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Philippe Collombel
Associé Europe
Partech International |
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Philippe Collombel
"Les opportunités de premiers tours sont aujourd'hui les plus nombreuses"
Le fonds de capital-risque Partech International a participé à deux des plus gros tours de table de l'année 2005, sur le secteur des nouvelles technologies, Dibcom et Realeyes 3D. Philippe Collombel, associé Europe, évoque les perspectives de l'année 2006 en termes d'opportunités d'investissements, de tendances de marché et de projets pour sa société. Avec beaucoup d'optimisme, mais sans concession.
(02/03/2006) |
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JDN. Pouvez-vous présenter les grandes spécificités de Partech International ?
Philippe Collombel. Partech International, créé en 1982, est l'un des plus anciens fonds de capital-risque européens. C'est un fonds indépendant réunissant douze associés : sept aux Etats-Unis, trois en Europe, et très bientôt deux en Israël. Nous faisons partie des rares fonds à avoir choisi Paris comme hub, plutôt que Londres, car nous estimons que la France recèle un très fort potentiel.
Quelle est la stratégie d'investissement de Partech ?
Nous opérons à travers un fonds global. Nous sommes donc présents dans les trois grandes zones du capital-risque à travers un seul fonds, ce qui signifie que chaque investissement relève d'une décision commune entre tous les associés, quelque soit leur zone de base. Nous gérons actuellement une enveloppe globale de 800 millions de dollars. Notre dernier fonds s'élève à 300 millions de dollars. En termes de secteurs, nous ne travaillons que sur l'IT, mais sur tout l'IT, ce qui veut dire : l'Internet, le logiciel, les composants, et les télécoms-wireless. Contrairement à d'autres fonds, nous n'avons aucune intention de nous engager dans les biotechnologies, car nous considérons qu'il n'y a aucune synergie entre les équipes de biotechnologies et d'IT. En termes de stade d'intervention, nous investissons à 75 % en early-stage, et à 25 % en late stage. En amorçage, nous avons par exemple financé Jobpartners en 2000, Realeyes il y a deux ans, et Total Immersion en 2002, que nous sommes en train de refinancer. Nous avons aussi participé au premier tour de In Fusio. En late stage, citons des opérations comme Cartesis, qui réalise plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, Netsize ou encore B3G Telecom.
Ce positionnement early stage est plutôt rare chez les fonds de capital-risque, qui considèrent en général ce type d'investissement comme trop risqué. Comment assumez-vous ce risque ?
C'est vrai, il est plutôt rare. Si on regarde le marché français, où il existe un grand nombre de FCPI qui seraient censés faire des premiers tours, très peu le font réellement. Les FCPI sont plutôt positionnés mid stage. Nous sommes peut-être cinq ou six fonds à faire de l'early stage en France, avec des gens comme Sofinnova ou I-Source. L'early stage est notre positionnement historique, et il nous a bien réussi. Nous sommes par exemple les seed funders de Business Objects. Nous avons de plus la prétention de croire que nous réussissons à juger correctement l'alchimie entre un marché potentiel, une technologie et une équipe de direction. Certes, ce type d'investissement est plus risqué. Pour limiter le risque, nous n'interviendrons pas en seed sur du logiciel de gestion indifférencié, par exemple. En revanche, nous pouvons en faire sur de l'Internet ou des télécoms.
Pourquoi y a-t-il si peu de fonds présents sur l'amorçage et les premiers tours ?
Parce que cela demande beaucoup de travail et d'investissement humain. C'est pourquoi, chez Partech, les partners réalisent chacun en moyenne un seul investissement par an. Chaque associé gère un maximum de quatre à cinq projets.
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Nous ne sommes pas nombreux à nous battre pour faire des premiers tours." |
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On parle du retour des premiers tours, en ce début d'année 2006. Est-ce aussi votre sentiment ?
Le marché va mieux, oui, mais je ne suis pas sûr qu'il y ait tant d'appétence que cela pour les premiers tours. Il y en a eu de très beaux aux Etats-Unis, mais il n'est pas certain que la tendance soit aussi claire en Europe. Nous ne sommes pas nombreux à nous battre pour faire des premiers tours.
