INTERVIEW 
 
Serge Bergamelli
Directeur du département Développement Numérique des Territoires (DDNT)
Caisse des Dépôts
Serge Bergamelli
"Le passage au très haut débit va recreuser la fracture numérique du territoire"
Partenaire incontournable des collectivités locales dans leur action d'aménagement numérique des territoires, la Caisse des Dépôts accompagne 73 projets de réseaux haut débit locaux, représentant 2 milliards d'euros d'investissement. Mais tous les territoires n'affichent pas le même dynamisme.
(17/01/2007)
 
(article modifié le 17/01/07 à 11h55)
JDN.
Pouvez-vous nous présenter le département "Développement numérique des territoires" ? Quelles sont ses missions au sein de la Caisse des Dépôts ?

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Caisse des Dépôts
Serge Bergamelli. La Caisse des Dépôts a créé en 2000 un département dédié au développement numérique des territoires, avec pour objectif d'accompagner l'action des collectivités locales dans le développement numérique de leur territoire. Les missions du département sont d'accompagner le déploiement des infrastructures supports de réseaux de télécommunications, la modernisation de l'administration publique et d'aider au développement de la société de l'information.

Mandatée à plusieurs reprises par l'Etat (Comité Interministériel pour l'Aménagement du Territoire de 2001 et de 2003), la CDC a mobilisé 230 millions d'euros de fonds propres pour accompagner, en tant qu'investisseur avisé de long terme, les projets de réseaux haut débit des collectivités, qui représentent des projets structurants pour les territoires.

Quelle est votre niveau d'intervention dans les réseaux haut débit d'initiative publique ?

Dans le domaine des infrastructures, l'accompagnement de la Caisse des Dépôts se traduit par un appui méthodologique, un cofinancement d'études et un apport en investissement. La Caisse des Dépôts intervient à deux niveaux : en amont, elle participe au cofinancement des études d'ingénierie (stratégie, faisabilité technique et financière) et aux comités de pilotage ; en aval, après la sélection par la collectivité de son partenaire privé, elle investit dans les sociétés gestionnaires des réseaux en tant qu'investisseur de long terme.

Et pendant la procédure de choix du prestataire de réseau ?
La Caisse des Dépôts n'intervient pas dans la procédure qui permet à la collectivité de choisir son partenaire privé. Notre posture est celle de l'attente et de la neutralité. Exception faite des PPP [Partenariat public-privé, ndlr], montage juridique qui permet à une collectivité publique de confier à une entreprise la mission globale de financer, concevoir, construire, maintenir et gérer des ouvrages dans un cadre de longue durée et contre un paiement annuel. Dans ce montage juridique, la Caisse des Dépôts doit investir dès le départ aux côtés d'un groupe industriel.

La CDC accompagne 73 projets publics de réseaux haut débit, représentant 2 milliards d'euros d'investissement"
Comment se passent vos négociations avec les délégataires choisis et quelles sont vos modalités et conditions d'entrée dans le capital ?
Une fois le prestataire de réseau choisi, celui-ci se tourne généralement vers la Caisse des Dépôts pour obtenir du financement. Ce financement se fait sous forme d'investissement à long terme via une prise de participation dans le capital du consortium industriel, à hauteur de 30-35 % maximum.

Dans combien projets de collectivités la CDC est-elle aujourd'hui impliquée ?
Au 1er janvier 2007, la Caisse des Dépôts accompagne 73 projets de réseaux haut débit locaux, qui représentent au global 2 milliards d'euros d'investissement.

A combien s'élève l'investissement de la Caisse des Dépôts dans les infrastructures numériques sur l'année 2006 ? Combien prévoyez-vous d'investir en 2007 ?
L'an passé, le département Développement numérique des territoires a investi un total de 72 millions d'euros, dont 52 millions pour le financement des projets de réseaux haut débit des collectivités locales. Cette somme devrait être équivalente en 2007.

 Les projets des collectivités locales
Annuaire Les projets haut débit des collectivités locales
Quelles sont les collectivités les plus impliquées dans l'aménagement numérique de leur territoire ?
Parmi les porteurs de projets, on trouve des régions et des communautés d'agglomérations, mais ce sont les conseils généraux qui sont majoritaires.

N'existe-t-il pas un risque de doublonnage des réseaux haut débit sur les zones territoriales ? Comment les collectivités gèrent-elles ce cas de figure ?
Il est vrai que le numérique ne peut pas transformer le millefeuille administratif. Le fait est que les collectivités locales, quel que soit leur échelon, s'administrent elles-mêmes et que la région n'a pas été désignée par les textes juridiques comme chef de file de l'aménagement du territoire. Il existe effectivement des zones territoriales où les projets d'infrastructures de réseaux haut débit intercommunaux, départementaux et régionaux se recoupent. La solution est une coordination intelligente entre les divers exécutifs locaux, au sein d'un comité de pilotage comme en Aquitaine par exemple, ou d'un syndicat comme dans le Limousin. On constate tout de même que le pilotage des projets est plus efficace et équilibré économiquement au niveau régional.

