INTERVIEW
 
PDG
Yahoo France
Isabelle Bordry
"Titre"
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Yahoo France fête ses cinq ans : c'est en novembre 1996 que le portail généraliste a ouvert sa version française. L'anniversaire reste toutefois discret compte tenu de la médiocre conjoncture actuelle. Yahoo Inc a annoncé une baisse de ses revenus pour le troisième trimestre 2001. Le chiffre d'affaires est en chute de 44 % en glissement annuel à 166,1 millions de dollars. Terry Semel, le PDG de Yahoo Inc, doit annoncer des mesures d'économies à la mi-novembre. Yahoo.fr a enclenché une politique de diversification de ses sources de revenus notamment en développant des services "premium" et des activités BtoB. Mais le portail revendique toujours son positionnement de média généraliste sur Internet disposant d'une audience grandissante.
06 novembre 2001
 
          

JDNet. Quelle est votre lecture des derniers résultats trimestriels de Yahoo ?
Isabelle Bordry. Les chiffres sont intéressants à plusieurs titres. En terme d'audience, nous avons plus de 210 millions de visiteurs uniques sur le réseau international. Nous distribuons 1,25 milliard de pages vues par jour. Et le temps de connexion par visiteur continue d'augmenter. La marque et le produit Yahoo sont toujours pertinents. Sur la partie chiffres financiers, il est clair que nous enregistrons une baisse des revenus par rapport à l'année dernière.

Quelles sont les raisons de cette baisse ?

Actuellement, le marché de la publicité est tendu, y compris sur Internet. Dans les périodes difficiles, le budget communication est toujours le premier poste affecté. Nous nous reposons essentiellement sur la publicité car Yahoo est un média dont l'objectif est de générer la plus forte audience possible. Nous avons entamé une politique de diversification des revenus via les services Yahoo Corporate à destination des entreprises et des services payants "premium" pour le grand public. D'ici la fin de l'année, cette diversification devrait représenter 20 % du chiffre d'affaires de Yahoo. Je vous fais remarquer que la publication de nos résultats trimestriels a été accueillie par une hausse en Bourse. Après deux années extraordinaires, nous revenons dans un cadre normal. Nous gardons la tête froide car nous avons toujours su maîtriser nos coûts.

Terry Semel, le PDG de Yahoo, devrait annoncer prochainement une série de mesures d'économies. Pourquoi ces mesures n'affecteraient a priori que les Etats-Unis alors que Yahoo est un réseau international ?
Je ne peux pas communiquer à ce sujet. Mais, à ce stade, seuls les Etats-Unis seraient directement concernés.

Ressentez-vous une différence au sein de Yahoo après les événements internationaux de septembre ? Forcément, il est difficile de rester indifférent par rapport à ce que nous venons de vivre. Sur le plan humain, le fait de collaborer avec une société qui est américaine à l'origine et qui dispose d'une équipe à New York nous a naturellement touchés. Sur le plan professionnel, nous avons été très réactifs pour relayer l'information chaude. Sur deux jours (11 et 12 septembre), nous avons multiplié l'audience par dix sur le dossier "news" consacré à ces événements.

Sur le portail Yahoo.fr, existe-il encore des domaines que vous ne couvrez pas ?
L'objectif est d'être le compagnon au quotidien d'un utilisateur Internet. Il est vrai que nous nous attachons à développer des thématiques phares comme le sport, la finance et l'actualité. Le guide Internet, alimenté par nos surfeurs, constitue un formidable baromètre de ce qui se passe sur Internet. Ce que nous cherchons à développper à côté de l'instantanéité de l'information, c'est l'interaction. Par exemple, sur la partie "Yahoo Finance", nous venons de mettre en place des forums. C'est un développement clé pour nous. Il est vrai que, compte tenu du foisonnement de services, nous pourrions nous demander si nous n'en développons pas trop. C'est à nous de gérer les projets prioritaires.

Après cinq années d'existence, pourquoi Yahoo n'a-t-il pas changé de charte grahique ?
Pourquoi voulez-vous qu'on la change ? Elle ne vous plaît pas ? (rires) Une des clés du succès de Yahoo, c'est la légèreté des pages. Nos utilisateurs demandent que les pages s'affichent vite. Disons qu'il y a des évolutions par touche. Depuis un mois et demi, nous nous attachons à animer davantage la page d'accueil de Yahoo.fr.

Quelle est la répartition de l'audience sur les différentes parties de Yahoo.fr ?
Nous ne communiquons pas précisément sur l'audience de Yahoo.fr. En revanche, à partir du ratio en terme de pages vues, l'audience se répartit ainsi : 40 % média et
e-commerce, 40 % pour la partie communauté (forums, chat, etc.) et 20 % pour le guide Internet.

Vous avez toujours été critique vis-à-vis de l'outil Cybermétrie. Que pensez-vous de la nouvelle version ?
C'est un outil qui a dû être amélioré techniquement et qui va être utile pour une certaine catégorie de sites qui ont besoin d'avoir un suivi de leurs pages vues. Sa démarche de certification auprès de l'OJD est judicieuse. Mais aujourd'hui, ce qu'un annonceur veut acheter, c'est une pénétration sur le marché, un reach, un nombre de visiteurs uniques avec un temps de répétition et de connexion. Et ces informations-là sont données par les panels.

