JDN.
Quelles sont les principales conclusions de vos études
sur l'impact d'Internet dans une campagne plurimédia ?
Rex Briggs.
C'est très simple : lorsqu'Internet est
présent dans un plan plurimédia, nous
constatons systématiquement une amélioration
de l'impact de la campagne publicitaire auprès
du public, tant en terme d'image de marque que d'intention
d'achat. Ce qu'il faut tout d'abord souligner, c'est
que ces études sont réalisées avec
le concours de l'IAB et en collaboration avec l'Advertising
Research Foundation, partenaire d'ESOMAR [Association
européenne pour les études d'opinion et de marketing,
ndlr]. C'est une garantie d'objectivité et
de neutralité. Lors de nos études, nous
avons volontairement testé l'impact d'Internet
auprès de plusieurs types de produits pour vérifier
l'intérêt d'Internet dans tous les domaines. Nous
avons ainsi testé le secteur "hygiène"
avec Dove et Colgate, ou l'alimentaire avec McDonald's.
Pouvez-vous
nous donner un exemple concret de l'efficacité
d'Internet ?
Nous avons dernièrement
analysé une campagne de huit semaines pour un
produit de la marque Kleenex (groupe Kimberly-Clark).
Selon les résultats de l'étude, la seule
campagne TV ne touchait pas du tout 25 % de la
population cible et insuffisamment 40 % du public
visé. Il fallait donc ajouter un autre support
pour avoir une couverture optimale des consommateurs
potentiels. A cette occasion, nous avons testé
plusieurs mix possibles : TV et presse, TV et Internet,
etc. Nous avons aussi testé TV + presse + Internet.
Nos conclusions sont qu'un mix TV et presse donne exactement
les mêmes résultats qu'un mix TV et Internet,
à la différence prêt que, à
résultat égal, Internet est moins onéreux.
Mais il y a mieux : un mix TV + presse + Internet
s'avère être la meilleure configuration
possible. Nous ne conseillons donc pas aux responsables
du mediaplanning d'abandonner un support pour le remplacer
par Internet mais d'ajouter le Web dans leur plan média.
Le tout est de savoir ventiler le budget de la manière
la plus efficace possible.
Si
on ne devait retenir que deux types de support pour
une campagne, quel serait le mix le plus efficace ?
Cela dépend des produits.
Selon moi, pour des produits de grande consommation,
le duo télévision et Internet est le meilleur.
Pour des produits high-tech et complexes, comme des
ordinateurs ou des serveurs par exemple, il vaut mieux
opter pour un mix Internet et magazine. Ces produits
ont besoin d'être accompagnés d'informations
détaillées, ce que seuls le Web et la
presse écrite permettent.
Le
retour sur investissement est-il vraiment meilleur sur
Internet ?
En publicité, pour réaliser
un bon plan de communication, il faut savoir identifier
le seuil de saturation pour chaque média, c'est-à-dire
le niveau au-delà duquel la campagne devient
moins efficace et où le budget explose pour un
retour sur investissement médiocre. Une fois
ce seuil identifié, il faut reporter le budget
restant du média saturé vers un autre.
Par exemple, pour un taux de saturation en TV identifié
à 80 %, il faut reporter les 20 % de
budget restant sur d'autres supports. Pour une efficacité
optimale, il faudrait donc commencer à établir
le plan de communication en débutant par le média
ayant le meilleur ROI [NDLR : Return on investment]
et ajouter peu à peu les autres médias
afin d'obtenir un mix media où chaque média
est utilisé au mieux de son potentiel. Selon
nos dernière études, Internet doit être,
selon ce principe, le premier média intégré
dans un plan de communication puisqu'il obtient le meilleur
ROI. Les résultats de notre étude sur
une campagne pour le dentifrice Colgate nous ont prouvé
cela. Pour un budget de 100 investi sur Internet
pour augmenter l'intention d'achat de + 1 point, il
faut un budget de 123 en télévision et
de 184 en presse pour obtenir le même résultat.
En terme d'image de marque, le ROI est encore meilleur.
Toujours pour un budget de 100 en ligne, il faut investir
184 en presse et 297 en télévision pour
avoir un résultat identique.
Selon
vous, quel devrait-être le budget Internet moyen
d'un plan de communication ?
C'est bien-sûr variable selon les
types de produit mais, aux Etats-Unis, nous estimons
qu'Internet devrait peser entre 10 et 15 % des
investissements publicitaires des grandes marques. En
France, ce niveau est situé plus bas car la pénétration
du Web est moindre. Cela devrait, je pense, se situer
entre 4 et 7 %.
En
terme d'efficacité publicitaire, quelles sont
les méthodes de communication en ligne qui vous
semblent les plus performantes ?