Le Wimax a un rôle à jouer dans l'aménagement du territoire comme complément à l'ADSL."

En novembre dernier, la Caisse des Dépôts a acquis 20 % du capital de HDDR aux côtés de TDF, Axione et LD Collectivités. Pourquoi avoir choisi ce consortium et quel est l'intérêt que la CDC porte à la technologie Wimax ?
HDDR a obtenu onze licences pour l'utilisation des fréquences de la boucle locale radio et se positionne exclusivement comme opérateur de gros dont l'objectif principal est l'aménagement du territoire numérique. Les plans de déploiement de réseau dans les onze régions où le groupe a obtenu des licences concernent en effet essentiellement des zones inéligibles ou mal desservies en ADSL.

Jusqu'à présent, les collectivités ont déployé principalement des réseaux de collecte en fibre optique qui viennent dégrouper les répartiteurs de France Télécom. Mais on sait aujourd'hui que la technologie ADSL a ses limites et ne permettra pas de désenclaver l'intégralité des zones blanches ou grises. Nous sommes convaincus que le Wimax jouera le rôle de technologie complémentaire à l'ADSL en termes de couverture du territoire en haut débit, c'est pourquoi nous avons investi dans HDDR. Ce qui ne nous empêche nullement d'investir dans un projet de réseau haut débit intégrant du Wimax dont la solution serait opérée par un autre que HDDR.

Le débat sur le THD ne rend pas caduque celui sur le haut débit."
En juin 2006, la Caisse des Dépôts a investi 4 millions d'euros dans le capital d'Erenis, opérateur privé de fibre optique qui ne se positionne pas sur les problématiques d'aménagement du territoire numérique. Cela signifie-t-il que la CDC s'intéresse à la fibre optique et pourrait investir dans un opérateur privé souhaitant déployer cette technologie d'accès ?
Erenis est un projet qui nous a intéressés pour comprendre le déploiement et la maîtrise des infrastructures d'accès à très haut débit. Il est encore prématuré de parler des investissements de la Caisse des Dépôts alors que l'enjeu est de savoir quelles sont les capacités d'investissement des opérateurs privés dans des réseaux d'accès en fibre optique. Le sujet de la fibre optique pose encore de nombreuses questions d'ordres financier, réglementaire, et bien sûr de cohérence territoriale et d'aménagement du territoire. Car il ne faut pas se voiler la face : le passage au très haut débit dans quelques grandes villes va recreuser la fracture numérique du territoire. Le débat sur le THD ne rend d'ailleurs pas caduque le débat sur le haut débit, dont certaines zones du territoire national ne bénéficient pas encore.

Avez-vous constaté un effet positif de la mise en place, en 2004, d'un cadre juridique permettant aux collectivités locales de devenir opérateurs de télécommunications ?
Oui, l'article L 1425-1 du Code général des collectivités territoriales, inséré lors du vote de la LCEN en avril 2004, a eu un réel effet dopant sur l'investissement des collectivités locales. Avant son entrée en vigueur, les projets de réseaux haut débit initiés par les collectivités locales se comptaient sur les doigts de la main. En cinq ans, nous sommes passés de 4 projets d'infrastructures à plus de 70 aujourd'hui. Les collectivités locales se sont donc massivement investies dans le déploiement d'infrastructures non plus passives, mais actives. Mais toutes n'affichent pas le même dynamisme.

Quel bilan dressez-vous en ce début d'année de l'aménagement numérique du territoire ? Comment se positionne la France par rapport à ses voisins européens ?
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Il existe une vraie dynamique de projets d'infrastructures haut débit menés par les collectivités locales. En revanche, le problème est que tous les territoires n'avancent pas à la même vitesse. Ces territoires en retard sont comptables de leur dynamisme et de leur compétitivité. Oui, la France est beaucoup plus dynamique qu'on ne le croit, les projets des collectivités souffrant globalement d'un manque de visibilité - justement parce que ce sont des initiatives locales. Mais le niveau d'appropriation des projets de réseaux haut débit reste encore très inégal selon les territoires.

Verra-t-on cette année la Caisse des Dépôts s'engager dans le financement de projets de réseaux de TV mobile ou de TNT  ?
Non, la Caisse des Dépôts n'est pas mandatée par l'Etat pour financer ces projets.
 
 
Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN

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