INTERVIEW 
 
David Sifry
Fondateur
Technorati
David Sifry
"Notre succès dépend de notre capacité à rester innovants "
Chaque jour pendant une semaine, le Journal du Net interroge un pionnier américain du Web 2.0. Aujourd'hui, le fondateur de Technorati nous parle de son moteur de recherche qui traque le "Web vivant".
(24/10/2006)
 
JDN. Comment vous est venue l'idée de créer Technorati ?
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David Sifry. Après avoir quitté la troisième entreprise que j'avais fondée, Sputnik, qui fournit des solutions Wi-Fi, je voulais garder un lien avec tous les gens avec lesquels j'avais échangés. Après avoir essayé une mailing list, j'ai décidé au début 2002 de créer un blog, alors que le phénomène du blogging était encore nouveau. Rapidement, j'ai voulu savoir ce que les gens pouvaient dire sur moi et mon blog. Pour cela, les moteurs de recherche traditionnels donnaient de très mauvais résultats.

Pourquoi ?
Ils répondent à la question "quoi ?", mais pas à "qui ?", ni "quand ?". Ils font comme si le Web n'était qu'une grande bibliothèque. Pour moi, c'est plutôt une énorme rivière. J'ai compris alors qu'il y avait une opportunité pour créer un nouveau moteur de recherche, pas uniquement sur les blogs, mais sur tout ce que j'appelle le "Web vivant".

Comment se sont passés les débuts de Technorati ?

Comme un projet de cours de science. Je n'avais aucune intention d'en faire une entreprise. J'ai plutôt eu l'autorisation de ma femme de m'occuper de ce projet le week-end, dans ma cave.

Quand avez-vous décidé d'en faire une entreprise ?
En juillet 2003, j'ai reçu un coup de fil. Il venait d'un grand ponte d'AOL. Il m'a dit : "Nous aimons beaucoup Technorati et aimerions vous parler. Peut-on organiser une réunion dans nos locaux avec votre équipe ?" Je regarde alors autour de moi, il n'y a que mon ordinateur et quatre serveurs dans ma cave ! Je réponds alors : "Mon équipe et moi-même sommes assez occupés en ce moment car nous préparons une nouvelle version !" Finalement je suis allé à cette réunion. Il y avait 12 personnes devant moi. AOL préparait sa plate-forme de blogs et voulait que Technorati fournisse le moteur de recherche. Ils m'ont dit qu'ils voulaient faire partie de la blogosphère. J'ai accepté. Ce jour-là j'ai compris que mon projet de cours de science pouvait être un business viable.

Vous travaillez toujours avec AOL ?
Oui, mais l'équipe d'AOL a changé et nous ne faisons plus l'ensemble des fonctionnalités de recherche. Nous continuons simplement à indexer leurs blogs en temps réel.

Quel est votre modèle économique ?
Nous en avons deux. Nous faisons d'une part de la publicité, sous forme de liens sponsorisés et de bannières. Nous faisons également de la syndication. Par exemple, nous permettons à des organes de presse comme Associated Press et le Washington Post de savoir qui parle de leurs articles.

Nous indexons 57 millions de blogs"
Combien de blogs indexez-vous ?
57 millions, ce qui signifie plus de 2 milliards de liens.

Pourquoi avoir lancé une nouvelle version en juillet ?
Pour améliorer notre service. Désormais, il n'y a que 5 minutes entre le moment ou un article est mis en ligne sur un blog et où il est indexé par Technorati.

Comment réagissez-vous face au problème des faux blogs, assimilés à du spam, les "splogs" ?
Cela nous inquiète, bien sûr. Nous pensons que pour deux blogs traditionnels créés, dix splogs naissent. Nous essayons de nous en rendre compte par différents moyens et de les éliminer de notre index. Par exemple, si 10.000 blogs sont créés au même moment avec la même adresse "viagra.net", il y a de fortes chances qu'il s'agisse de splogs et nous ne les comptons pas. Cependant, Technorati n'est pas parfait et certains faux blogs passent malgré tout à travers les mailles du filet.

Des "moteurs de blogs" concurrents se sont créés. Pensez-vous qu'il y a de la place pour plus d'un acteur, étant donnée la croissance de la blogosphère ?
Bien sûr qu'il y a de la place, et nous regardons ce que fait la concurrence. Mais je pense cependant que notre succès dépend de notre capacité à rester innovants, pour améliorer notre service. Je suis confiant car ce que nous faisons n'est pas facile à dupliquer.

Le Web 2 .0, ce sont les utilisateurs aux commandes"
Et craignez-vous la concurrence des moteurs traditionnels ?
Je respecte énormément ces moteurs. On ne peut pas les prendre à la légère. Ils sont tellement puissants qu'ils peuvent réussir tout ce qu'ils entreprennent. Je sais que si ils le décident vraiment, ils peuvent être nos plus dangereux concurrents.

Quelle est votre définition du Web 2.0 ?
Les utilisateurs aux commandes. C'est une idée très puissante. Ceci dit, il faut se méfier de l'emploi de cette expression car beaucoup de gens parlent de "Web 2.0" pour à peu près n'importe quoi ! Il faut donc être conscient qu'il s'agit d'un terme à la mode, qui finit par vouloir dire : "toute société née après la bulle Internet". Dans dix ans, nous regarderons en arrière et parlerons plutôt d'"économie participative".

Pensez-vous qu'il y ait un risque de voir une nouvelle bulle Internet ?
Bien sûr que le risque existe. Mais plus qu'une bulle suivie de son éclatement, je pense que l'évolution du secteur IT est faite de "booms" et de dépressions. D'une manière générale, les sociétés qui veulent survivre doivent créer de la valeur, d'une manière ou d'une autre.

Technorati France, c'est pour quand ?
Nous n'avons pas de plans actuellement en ce sens, ni de dates, mais nous le ferons. D'ores et déjà, les utilisateurs français de Technorati peuvent avoir des résultats pour la France, même si le site est encore en anglais.

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Des rumeurs ont évoqué un possible rachat de Technorati par Yahoo. Qu'en est-il ?
Je ne commente pas des rumeurs. Tout ce que je peux vous dire c'est que je n'exclue aucune option. Ce qui compte à mes yeux est de pouvoir construire le meilleur service possible aux utilisateurs. Une chose est sûre, ma motivation première n'est pas l'argent.
 
 
Propos recueillis par Baptiste RUBAT du MERAC, JDN

PARCOURS
 
 
David Sifry est diplômé en informatique de l'université John Hopkins, à Baltimore. Il a commencé sa carrière chez Mitsubishi au Japon, avant de travailler à Wall Street. Il a ensuite fondé en 1996 Securemote, puis Linuxcare en 1998, Sputnik en 2002 et Technorati en 2003.

   
 
 
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