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Steen Clausen
Managing
Director
ECTA
(European Competitive Telecommunications Association)
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Steen
Clausen
"Nous devons doubler la moyenne européenne de pénétration du haut débit"
14 % de taux de pénétration du haut débit dans les pays membres de l'UE : une moyenne insatisfaisante pour l'ECTA. A la veille de la réunion du groupe des régulateurs européens, le porte-parole du lobby des opérateurs alternatifs appelle à une harmonisation des remèdes pour favoriser les leviers de la concurrence dans les télécoms.
(26/09/2006) |
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JDN.
Pouvez-vous nous présenter l'ECTA ?
Steen Clausen. L'ECTA (European Competitive Telecommunications
Association) a été créée en 1998 pour représenter les
intérêts commerciaux et législatifs des nouveaux entrants
sur le marché des communications électroniques. Elle compte
aujourd'hui plus de 150 membres, opérateurs télécoms,
fournisseurs d'accès et de services Internet ou associations
nationales comme l'Aforst. L'ECTA milite pour la construction
d'un cadre réglementaire au niveau européen permettant
d'instaurer un environnement compétitif pour les opérateurs
alternatifs et les fournisseurs de communications électroniques,
et d'encourager l'investissement des acteurs.
Selon
les derniers chiffres publiés par l'ECTA, plus de 64 millions
d'Européens avaient accès à l'Internet haut débit au 31
mars 2006. Soit un taux de pénétration de l'Internet rapide
de 14 % en moyenne dans les 25 pays membres de l'Union
européenne. Que vous inspirent ces chiffres ?
14 % n'est pas une moyenne satisfaisante. L'Europe
doit être plus ambitieuse et plus agressive en termes
de pénétration du haut débit. Rappelons que les technologies
de l'information et des télécommunications représentent
entre 25 et 30 % de l'économie de l'Union européenne.
Les TIC sont un secteur stratégique en termes de croissance
et d'emploi. Nous devons donc être en mesure de doubler,
voire tripler cette moyenne européenne. Ce n'est pas un
objectif impossible puisque certains pays, à l'image du
Danemark ou des Pays-Bas, sont aujourd'hui proches des
30 % de taux de pénétration du haut débit.
A l'inverse,
certains pays comme la Grèce ou l'Irlande affichent des
taux de pénétration du haut débit de l'ordre de 2 %...
C'est malheureusement une réalité :
les bons chiffres des uns cachent les mauvaises performances
des autres. Les gens aiment souvent comparer les chiffres
de l'Internet entre l'Europe, les Etats-Unis et le Japon.
Mais en réalité, le fossé à l'intérieur de l'Union européenne
se suffit à lui-même en termes de comparaison.
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La
concurrence par les infrastructures favorise
le marché du haut débit." |
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Comment expliquer ces fortes
disparités ?
Un premier élément d'explication est la concurrence effective
par les infrastructures d'accès au haut débit. Au Danemark
par exemple, le marché du haut débit se caractérise par
un haut niveau de pénétration et une forte concurrence
entre infrastructures. Les accès DSL sont majoritaires
mais ne représentent pas plus de 65 % des accès haut
débit, ce qui laisse de fortes parts de marché aux autres
infrastructures comme les réseaux sans fil ou les réseaux
des câblo-opérateurs. En Grèce, à l'inverse, la seule
infrastructure d'accès est le réseau téléphonique de l'opérateur
historique.
C'est également le cas en France
où le DSL est largement majoritaire. Ce qui n'a pas empêché
la concurrence de se développer
N'oublions pas que le taux de pénétration du haut débit
en France a longtemps stagné à un faible niveau, jusqu'à
ce que les actions du régulateur ouvrent la voie pour
une concurrence effective, en l'occurrence via le dégroupage
de la boucle locale. En l'absence de concurrence soutenue
par les infrastructures, le rôle de la régulation est
en effet d'éliminer le goulet d'étranglement que constitue
l'accès au dernier tronçon du réseau téléphonique de l'opérateur
historique, ceci afin de permettre aux opérateurs alternatifs
de gérer de bout en bout le réseau qui les relie à leurs
abonnés et de proposer des offres différenciées de celles
de l'opérateur historique.
Un autre bon exemple est celui du Royaume-Uni, qui a gagné
15 % d'abonnés haut débit au cours du premier trimestre
2006. Le pays a été stimulé par l'apparition de nouvelles offres compétitives,
rendues possibles par l'action du régulateur pour
améliorer les conditions d'accès sur le marché des opérateurs
alternatifs. L'illustration parfaite du lien ténu et stratégique
qui existe entre l'action réglementaire et l'effectivité
de la concurrence.
