INTERVIEW
 
Partner CRM
KPMG France
Stephen Brown
"En matière de fidélisation, l'improvisation n'est plus possible"
Associé à la mise en place et à l'analyse du Baromètre de la Relation Client, Stephen Brown, consultant spécialisé dans la mise en place d'outils de Gestion de la relation client dans les entreprises, fait le point sur les spécificités de la fidélisation en ligne, ses résultats et ses pièges.
02 février 2001
 
          

JDNet. Quelles sont les grandes différences entre la fidélisation traditionnelle et la fidélisation en ligne ?
Stephen Brown. Sur le Web, il est beaucoup plus facile de capter un grand nombre d'informations sur les clients, comme le temps que passe un internaute sur un produit. Mais s'il est plus facile et moins cher d'engranger des informations sur les intérêts des clients, leur efficacité, en terme de fidélisation, n'est pas aussi évidente qu'il y paraît. Un générateur automatique d'e-mail ne peut pas adapter son message en cour de route. Si les données qu'il possède sont erronées ou incomplètes, sa réponse ou sa proposition seront inadaptées au client. Ces caractéristique font qu'en amont de la mise en place d'outils de fidélisation en ligne, il faut réfléchir beaucoup plus. L'improvisation n'est plus possible. C'est pourquoi, les outils de micro-segmentation nécessitent un paramétrage très lourd. Mais lorsqu'ils sont bien maîtrisés, la grande force d'Internet, est de pouvoir fidéliser les clients par la personnalisation du point de vente.

Il semble qu'il y ait deux écoles de la fidélisation en ligne. Pour vous où s'arrête-t-elle ?

Il y a effectivement des sites qui limitent leurs actions de fidélisation à leurs bons clients. Ils s'en tiennent à l'acceptation traditionnelle de la fidélisation. Mais il est vrai que ce qui coûte cher dans un magasin, comme les clients non acheteurs, ne veut rien dire sur Internet pour peu que l'on ait les capacités d'accueil. De fait, générer du trafic devient intéressant. Et dans la mesure où le programme de fidélisation est automatisé, pourquoi ne pas l'ouvrir aux prospects pour les transformer en clients? Il est vrai toutefois que la notion de fidélisation reste attachée à une notion d'élite. Et il est important que les clients fidèles sachent qu'ils sont privilégiés et que les autres le sachent aussi, pour les séduire.

Quels sont les instruments de fidélisation en ligne et lesquels vous semblent les plus intéressants ?
La personnalisation du site Web en fonction des intérêts des consommateurs est un grand plus. Surtout, et là je regarde l'avenir, pour le Wap. On aura tellement peu de place sur les écrans et tellement peu de capacités de transmission qu'il va falloir cibler les informations en fonction des centres d'intérêt du client. Autre instrument intéressant, la gestion et la génération de campagne d'e-mail. C'est l'équivalent d'un centre d'appel intelligent. Mais le nec plus ultra de la fidélisation sur le Web, c'est le centre de contact client. A un moment donné de son parcours, l'internaute demande qu'on l'appelle pour l'aider à résoudre un problème. Un télé-opérateur prend la main sur son PC et fait défiler les écrans devant lui pour trouver le produit nécessaire. Dans ce cas de figure, le réel rejoint le virtuel. Une des entreprises exemplaires dans ce domaine, c'est Land's End, le distributeur de vêtements sur Internet. Et en plus ils sont rentables !

Qu'est ce que vous pensez d'outils comme les cadeaux ou les cartes de fidélité ?
Donner des cadeaux à des clients, c'est une autre manière d'envisager la fidélisation. Il y a des personnes qui disent, et parfois avec raison, qu'un programme de fidélisation est un aveu de faiblesse. Si votre marque est forte, la fidélisation se fait toute seule. Donc, il faut regarder le cadeau de près. Car s'il sert à compenser un retard en terme d'offre, sans autre mesure visant à améliorer les prestations, la faillite sera inéluctable. Les cadeaux sont chers et les clients sont opportunistes et infidèles. Un client vraiment fidèle n'a pas forcément besoin de cadeaux. Il a beaucoup de mal à aller ailleurs, parce qu'il est devenu dépendant. En plus il rapporte beaucoup d'argent !

Un bon programme de fidélisation correspond à quel budget ?
La fidélisation sur le Web, ça ne coûte pas cher dès que l'on a beaucoup d'internautes clients et une base de données conséquente, comme celle d'Amazon. Si une start-up qui ouvre son site Web veut avoir des outils qui lui permettront de faire des propositions différenciées en fonction des comportements des clients, des e-mail intelligents et ainsi de suite, elle devra prévoir un budget entre 5 et 10 millions de francs. Et ce ne sera pas utile immédiatement ! Il faudra le temps d'accumuler l'information nécessaire. Ce temps est plus ou moins long en fonction de la réussite du site. Et un programme de fidélisation n'est pas le garant de la réussite.

Est-ce qu'il y a des secteurs qui utilisent plus que d'autres des programmes de fidélisation?
Les premiers à les avoir mis en place, ce sont les sites vendant des produits de grandes consommation, que ce soit des livres, des CD ou des vêtements, parce que ce sont des achats fréquents et que les comportements de consommateurs sont très marqués. Les produits sont peu chers et marqués par des tendances. Les sites aotomobiles veulent également faire de la fidélisation pour maintenir un lien avec le consommateur pendant tout le temps où il ne consomme pas. Ce modèle doit faire ces preuves, faute d'ancienneté. Pour le moment, les programmes de fidélisation fonctionnent mieux sur un modèle de grande distribution sur le Web et dans le domaine du tourisme et des loisirs.

Quels sont les pièges de la fidélisation en ligne ?
Avant tout, le manque de réflexion. Pour chaque niveau de proximité que l'on désire atteindre avec le client, il y a un pré-requis en termes d'informations qu'il faut avoir satisfait. Si l'on essaye de passer au niveau suivant sans avoir toutes les informations nécessaires, ce sera un échec, avec des conséquences désastreuses. Or aujourd'hui, la plupart des entreprises sont obnubilées par la puissance des outils qui permettent de faire des sites sur mesure et on ne se rend pas compte que l'utilisation intelligente de ses outils repose sur un niveau de richesse d'information que l'on a pas forcement encore. Ensuite, la mauvaise compréhension des intérêts de ses clients. Sur la plupart des sites Web, les informations recueillies se limitent aux transactions effectuées. Elles ne concernent pas la vie de l'internaute et ses habitudes de consommation. D'où la difficulté de lui faire des propositions complémentaires vraiment adaptées, au bon moment. La fidélisation passe par le recueil d'informations pertinentes et un traitement adapté.

 
Propos recueillis par Rédaction

PARCOURS
 
Stephen Brown, 36 ans, est diplômé de l'université de Glasgow et Cambridge. Ancien chercheur à l'université d'Oxford, il entre en 1995 chez KPMG, après un passage chez Price Waterhaouse. Actuellement, il anime une équipe de 40 consultants dédiés au CRM au sein de KPMG Consulting France.

   
 
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