Interview
4. e-Politique et citoyenneté
"Je suis favorable au vote en ligne"

 

1. Bilan et
projet
2. "Nouvelle économie" 3. Accès à l'Internet 4. e-Politique et citoyenneté
"La puissance publique s'est contentée de courir après l'événement" "La réussite professionnelle et financière ne doit plus être suspectée" "Objectif : un ordinateur par famille en 2007" "Je suis favorable au vote en ligne"

JDNet. Dans quelle mesure Internet modifie-t-il, selon vous, les rapports citoyens-pouvoirs publics?
Jacques Chirac. L'internet est un outil de ce qu'on appelle "la démocratie d'opinion". Il permet à chaque instant au responsable politique de connaître l'opinion de ses administrés en ligne. C'est à la fois une chance et une menace pour la vie politique.

Une chance, car cela permet aux citoyens de mieux faire entendre leurs points de vue, et de participer davantage au débat démocratique en dehors des échéances électorales. Quand l'internet se sera vraiment démocratisé, les citoyens pèseront davantage qu'auparavant dans la vie politique française.

Mais l'internet peut aussi constituer une menace car un responsable politique doit privilégier la recherche de l'intérêt général du pays, qui n'est pas la somme des intérêts particuliers des Français. Cela signifie qu'un homme d'Etat doit parfois prendre des décisions très impopulaires, pour le bien de la Nation qu'il gouverne. Je pense par exemple aux hausses d'impôts auxquelles le gouvernement d'Alain Juppé, avec mon entier soutien, a dû procéder entre 1995 et 1997 pour qualifier la France pour l'Euro. La France ne pouvait rester en dehors de cette grande ambition d'une monnaie européenne.

Aujourd'hui, l'internet, en permettant à toutes les communautés de manifester massivement et en temps réel leur désaccord à une décision politique, risque d'émousser le courage des hommes politiques. Une démocratie des lobbies apparaîtrait, dérive perverse de la démocratie d'opinion. C'est pour cela que l'indépendance d'esprit et le courage seront, plus que jamais à l'avenir, deux qualités primordiales des responsables politiques.

Comment l'administration peut-elle, en adoptant les nouvelles technologies, réconcilier les Français avec une puissance publique souvent distante ?
L'administration française du XXIe siècle doit apprendre à se mettre encore davantage au service du public. C'est une exigence. Cela signifie qu'elle devra donner une priorité à l'accueil du public, que ce soit dans des maisons de services publics polyvalentes, dont les horaires seraient revus pour s'adapter aux contraintes des salariés, que ce soit au téléphone ou par courrier, que ce soit via l'internet. L'interêt de l'internet dans la relation entre l'administration et l'usager est triple : donner une meilleure information à toute heure, permettre un meilleur dialogue entre fonctionnaires et administrés, et, par le développement des téléprocédures, éviter les déplacements et les attentes inutiles.

Par ailleurs, l'adoption de l'internet au sein des administrations devrait permettre de rationaliser certains circuits administratifs pour rendre plus efficace le fonctionnement de l'administration au bénéfice des usagers.

Mais je mettrais deux bémols à cette vision idyllique des choses. D'abord, l'usage de l'internet est insuffisamment diffusé dans les foyers français pour qu'il puisse constituer l'unique outil de l'amélioration de la relation entre l'Etat et l'usager. Ensuite, ce dont les Français ont besoin, ce n'est pas seulement d'une base de données publiques, inerte, c'est de pouvoir établir un contact direct avec les fonctionnaires, pour obtenir la réponse adaptée à leur cas particulier. Derrière un site internet, comme derrière un accueil téléphonique ou un guichet traditionnel, il faudra des fonctionnaires motivés au service de l'accueil du public. L'internet ne remplacera jamais la médiation humaine .

Quel peut ou doit être le rôle d'Internet dans la vie politique ?
L'internet est un réseau sans frontière qui permet d'informer le monde entier de tout ce qui se passe dans les zones les plus isolées et les plus fermées. Un simple mail permet aujourd'hui de dénoncer les exactions de n'importe quelle dictature, et de passer outre la censure de la presse. Le web est devenu un outil au service de la protection des libertés. Dans les démocraties, l'internet se révèle d'abord un outil de communication politique. Il permet le débat démocratique. Sur mon site de campagne, des milliers de Français viennent chaque jour s'informer et discuter sur des forums. Je suis heureux de ce lien direct ainsi établi avec mes compatriotes. C'est aussi un instrument de mobilisation. Un réseau de e-volontaires soutenant ma candidature s'est organisé, autour d'un "extranet de campagne", qui diffuse et fait remonter du terrain les idées et les informations sur le déroulement de la campagne. C'est enfin une formidable "machine à voter". Je suis sûr qu'à l'avenir les consultations politiques (référendum, vote…) se multiplieront sur internet.

Cette campagne présidentielle est la première où l'Internet joue un rôle réel. Pensez-vous que les nombreuses initiatives (sites officiels, officieux, parodiques, critiques) puissent jouer un rôle quelconque ?
Je suis persuadé que l'internet est devenu un outil de communication politique à part entière. La seule limite à son influence tient à son caractère encore assez élitiste.