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Nous
sommes contre un régulateur européen." |
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Le groupe des régulateurs européens
(ERG) doit se réunir au mois d'octobre prochain. Quelles
sont vos attentes vis-à-vis de ce sommet ?
Nous attendons de l'ERG qu'il identifie les meilleures
pratiques réglementaires pour combler le fossé qui existe
entre les pays européens en termes de compétitivité
des marchés du haut débit. Sinon, la Commission européenne
pourrait imposer une autorité de régulation supra-nationale,
ce contre quoi nous nous élevons.
Pourquoi ?
Les autorités de régulation nationales étant plus proches
de leur marché domestique, de ses particularités et de
ses forces en présence, elles sont plus à même de réguler
ce marché qu'une autorité européenne. C'est pourquoi nous
appelons l'ERG à poser la question de l'harmonisation
des remèdes en octobre prochain.
Qu'entendez-vous par remèdes ?
Toutes les solutions réglementaires qui favorisent les
leviers de la concurrence sur le marché des communications
électroniques, par exemple l'imposition aux opérateurs
historiques d'ouvrir leur réseau local aux opérateurs
alternatifs, ceci à un prix orienté par les coûts, ou
encore l'intervention sur les conditions techniques, l'action
sur les structures tarifaires des offres de gros et intermédiaires,
etc. A ce titre, le maintien d'une régulation ex ante
est une condition sine qua non pour stimuler la concurrence,
donc la croissance du marché du haut débit. Si ces remèdes
sont réels dans certains pays européens, d'autres ne les
appliquent pas. Il est donc urgent d'harmoniser l'application
de la régulation.
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Séparer
les activités de grossiste et de détail
des opérateurs historiques." |
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Plus globalement, quelles sont
vos attentes envers la Commission européenne qui travaille
actuellement à la révision du cadre réglementaire des
communications électroniques ?
La première urgence est de rendre effective l'ouverture des
réseaux des opérateurs historiques aux nouveaux entrants.
De tous les réseaux. Même dans les pays où le taux de
pénétration de l'Internet est relativement élevé, cet
accès n'est pas toujours garanti. Le débat qui a eu lieu
en Allemagne concernant l'accès exclusif de Deutsche Telekom,
l'opérateur historique, à son futur réseau VDSL, est l'illustration
parfaite de cette défaillance. Le cadre réglementaire
doit être revu avec l'ambition de garantir la neutralité
technologique du réseau.
L'une des solutions consisterait à imposer la séparation
fonctionnelle des activités de grossiste et de détail
des opérateurs. Au Royaume-Uni, sous la pression du régulateur,
British Telecom a scindé en deux ses activités, ce qui a
permis une plus grande transparence sur le marché de détail.
Des mesures similaires sont envisagées aujourd'hui en
Italie et au Portugal.
Pour finir, pensez-vous que
la technologie de fibre optique à domicile va prendre
son essor en Europe et supplanter, à terme la technologie
DSL dominante ?
La fibre optique appartient définitivement au futur paysage
du haut débit en Europe. De nombreux opérateurs
ont d'ores et déjà annoncé des plans d'investissement
dans cette technologie, des opérateurs alternatifs proposent
déjà des offres dans certains pays, et les acteurs publics
tels que les villes ou les collectivités travaillent sur
des projets de déploiement. Quand à savoir à quel terme
la fibre s'imposera comme technologie d'accès au haut
débit, je pense qu'il faut laisser le marché décider.
C'est une question de demande de la part des consommateurs.
Quand la demande sera réelle, les opérateurs procéderont
aux investissements nécessaires. |
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Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN |
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PARCOURS
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Steen Clausen a rejoint l'ECTA (European
Competitive Telecommunications Association) comme
directeur du management en janvier 2006.
Il est en charge du développement stratégique de
l'association.
Steen Clausen a débuté sa carrière chez Arthur
Andersen avant d'exercer divers postes de responsabilité
chez Sharp Corporation, NCR Corporation
et Blackbox Communications. En 1996, il entre
chez Equant où il exerce les fonctions de
vice-président et de directeur général pour le Royaume-Uni
et l'Irelande. Après avoir quitté Equant, il a rejoint
quelques temps Cable & Wireless et a surtout
exercé le métier de consultant indépendant
dans son pays d'origine, le Danemark, mais également
en scandinavie, aux Etats-Unis, en Australie et
en Afrique du Sud.
Et aussi Steen Clausen est diplômé de l'école
économique de Coppenhague et de de l'université
de Witwatersrand à Johannesburg.
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