Interviews

Jean-Pierre Arbon
PDG
Editions 00h00.com


C'est la première maison d'édition électronique en France, qui dispose d'un catalogue de 400 titres en évolution constante. Jean-Pierre Arbon, PDG de 00h00.com (prononcez "zéro heure.com"), s'intéresse particulièrement au phénomène de dématérialisation des oeuvres. Une réflexion qui vient à point car le groupe Havas vient de mettre un pied dans ce marché émergent.

Propos recueillis par Philippe Guerrier le 20 octobre 1999 .

JDNet : Quel est le principe de 00h00.com?
Jean-Pierre Arbon : Avec mon associé, nous avons commencé à travailler sur le projet au cours de l'été 97. Le site a ouvert en mai 1998. L'idée de base est que l'Internet est une nouvelle fenêtre d'exploitation sur les textes, sans nécessairement faire appel à une impression papier. Nous avons d'abord publié des oeuvres qui sont tombées dans le domaine public puis nous avons commencé à prendre contact avec un certain nombre d'éditeurs pour proposer des livres plus actuels.

Comment transmettez-vous les oeuvres numériques?
L'internaute effectue sa commande sur le site 00h00.com. Le paiement est sécurisé sous le système SIPS d'Atos. Nous envoyons ensuite par courrier électronique en fichier PDF l'oeuvre qui a été commandée. Cela prend dix minutes. Pour les photos que pourraient contenir l'ouvrage, ça pose un problème de poids de fichiers dans la boîte mail. Nous n'avons pas encore trouvé de solution.

De combien d'ouvrages disposez-vous dans votre catalogue?
Nous avons 400 titres dans notre catalogue. Un nouveau vient s'ajouter tous les jours.

Et combien de clients ?
5.000. Si on les classe par catégorie, nous trouvons pas mal d'étudiants, des chercheurs, des universitaires... Ils viennent consulter le site pour une approche autre que dans le cadre des loisirs. Le côté livraison instantané est également apprécié. Nous avons entre 25.000 et 40.000 visites par mois sur le site. 40% des visites proviennent des Etats-Unis. En 1999, nous allons dégager un chiffre d'affaires d'un million de francs.

Quels sont les titres qui marchent le mieux?
La notoriété joue beaucoup, "Extension du domaine de la lutte" de Michel Houellebecq par exemple. Les titres exclusifs marchent bien aussi. Il y a beaucoup de demandes pour les essais sur les nouvelles technologies, ce qui est normal. Les personnes qui utilisent l'Internet sont forcément intéressées par l'évolution "hig tech".

Vous donnez le choix entre une version papier et une version numérique des ouvrages. Quelle est la préférence de vos clients?
A 85%, les clients choisissent la version numérique. Il faut savoir que nous proposons la version papier comme un service annexe. Nous ne voulons pas entrer en compétition avec les librairies en ligne "traditionnelles". Toutefois, nous estimons chez 00h00.com que les deux modes, papier et numérique, co-existent et que l'un ne va pas empiéter sur l'autre. Le numérique est une offre supplémentaire. Il ne va pas détruire le papier.

Comment fixez-vous les prix des oeuvres numériques?
Nous avons établi une règle avec les éditeurs traditionnels dès le début de l'exploitation, qui stipule que le prix de l'oeuvre numérique se situe entre 60 et 65% du prix des librairies "physiques". Nous ne cherchons pas une concurrence au niveau des prix mais plutôt au niveau de la rapidité d'accès à ces ouvrages.

Vous n'êtes pas concerné par la loi Lang (5% de réduction maximum sur les livres neufs) ?
Non, nous sommes en dehors du champ d'application de cette loi, qui date de 1981. Les législateurs n'avaient pas prévu cette évolution. Toutefois, dans le cadre d'une mission de réflexion sur le livre numérique, un rapport a été remis en juin dernier au ministre de la Culture, Catherine Trautmann. La mission a été menée par Alain Cordier, président du directoire des éditions Bayard.

Comment animez-vous le site 00h00.com?
Nous proposons des espaces perso, qui permettent aux visiteurs d'élaborer des billets d'humeurs. Nous avons également des rubriques commentaires de lecteurs pour les oeuvres commandées sur le site. Les internautes sont plus ou moins réactifs. Ca dépend de l'actualité et de la polémique engagée. Nous avons également lancé des partenariats de contenu avec Libération, Nomade, Club-Internet et Wanadoo

Sur quels projets travaillez-vous sur le site ?
Nous voulons développer du contenu plus éducatif, en travaillant avec des éditeurs scolaires. Nous veillons également à l'aspect "nouvelles écritures": nous avons un projet de collection en la matière qui devrait paraître en janvier prochaine. Baptisé "Collection 2003", elle proposera une réflexion sur l'écriture hypertextuelle.