Où en est le coût pour mille (CPM) chez Yahoo ?
Nous arrivons à des CPM équivalents à ceux pratiqués par la presse généraliste. En rotation générale, nous étions autour de 150 francs l'année dernière. Maintenant, nous tournons autour de 30 francs. Nous nous adaptons à une expérience annonceur. Il faut que l'on arrive à tenir avec ce niveau de CPM. Je vous rappelle que le journal sportif L'Equipe vend un CPM à 250 francs pour 1.000 lecteurs. Aujourd'hui, nos thématiques sont dans cet univers-là. Il faut que l'on explique à nos annonceurs que nous avons un service plus : c'est l'interactivité.

Quel est le profil actuel de vos annonceurs ?
Le portefeuille d'annonceurs a changé par rapport à l'année dernière. Nous avions beaucoup des "pure players" Internet. Maintenant, nos annonceurs ont un profil plus traditionnel et les démarches se professionnalisent. Par exemple, nous avons lancé notre chaîne auto avec Renault en faisant apparaître la marque dans diverses sections sur Yahoo.fr. Nous proposons dorénavant plus d'espaces d'expression à nos annonceurs. Ils peuvent davantage travailler sur leur image. Ce type d'opération demande des relations plus approfondies avec les annonceurs et une préparation plus longue.

Allez-vous lancer une opération e-Commerce pour Noël ?
Oui. Ce sera une opération événementielle sous forme de "corner shopping en ligne". Elle sera promue dès la page d'accueil de Yahoo.fr. L'opération est plus ambitieuse que celle de l'année dernière.

D'après vous, comment les internautes français vont-ils accueillir les services payant que vous comptez développer ?
La qualité des services et des produits est fondamentale. Il faut que les services payants soient bien positionnés, c'est à dire qu'ils répondent à de vrais besoins. Je ne vois pas pourquoi Yahoo ne participerait pas au développement de l'e-Commerce en France. En revanche, il est vrai que nous allons changer de relation avec nos visiteurs qui vont devenir des consommateurs.

Vous avez débuté les actvités BtoB avec Yahoo Corporate. Ça marche ?
Plutôt bien. Nous avons signé avec 32 clients à l'international. En Europe, nous avons deux contrats. L'outil que nous proposons aux entreprises permet d'homogénéiser leurs intranets. A côté de l'information corporate, nous pouvons ajouter des fils plus généralistes de "news". Nous adaptons notre savoir-faire aux besoins des grandes entreprises. Le retour que nous avons du marché est très positif. Le gros de l'équipe Yahoo Corporate est à Londres mais nous avons des relais dans chaque pays.

Vous avez établi beaucoup d'accords avec des fournisseurs de contenu basés sur le principe d'échange "apport de contenu contre visibilité". Les éditeurs n'ont-ils pas tendance à exiger un système plus rémunérateur ?
Depuis cinq ans, nous n'arrêtons pas d'inventer des business models. Nos partenaires de contenu souhaitent toujours développer des formes de co-branding, avec un effet de trafic généré sur leurs propres sites. Nos approches vont certainement évoluer.

Comment voyez-vous le développement des portails généralistes en France ? Quels acteurs vont rester d'ici trois-quatre ans ?
Il existe sur Internet des carrefours d'audience bien identifiés tels que Yahoo ou Lycos, à côté de chaînes plus thématiques. Nous allons certainement assister à de nouvelles opérations de consolidation. Nous avons vu le rapprochement Lycos/Spray/Caramail/Multimania. Je remarque que Vizzavi.fr s'est beaucoup amélioré. Mais, monter un portail européen, ce n'est pas simple.

Il existe une nouvelle génération de dirigeants chez Yahoo : Terry Semel, PDG de Yahoo Inc, et Mark Opzoomer à la tête de Yahoo Europe. Vous vous consultez souvent ?
Nous communiquons beaucoup. Mark Opzoomer a réellement pris ses fonctions en septembre. Tous les mois, nous avons une réunion au niveau européen. Quant à Terry Semel, il a participé à un séminaire en Espagne cet été. Il connaît très bien la complexité du marché européen.

Comment vivez-vous votre parcours dans l'Internet en tant que femme dans un monde de dirigeants plutôt masculins ?
En France, il existe un noyau dur de pionnières de l'Internet : Marie-Christine Levet de Lycos, maintenant chez Club-Internet, Anne-Sophie Pastel pour AuFéminin.com, Orianne Garcia pour Caramail. De manière générale, on les retrouve dans des postes liés aux médias ou à la communication. Mais réussir, je crois d'abord que c'est une question de personnalité.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Isabelle Bordry, diplômée d'un magistère de gestion à l'Université Paris IX Dauphine, a rejoint en 1993 le service marketing-promotion de "Télé 7 Jours" au sein de Hachette Filipacchi puis devient Directrice du service promotion des magazines "Parents" et "Cousteau Junior". En 1996, elle intègre Grolier Interdeco où elle commercialise les sites du groupe Hachette. En juin 97, elle rejoint Yahoo! France et dirige les activités publicité du portail généraliste pendant trois ans. En novembre 2000, elle prend les fonctions de directrice générale adjointe de Yahoo France puis prend les commandes de la branche française quatre mois plus tard. Elle a également suivi la structuration du marché publicitaire sur l'Internet français en tant que vice-présidente de l'IAB France (Internet Advertising Bureau), dont Yahoo est membre depuis 1997.

   
 
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