Nous avons constaté qu'une publicité
en ligne avait d'autant plus d'impact qu'elle était
adaptée d'une campagne TV ou presse. Après
avoir étudié de nombreux cas de campagnes,
nous sommes arrivés à la conclusion qu'il
valait mieux, sur Internet, reprendre le même
visuel ou le même design que la publicité
offline. Si une marque décide d'avoir deux messages,
un offline et un autre online, le public sera perdu
et la campagne sera moins percutante. En revanche, s'il
y a homogénéité du discours, l'individu
aura été exposé à une même
campagne sur plusieurs supports. Elle n'en aura que
plus d'impact. Cependant, cela ne signifie pas qu'il
faille se contenter de créer une bannière
statique avec le visuel utilisé en presse ou
de diffuser en ligne le spot TV sans valeur ajoutée.
Il faut savoir utiliser les ressources du Web (skyscrapper
animé, flash transparent, etc.) tout en gardant
la filiation avec le message publicitaire déjà
diffusé offline.
Outre
les bannières, d'autres types de communication
sont-ils efficaces ?
Notre expérience de la publicité
en ligne nous amène à conseiller aux grandes
marques traditionnelles de multiplier, en plus de la
publicité classique, le sponsoring sur des sites.
Cela peut passer par l'organisation de jeux-concours
ou encore du conseil intégré à
des sites de contenu (pour un constructeur automobile,
des fiches pratiques/conseils dans l'espace automobile
d'un portail, par exemple). L'objectif est de donner
de la valeur ajoutée, ludique ou pratique, à
l'internaute pour qu'il se souvienne positivement de
la marque.
Quelles
sont les marques qui, selon vous, utilisent le mieux
Internet dans leur plan de communication ?
Je citerais Philips Electronics, qui
est un des meilleurs exemples de l'utilisation d'Internet
aux Etats-Unis. Cette marque consacre plus de 10 %
de son budget communication au Web, tout comme Oreo
Cookies (Kraft Foods). McDonald's fait aussi partie
de ceux qui utilisent Internet efficacement. Dernièrement,
McDonald's a été amené à
faire des coupes budgétaires et avait le choix
entre communiquer à la télévision
ou online. C'est Internet qui a été conservé,
car plus efficace. De même, Volkswagen a coupé
son budget "presse écrite" mais conservé
la communication en ligne. Cendant (qui détient
les marques Avis, Budget, Century 21, etc.) dépense
environ 20 % de son budget communication sur Internet
et fait partie des sociétés qui pratiquent
de la manière la plus efficace le mix média.
Ils savent avec précision quel ROI attendre de
chaque média. Le point commun de toutes ces marques
n'est pas d'avoir cherché absolument à
investir en ligne mais d'avoir mis à plat tous
les médias à leur disposition et d'avoir
évalué pour chacun son ROI et son impact.
A partir de là, la conclusion naturelle est l'intégration
d'Internet dans le plan média.
A
contrario, pouvez-vous nous citer des contre-exemples ?
Nestlé
est pour moi un des exemples à ne pas suivre.
Au début de leur présence en ligne, ils
ont investi énormément dans leur site
dédié à la petite enfance (verybestbaby.com)
mais ils avaient oublié de conserver un budget
pour la communication. Résultat : un très
beau site mais pas de visiteurs... Procter & Gamble
a fait lui aussi quelques erreurs au début. En
1996, ils ne résonnaient qu'en terme de taux
de clics sur les bannières puis, en 1998, ils
ont utilisé le format pop-up avec excès.
Cela revenait presque à du spam tellement ils
en abusaient ! Aujourd'hui, ces marques ont tiré
les leçons de leurs erreurs et communiquent avec
plus de finesse.
Peut-on
établir un parallèle entre vos études
et celles réalisées en France (études
Net Impact 1 et 2 réalisées par l'IAB
et Ipsos) et Europe (par l'EIAA) ?
En effet, l'objectif est le même :
prouver l'efficacité du média Internet.
Malgré une méthodologie différente
selon les expériences, les résultats sont
assez proches. Les principales différentes sont
dues, je crois, au niveau de pénétration
d'Internet qui est moins élevé en Europe.
Cela induit donc des différences dans le profil
des internautes. Aux Etats-Unis, la population connectée
est plus représentative de la population totale
tandis qu'en France, il y a encore un profil très
marqué (urbain, CSP+, etc.), par exemple. Mais,
d'une manière globale, nous observons plus de
similarités entre les études que de différences.
Qu'est-ce
qui vous horripile le plus dans la publicité
en ligne ?
C'est ce que nous appelons le "trick
through", par analogie au "click trough"
[ndlr, taux de transformation]. Ce sont toutes
ces publicités qui poussent les internautes à
cliquer involontairement sur une bannière. Elles
ressemblent par exemple aux messages d'erreurs affichés
par les logiciels Microsoft. Cela peut aussi être
de faux boutons situés en haut à droite
d'un pop-up et qui imitent le bouton de fermeture d'une
fenêtre. Le but est de faire cliquer à
tout prix, même si l'internaute n'est pas intéressé.
Toutes ces méthodes sournoises sont non seulement
inefficaces mais provoquent en plus l'hostilité
des internautes envers la publicité en ligne
dans son ensemble.
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