INTERVIEW
 
Président
Mars Capital
Alexandre Mars
"Titre"
Alexandre Mars est à la tête de Mars-Capital, une société de capital risque qui gère un fonds international de 100 millions de francs. Ses investissements, uniquement sur recommandations, sont effectués surtout en amorçage et au premier tout de table. Il a dans son portefeuille des sociétés comme Buycentral (comparateur de prix), Ukibi (carnet d'adresses), Lookthatup (reconnaissance d'image par similarité), ou Cyberdeck (borne interactive cotée au Nouveau marché depuis un mois) ou Ezlogin (revendu 130 millions de dollars à une société américaine le mois dernier). Alexandre Mars est régulierement invité dans des conferences aux Etats-Unis et en Europe pour parler de l'Internet de demain et des nouveaux business models. Cet entrepreneur-investisseur fait le point sur les six mois fous que vient de vivre l'Internet français et sur ses perspectives d'avenir.20 juillet 2000
 
          

JDNet: Quel bilan tirez-vous des six premiers mois de l'année qui viennent de s'écouler ?
Alexandre Mars. Que l'Internet est victime des modes. Les six derniers mois de l'année dernière, on ne jurait que par le BtoC. Tous les investisseurs se sont rués dessus. Après, cela a été le BtoB. Il a suffit que deux ou trois cabinet d'analyse comme Forrester décrètent que 90% des revenus de l'Internet en 2003 proviendrait de ce secteur pour emballer la machine. Maintenant, aux Etats-Unis, on commence d'ores et déjà à remettre en cause le modèle. Et on est passé au PtoP (Path to Profitability ou Peer to Peer, comme Napster). C'est donc cyclique mais en même temps, si vous suivez les modes, cela veut dire que vous avez deja perdu car vous êtes en retard. Il faut donc les anticiper. Par exemple, pour Ukibi (solution clé en mains de carnet d'adresses), tout le monde regardait à l'époque le BtoC, nous avions un coup d'avance en créant ce modèle de brique qui permet une meilleure fidélisation de l'internaute. Ce modèle "à la Ukibi" a été repris depuis par de nombreux sites comme Mixad [NDLR : Cette société d'enchères et d'annonces clé en main avait reçu notamment le Trophée du meilleur potentiel de croissance lors des Rencontres Capital-IT au mois de mars]. Les gens ont découvert que c'était un très bon modèle et bien moins coûteux que le BtoC.

Considérez-vous qu'il y a eu une certaine surenchère dans les investissements ?
On ne peut pas vraiment parler de surenchère, même si c'est vrai que les groupes industriels ont accru la concurrence. Mais disons que pendant ces six mois, le pouvoir a surtout été dans les mains des start-up. Désormais la tendance s'est un peu retournée et les investisseurs ont le pouvoir de dire non.

Apparemment, ce sont les valorisations qui étaient en cause. Comment faites-vous pour évaluer une start-up?
Il n'y a pas de méthode. La méthode des cash-flows actualisés n'a par exemple pas de sens dans l'Internet, quoiqu'on en dise. Les seules méthodes fiables sont celle de l'instinct et celle des comparables.

On parlait des modes tout à l'heure. Désormais, le Wap revient comme un leitmotiv...
Effectivement. C'est d'ailleurs un des seuls domaines où les Américains reconnaissent notre supériorité. L'Internet sur le mobile a un bel avenir. Mais arrêtons de faire parler les statistiques sur le nombre de personnes qui vont utiliser leur mobile pour faire leurs courses. Le Wap est une belle invention pour certains services comme la météo, les plans ou le courtage, mais il en existe des dizaines d'autres qui n'auront aucun intérêt.

Au regard des six premier mois, on dit que la fin de l'année sera consacrée aux fusions-acquisitions...
Je pense que c'est une des seules certitudes qu'on ait pour les dix-huit mois qui viennent dans l'Internet. Il est clair qu'à terme, ne demeureront en Europe qu'une dizaine de grand hub qui regrouperont tous les services sur leur portail. Ces acteurs sont Telefonica, Deutsche Telekom ou d'autres. Ils vont donc vouloir renforcer leur offre en avalant des briques. En un an, on est passé en effet d'une économie d'acquisition du client à une économie de rétention ou de fidélisation. Les start-up qui fourniront des services de ce type tomberont donc sans doute dans l'escarcelle de ces géants. D'ailleurs, en ce moment, beaucoup d'entre elles, plutôt que de lever des fonds, préfèrent aller voir des cabinets en fusions et acquisition pour profiter de la vague.

