aussi...ce qui peut se passer de plus en plus souvent:
  • Vous souhaitez enregistrer votre nom de domaine marque.shop;
  • Oh malheur, celui-ci pointe sur un site portail sur lequel est indiqué qu’il est possible de racheter celui-ci et vous cliquez;
  • “Ce nom de domaine est à vendre 50 000 €”;
  • :-(
  • “MAIS J’AI BESOIN DE CE NOM DE DOMAINE POUR LE MOIS PROCHAIN”;
  • Vous tentez de prendre contact avec le titulaire mais pas de réponse le lendemain;
  • Pas de réponse non plus le sur-lendemain;
  • Pourtant vous avez de la chance car les coordonnées du titulaire ne sont pas derrière un WHOIS caché et vous commencez à vous demander si l’adresse postale sur Hollywood Boulevard à Pékin n’est pas une indication supplémentaire que le numéro de téléphone au Bangladesh n’est peut être pas le bon. Pour la peine vous renvoyez un e-mail “moins direct”.
  • Vous venez de perdre une semaine et toujours pas de réponse, il vous reste 3 semaines, pas question de payer 50 000 € et vous décidez de sortir l’artillerie lourde: la procédure juridique;
  • URS ou UDRP? Vous optez pour la petite dernière, l’URS car c’est l’ICANN qui l’a créée pour les nouveaux noms de domaine, dont le .SHOP fait partie. Vous avez toutes vos chances car vous avez un droit sur ce nom de domaine, l’actuel titulaire est un usurpateur, et 14 jours est le délais maximum pour répondre à la procédure.
  • L’usurpateur ne répond pas, la procédure suit son cours et vous obtenez gain de cause: VOUS AVEZ GAGNE !
  • A présent, il va falloir récupérer le nom de domaine pour l’exploiter pleinement, configurer le nouveau site Internet et les e-mails tant attendus par votre cher Directeur qui veut faire partie des premiers à communiquer un nom de domaine moderne.
  • Pourtant...il semble qu’il y ait un problème car vous venez de relire le point 10.2 de la procédure URS et devant tant d’incertitude, vous prenez contact avec votre conseil, dont la secrétaire vous indique qu’il a piscine aujourd’hui;
  • Le lendemain, celle-ci vous indique qu’il ne peut prendre votre appel car il est à la danse;
  • Le sur-lendemain, celui-ci est parti en voyage pour trois semaines, bref. Lorsque vous vous faites expliquer la finalité de la procédure URS, vous comprenez que le nom de domaine n’est PAS transférable et que l’on ne peut pas modifier les DNS, ni le rediriger vers un autre site. Celui-ci est “suspendu” et il le sera jusqu’à ce qu’il retombe dans le domaine public…dans plusieurs mois, peut être même plusieurs années. A ce stade, le bureau d’enregistrement accrédité fera pointer le nom vers une page Web sur laquelle seul lui sera décideur de son contenu. Les coordonnées sur la fiche WHOIS resteront celles de l’ancien titulaire.
A présent, il faut attendre et surtout...ne pas rater l’enregistrement du nom de domaine le jour ou celui-ci redevient disponible à l’enregistrement.
Surveillance donc, car...il est possible que vous ne serez pas le seul ce jour là à vouloir le récupérer…

Pour bien comprendre

La finalité de la procédure URS est de bloquer (suspendre) l’utilisation d’un nom de domaine, pas de le récupérer pour l’exploiter en retour. Ainsi, à la suite de la suspension du nom de domaine, il faudra ajouter un coût de surveillance pour vous assurer que vous ne ratez pas l’enregistrement du nom de domaine le jour de sa retombée dans le domaine public. Si vous vous chargez vous même de cette surveillance, il s’agit de vérifier la date dans le Whois et de vous marquer un rappel dans votre agenda. Sinon, il existe aussi des prestataires sérieux recommandables qui se chargeront de tout cela pour vous. Votre objectif à ce moment là sera d’enregistrer le nom de domaine afin de le transférer chez votre bureau d’enregistrement accrédité à l’extension .SHOP.

Quel choix alors : URS ou UDRP ?

S’il s’agit de faire “tomber” un nom de domaine sans valeur, je recommande l’URS, tout en sachant que l’usurpateur peut tout à fait recommencer dés lors que le nom de domaine redevient disponible au public. Le type d’usurpateur est donc à prendre en compte dans le choix de la procédure.S’il s’agit de récupérer un nom de domaine, je recommande l’UDRP ou le rachat. Pour les sociétés procédurières - “et qui en ont assez” - je recommande vivement d’aller plus loin. Il existe des cas de figures où certaines sociétés arrivent à obtenir compensation suite au préjudice.

Mon avis personnel

J’ai beau chercher, je ne comprend pas l’intérêt de la procédure URS. J’ai lu qu’elle coutait très peu cher mais qui a envie de se lancer dans ce type de procédure, sans passer par un conseil pour remplir le formulaire (qui implique un surcoût), pour au final, s’exposer à nouveau au risque ?
Le problème de cette procédure réside dans le fait que le coût pour le cybersquatteur est très faible alors que celui pour la marque ciblée n’est pas uniquement financier : le nom de domaine est bloqué à l’exploitation lors de la durée de la procédure mais aussi...après. Se lancer dans une procédure URS lorsque l’on a besoin d’exploiter un nom de domaine rapidement, c’est un peu comme se tirer une balle dans le pied.