Et à plus long terme?
Nous avons des projets à long terme sur tout ce qui tourne autour du livre électronique. Nous voulons développer les formats. Nous avons récemment annoncé à la Foire du Livre de Francfort que 00h00.com développera les capacités multiformats de sa plate-forme díédition en ligne et de son site web en proposant l'ensemble de ses titres en version compatible avec le nouveau MicrosoftÆ Reader, un logiciel conçu pour offrir une lecture sur écran qui, pour la première fois, approche la qualité de la lecture sur papier. Nous allons proposer une version Palm Pilot aussi. L'accord n'est pas encore signé avec la société qui commercialise le logiciel de lecture sur l'assistant personnel.

Etes-vous en quête de financement?
Nous recherchons des investisseurs, effectivement. Nous sommes actuellement financés par des business angels. Nous allons faire appel à des institutionnels et des capitaux-risqueurs l'année prochaine. Ces derniers sont très intéressés par le principe mais, étant donné qu'il n'y a pas de précédent, ils ne savent pas si notre business model est valide ou non.

Que pensez-vous du confort de lecture sur un écran?
Il est clair qu'on n'est pas dans une situation idéale. Il faut attendre l'arrrivée de logiciels qui vont améliorer la qualité de reproduction à l'écran. Nous nous sommes aperçus que les lecteurs de 00h00.com ont une lecture mixte: ils impriment uniquement les passages des livres les plus intéressants, pour les lire dans les transports publics notamment. C'est un rapport un peu nouveau avec le livre. La phase de transition va durer un moment en attendant d'avoir des appareils suffisament compacts comme le e-book et le développement de l'encre électronique.

Le développement de la numérisation des oeuvres est inéluctable, selon vous?
En quelque sorte. Il faut savoir que la dématérialisation des oeuvres permet de faire de l'édition sans stocks, qui sont une charge très lourde pour les éditeurs. Les proportions de gache et de pilon sont considérables. d'où l'idée irrésistible de l'édition électronique. Dans les années qui viennent, celle-ci va connaître le même phénomène qui s'est produit avec la dématérialisation de la musique et le MP3.

Vous prédisez la fin du papier?
Non, je ne suis pas un dogmatique du ""tout numérique". J'appartiens à une génération qui aurait bien du mal à se passer du livre papier. Toutefois, il faut savoir que l'accès à la connaissance et à la culture ne passe plus forcément par le livre. En Californie, 98% des étudiants sont connectés à l'Internet.

Quelles relations entretenez-vous avec les maisons d'éditions traditionnelles ?
Nous avons signé des contrats avec la plupart des grandes maisons d'édition. On ne peut pas dire que nous avons rencontré une hostilité flagrante. Plutôt un désir de comprendre comment la numérisation des oeuvres va affecter leur business.

Avez-vous des contacts avec Havas, qui vient de créer l'entité Havas Electronic Content Publishing dédiée au livre électronique?
Nous continuons de travailler avec eux. Nous ne nous sentons pas en concurrence. De toute façon, Havas est le premier éditeur français et nous sommes l'un des plus petits! Je vois la création de ce service de manière positive. Ca légitimise notre contenu. Ca prouve que nous ne sommes pas des doux rêveurs.

Descendons d'un échelon: quels rapports avez-vous avec les auteurs?
Nous avons un travail d'éditeur. Nous ne prenons pas tous les auteurs qui ont été rejetés par les maisons d'édition traditionnelles. Comme le définit Pierre Nora (NDLR, directeur de la revue "Le Débat"), notre métier consiste à "ne pas publier" c'est-à-dire à écarter ce qui n'est pas digne de publication. A contrario, le cas où nous avons été certainement le meilleur des éditeurs est celui d'un auteur algérien qui nous a contacté pour diffuser son oeuvre sur Internet de manière à ce que ses écrits soient disponible en France, mais aussi dans son pays d'origine. Une vingtaine d'auteurs nous ont confié leurs oeuvres.

Quel est votre site favori ?
Ce sont des sites américains : l'Industry Standard, ZDNet.

Achetez-vous des articles sur Internet ?
Je suis client de librairies électroniques mais il s'agit d'un ou deux livres par trimestre. Vous savez, je ne manque pas de lecture.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
Le côté découverte : les nouveautés sur les sites, les pages perso....

Que détestez-vous sur Internet ?
L'agresssivité commerciale de certains sites.

Jean-Pierre Arbon, 46 ans, diplômé HEC et IEP Paris, a été directeur général de Flammarion de 1988 à 1997. Auparavant, il avait travaillé pendant dix ans dans la division pharmaceutique de L'Oréal, Synthélabo, en ayant notamment occupé le poste de vice-président pour les opérations internationales.

00h00.com en chiffres

Date de création

mai 98

Nombre d'oeuvres numériques
400
Nombre de clients
5.000
Chiffre d'affaires 99
1 million de francs









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