Mais d'autres start-up mourront. Les conséquences ne vont elle pas être graves pour l'activité en général?
Effectivement, il y aura des morts mais on s'en relèvera facilement. Je pense en plus que les conséquences pourraient être positives. Il y a à l'heure actuelle une pénurie de gens qualifiés. Les start-up qui survivront à l'écrémage vont pouvoir ainsi récupérer du personnel qualifié et expérimenté. On aura donc moins de start-up mais avec un managment plus costaud. Parallèlement, l'influence de cet engouement pour les start-up laissera quand même des traces bénéfiques. Les sociétés de l'Ancienne économie ont ainsi assoupli le managment et cela favorise l'économie en général. Même s'il est fort probable, qu'à terme, la cravate se resserera un peu dans ces sociétés. (Rires).

Malgré ces réserves, il reste quand même beaucoup d'argent à investir dans les start-up quand on voit la taille des fonds levés au début de l'année...
Effectivement. Sauf qu'au lieu d'avoir cinquante deals à 1 million de francs, ce qui s'apparentait à du saupoudrage, on aura désormais un gros deal à 50 millions de francs. En revanche, le krach du mois d'avril va peut-être changer la donner pour les prochaines années. Les fonds pourraient avoir plus de mal à solliciter les investisseurs institutionnels.

Vous disiez qu'à terme, il ne subsisterait qu'une dizaine de hub. En France, qui a selon vous cette capacité?
Vivendi ou Europ@web ont évidemment une stratégie très intéressante. Leur stratégie est celle des indiens dans la mesure où, quoiqu'il en coûte, ils ont décidé d'encercler le marché avec une politique très agressive. Ils perdront donc de l'argent avec une partie de leurs investissements mais en gagneront énormément avec l'autre partie. Par ailleurs, Vivendi a un avantage car il est clair que demain les services devront être multi-plateformes. Or le groupe dispose de tout ce qu'il faut pour être présent dans l'internet, la télé ou les mobiles.

Et les Américains en Europe. On en parle beaucoup mais on ne les voit pas trop...
Selon moi, il ne débarqueront pas massivement car le marché européen est trop segmenté, trop différent culturellement. Pour eux, habitués à un pays de 250 millions d'habitants où tout le monde parle la même langue et a les mêmes modes de consomnation, le marché européen est quand même difficile à cerner puisque chaque pays a sa spécificité. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que les actionnaires des sociétés cotées laissent toute latitude aux dirigeants pour leur implantation en Europe en terme de coûts. Quant à la France, on reste quand même pour eux le pays du fromage. Mais de la même façon que les Français voient l'Amérique comme un pays gavé de pop-corn et de football américain, où la criminalité fait rage. Leur arrivée sera donc certainement plus discrète et avec l'appui de partenaires locaux. Ce que font @Viso avec E-Loan [NDLR : @Viso est une joint-venture entre Softbank et Vivendi pour favoriser l'implantation en Europe de dotcom américaines] ou Europ@web avec Webhelp.com est peut être, à ce titre, la bonne solution pour eux

On a beaucoup parlé de modes. Quels sont selon vous les projets qui vont attirer les investisseurs dans le futur et qu'est ce qui va changer dans le monde de l'Internet?
Si ca ne tenait qu'à moi, je dirais le e-mail. Pour l'instant, à part quelques bribes dans le marketing direct, je trouve qu'on a rien inventé alors que c'est un outil encore plus utilisé que le Web dans le monde. Imaginez le nombre de personnes que l'on peut toucher avec l'e-mail. Je pense qu'il devrait y avoir un engouement prochain pour ce genre de projet. Pour la deuxième partie de votre question, je pense que l'homme va faire son retour dans l'internet. On a longtemps cru ces dernières années que tout pouvait être automatisé. Les robots avaient en quelque sorte pris le pouvoir. Or on s'aperçoit que la matière grise est impérative dans un bon produit sur internet.

Qu'est ce que vous aimez sur internet ?
Le fait que l'Internet soit un systeme où, à trois niveaux de relation, vous pouvez toucher n'importe qui. L'argent est évidemment une chose importante dans la nouvelle économie, mais un bon réseau peut s'avérer beaucoup plus porteur.

Vous avez déjà acheté sur Internet?
Très souvent, notamment sur Urban Fetch (site de livraison en une heure) quand je suis à New York. J'achète aussi souvent du fromages francais (sur Fromage.com) expédiés aux US pour mon frère, mais aussi des ordinateurs, des CD ou des logiciels...

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 

Alexandre Mars, 25 ans, est diplômé d'HEC et de l'Université de Paris-Dauphine.


   
 
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