Quelle est votre position face au vote en ligne aujourd'hui?
J'y suis favorable à condition qu'il soit organisé dans des conditions qui garantissent la confidentialité et la sincérité du scrutin et qu'il ne se substitue pas à la possibilité pour les citoyens qui ne disposent pas d'internet à leur domicile d'aller voter. Je crois que le vote électronique peut remédier à des situations dans lesquelles certains Français sont, de fait, exclus du suffrage universel. C'est le cas par exemple pour les expatriés qui résident très loin d'un consulat. Pour voter à l'élection présidentielle, ils devront parcourir parfois des milliers de kilomètres. J'ai proposé au gouvernement que soit organisé dès cette année, un vote expérimental par internet dans quelques consulats. Je déplore qu'il n'ait pas donné suite à cette proposition.

Les Français manifestent des craintes face à ce qu'ils estiment être les risques de l'Internet, en matière de paiement mais aussi de protection de la vie privée ou de leurs enfants. Quelles mesures les pouvoirs publics peuvent-ils prendre pour réduire ces craintes ?
Dans tous ces domaines, nous disposons de législations très protectrices, qui doivent sans cesse être améliorées pour prendre en compte les conséquences du progrès technologique. Les pouvoirs publics doivent veiller à informer les citoyens -particulièrement les parents- des risques inhérents à l'internet. Les risques encourus viennent d'abord de l'ignorance. Que ce soit pour les enfants ou pour les détenteurs de carte bancaire, il y a autant, mais pas plus, de dangers sur l'internet que dans le monde réel.

Un écueil souvent rencontré est le caractère "sans frontières" de l'Internet (affaire Yahoo notamment). Quelle est votre position en la matière ?
Je crois qu'à terme la seule réponse au caractère transfrontières de l'internet se trouve dans la définition d'un état de droit international qui définisse des infractions communes (pédophilie, incitations à la haine, violence gratuite etc) et qui se donne les moyens de les appliquer par une coopération policière et judiciaire. Ce n'est pas utopique : au sein du groupe de travail du G8 sur la cybercriminalité, comme dans le cadre du Conseil de l'Europe, nous avons beaucoup progressé en ce sens.

L'influence de l'opinion internationale est utile pour faire avancer les choses. A l'époque, j'avais eu l'occasion de dire aux dirigeants de Yahoo mon indignation sur les ventes d'objets nazis qui se produisaient sur leur site. Je crois que c'est la position commune adoptée par les dirigeants européens, relayée par l'indignation du grand public qui a permis, alors que Yahoo n'était pas en infraction avec la législation américaine, de mettre fin à ce scandale.

Dans quelle mesure et avec quels moyens techniques ou juridiques faut-il réguler lnternet ? Et qui doit en être chargé ?
Tout site doit respecter les lois du pays dans lequel il est hebergé. Nous devons par ailleurs lutter contre l'apparition de "paradis informatiques" dans lesquels les sites mafieux se réfugieraient. Le contrôle des sites est du ressort de la justice, éventuellement saisie par des particuliers ou par les pouvoirs publics.

Envisagez-vous de créer de nouvelles structures de contrôle ou d'accompagnement ? Un ministère dédié ?
Nous avons déjà des autorités publiques en charge du contrôle des contenus sur l'internet : la CNIL pour tout ce qui concerne la protection de la vie privée et des données personnelles, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel pour les contenus. Je ne suis pas favorable à une multiplication des autorités administratives, je crois qu'il faut une cohérence dans le suivi de l'ensemble des médias. Quant à la création d'un ministère dédié aux technologies de l'information, pourquoi pas? Mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel c'est que ces technologies fassent l'objet d'une véritable priorité politique et budgétaire pour le prochain gouvernement.

A titre personnel, utilisez-vous Internet ou le mail ?
Internet est avant tout pour moi un instrument de détente, une fenêtre ouverte sur le monde, à mes (très rares) moments perdus. Il abolit les frontières et me permet d'aller visiter des sites lointains, qui correspondent à mes centres d'intérêts. Je préfère le téléphone au mail. Mais je reçois plusieurs milliers d'e-mails par jour sur le site de l'Elysée. Et mes collaborateurs m'envoient leurs notes à travers notre messagerie interne… Que de progrès depuis le téléphone à trois touches que j'ai trouvé à mon arrivée à l'Elysée en 1995 !

Quels sont vos sites préférés ?
D'abord trois sites consacrés à l'art, Artdujapon.org, Tribalarts.com et le site du Louvre. Et puis un site dédié au sumo, Sumo.or.jp.

Avez-vous consulté les sites qui vous étaient consacrés, pro et anti-Chirac ?
Je rends visite régulièrement à mon site de campagne (www.chiracaveclafrance.net) Les autres, je n'ai pas eu le temps d'aller les voir.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
L'incroyable diversité et l'érudition des contenus. Il y a quelques mois, je suis resté en admiration devant un site extraordinaire consacré à l'homme de Tautavel...

Et que détestez-vous ?
L'idée que l'internet sert de réseau commercial à toutes sortes de trafiquants : de drogue, d'armes, d'organes voire d'enfants.

Quel service rêveriez-vous de pouvoir utiliser ?
Un service de messagerie qui me relierait à chaque Français. Mais, il me serait impossible de répondre au courrier !

___________________

Interview réalisée par e-mail par la rédaction du Journal du Net le 11 mars 2002. Jacques Chirac s'exprimera en direct au cours d'un chat organisé mercredi 13 mars à 19 heures sur Caramail.com.

Début de l'interview >>

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