Il y a donc encore beaucoup de sociétés à refinancer ? Car sinon, où vont les capitaux ?
Il y a moins d'opportunités late stage qu'il y a pu en avoir à un certain moment. En fait, les opportunités de premiers tours sont plus nombreuses. Et comme il y a en effet pas mal de capitaux disponibles, les prix sont à la hausse sur le late stage. Cela dit, ils restent encore raisonnables, sauf pour les entreprises qui ont passé la barre des 10 à 15 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le secteur de l'Internet. A l'étranger, une société dont je tairai le nom, rentrant dans cette catégorie, est actuellement valorisée 60 à 65 millions d'euros, ce qui est déraisonnable.
Le fait que les opportunités de premiers tours soient nombreuses est à interpréter comme un signe positif pour le marché ?
Je suis optimiste, car le terreau entrepreneurial français continue de mûrir, ce qui est très encourageant pour l'économie française. Je suis plus pessimiste sur le pays que je ne le suis sur mon métier. Il est faux de dire que les VC ne veulent pas investir, comme il est faux de dire qu'il n'y a pas d'entrepreneurs. La plupart d'entre eux ont des niveaux de formation corrects, voire excellents, et de bons profils. Aujourd'hui, le modèle de la réussite professionnelle linéaire à travers un grand groupe est secoué, ce qui légitime d'autres modèles de réussite professionnelle, comme l'entrepreneuriat.
Pensez-vous que l'euphorie de la bulle Internet y soit aussi pour quelque chose ?
Je pense que la bulle a à la fois suscité et contrarié des vocations. Ce qui est positif, c'est que ceux qui ont survécu en sont à leur deuxième création.
Et les diverses réformes économiques, sont-elles favorables à la création d'entreprise ?
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L'Hexagone a pris du retard sur l'Allemagne, dans le Web 2.0." |
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Il y a plusieurs éléments favorables à l'environnement économique des start-ups, comme la flexibilisation du marché du travail, qui tend à diminuer le risque à l'embauche pour les PME. Je ne suis pas certain que cela change quoi que ce soit dans les grandes entreprises, en revanche. Le dispositif Jeune Entreprise Innovante (JEI, créé par la loi de finances pour 2004. Dispositif d'avantages fiscaux accordés aux PME qui dépensent 15 % de leurs charges en R&D, Ndlr) est également absolument remarquable car il rend le coût de R&D français très compétitif au niveau international. Citons aussi les aides Anvar. D'autres choses sont plus regrettables, comme l'instabilité juridique chronique sur les stock-options, ou l'ISF. Ne parlons pas des pôles de compétitivité, qui s'apparentent à une politique économique des années 70. Ils ne font que créer un effet d'aubaine sur les grands groupes. Tout d'abord, il n'est jamais facile de planifier l'innovation. Ensuite, pour le financement, il vaut mieux faire confiance à de petites structures.
Quelles sont pour vous les grandes tendances sectorielles de ce début d'année ?
Premièrement, la confirmation du Web 2.0. On ne voit malheureusement pas encore assez de projets dans ce domaine, en France. L'Hexagone a pris du retard sur l'Allemagne, sur ce point. Deuxièmement, le wireless, le wireless, et encore le wireless ! Avec la prédominance de la data sur la voix, et le relais de croissance à 18 mois que représente la vidéo sur mobile, un phénomène majeur à nos yeux. D'où notre investissement dans le fabricant de circuits intégrés pour la télévision sur mobile Dibcom. Ensuite, la téléphonie sur IP. Dans ce domaine, nous avons investi dans B3G Telecom. Enfin, concernant le logiciel, je n'y crois que sur des logiciels extrêmement différenciés, et sur des domaines sur lesquels on ne subit pas l'inertie d'achat des grands groupes. En effet, la défiance vis à vis des petits fournisseurs, en France, est désespérante. Mais attention, quand je parle de produits différenciés, cela peut tout de même représenter plusieurs dizaines de milliers d'euros de chiffre d'affaires. Pour que nous investissions, le marché potentiel doit être de 500 millions à 1 milliard d'euros.
Ces tendances s'observent-elles partout ?
L'Europe est en avance sur les Etats-Unis sur le wireless, et en retard sur le Web 2.0.
Et Israël ? Quel est le marché, là-bas ?
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Il y a autant de start-ups en Israël qu'en France et en Allemagne réunies." |
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Il y a autant de start-ups en Israël qu'en France et en Allemagne réunies, alors que le rapport de populations cumulées est de 1 à 10
Il existe à cela une explication sociologique claire : la population a moins une mentalité de salarié, du fait de la forte émigration, qui change les rapports au risque. A ce point de vue, Israël se rapproche des Etats-Unis. Les secteurs les plus forts en Israël sont les applications civiles nées de la défense-sécurité, les télécoms, et enfin les composants. Ils sont moins bons sur le logiciel, pour l'instant. Quoiqu'il en soit, la grande force d'Israël, depuis le départ, est son internationalisation, liée à l'absence de marché national.
Partech va recapitaliser son fonds cette année. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous sommes en train de lever des fonds auprès de grands investisseurs internationaux, dont la plupart seront des investisseurs existants. Ce futur fonds, Partech V, aura le même profil que les précédents.
Il y a eu une vague de recapitalisations en 2005. Va-t-elle se poursuivre en 2006 ?
Les recapitalisations de 2005 étaient logiques : beaucoup de fonds ont été levés en 1999-2000, et arrivaient en fin de vie. La durée d'investissement d'un fonds est en effet de 4 ou 5 ans. Cette année ne devrait pas être exceptionnelle en termes de collecte. De manière générale, l'essentiel du marché français en cycle annuel est quand même réalisé par les FCPI.
Les fonds de fonds sont-ils les mêmes qu'il y a cinq ans ?
Oui, l'écosystème s'est stabilisé. On peut même dire qu'il est aujourd'hui presque impossible de créer un fonds ou un fonds de fonds, que ce soit en France ou aux Etats-Unis.
Et un éventuel fonds Google Venture, vous y croyez ?
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Il faudrait un marché franco-allemand des technologiques." |
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C'est une hypothèse plausible. Cisco ou Intel l'ont déjà fait, avec succès. On dit qu'actuellement, les grandes entreprises se posent à nouveau la question. C'est un phénomène cyclique.
Pour conclure, comment voyez-vous l'année 2006 ?
Il y a plusieurs facteurs d'optimisme. Le track record en matière de rachats industriels et d'introductions en bourse n'est pas mauvais. Pour la première fois depuis longtemps, il existe des opportunités d'introduction en bourse sur le marché européen, donc de nouvelles possibilités de sorties pour les fonds. Je suis donc assez optimiste sur l'évolution des sorties. Il y a eu de belles IPO, comme Meetic, TradeDoubler, TomTom
Le marché américain, en revanche, est très sélectif, notamment à cause des nouvelles réglementations, dont les lois Sarbanes-Oxley font partie. Je regrette simplement l'absence d'unification des marchés technologiques européens. Il faudrait au moins un marché franco-allemand des technologiques. Cela concernerait plutôt les compartiments B et C d'Euronext.
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Propos recueillis par Raphaële KARAYAN, JDN |
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PARCOURS
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Philippe Collombel a rejoint Partech International en 2001. Il est responsable pour l'Europe des investissements dans les domaines du logiciel et de l'Internet.
Auparavant, il était responsable des investissements stratégiques de Carrefour dans le domaine Internet (regroupé au sein de @carrefour). Il a également passé 11 ans chez Accenture où il est devenu associé et où il a participé au lancement de plusieurs initiatives stratégiques pour l'entreprise.
Il siège actuellement aux conseils d'administration de Cartesis, Netsize, Pertinence et Total Immersion. Philippe Collombel a aussi investi, pour le compte de Partech International, dans Meiosys qui a été revendue à IBM en juillet 2005, et dans Travelprice, revendue à Lastminute en 2002.
Et aussi Philippe Collombel est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques et de la Kellogg Business School (Etats-Unis). Il possède une maîtrise de droit et une maîtrise d'économie.
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