JDN.
En décembre dernier Cendant a fait l'acquisition du groupe
eBookers. Quelles vont être les retombées
de ce rachat ?
Laurent Curutchet. Je pense qu'elles seront nombreuses.
La première d'entre elles est d'ordre financier. Aujourd'hui,
le groupe Cendant c'est 100.000 personnes et un chiffre
d'affaires de 23 milliards de dollars dans le monde. Pour
eBookers, ce rachat représente donc un véritable changement
de taille, d'ambitions et de moyens. La deuxième opportunité
est celle du contenu proposé. Cendant a investi
dans un certain nombre de métiers, comme la location de
voitures, l'échange de vacances en temps partagée ou encore
l'hôtellerie. Actuellement, avec 6.000 hôtels dans le
monde, le groupe Cendant représente la première franchise
dans le secteur. Or, à terme, tous ces produits ont vocation
à être distribués par eBookers. Nous sommes pour Cendant
un nouveau canal de distribution. Et dans cette perspective,
comme tous les sites du groupe, nous seront liés au même
GDS, à savoir Galileo.
Y'a-t-il des synergies qui
ont déjà été mises en place
?
Pour l'instant, il n'y en a aucune. Il est encore un peu
tôt pour qu'il en soit autrement. La vente sera finalisée
fin février. En revanche, beaucoup de chantiers sont déjà
lancés. Nous travaillons par exemple avec Galileo pour
changer de technologie de réservation. Mais nous prenons
notre temps, car cette bascule technologique n'est pas
facile à mettre en uvre et il est impératif que les performances
soient au rendez-vous. Ce premier chantier devrait aboutir
avant l'été. Le second grand projet sur lequel nous travaillons
est la connexion d'eBookers à l'offre hôtelière de Cendant.
Cela représente pour nous une importante évolution, eBookers
s'appuyant en France essentiellement sur deux métiers
: l'aérien et la location de voitures grâce au lancement,
en septembre dernier, d'un nouveau moteur de réservation
en ligne. L'hôtellerie contribue aujourd'hui faiblement
à notre chiffre d'affaires.
Quel
a été votre chiffre d'affaires en 2004 en France et comment
se répartit-il entre vos différentes activités ?
Nous avons réalisé 36 millions d'euros de chiffre d'affaires
l'année dernière. 80 % de ces revenus proviennent de la
vente de vols secs, 6 à 7 % de la location de véhicules
et le reste a été réalisé par la revente de réservations
hôtelières et de séjours.
Et pour 2005, comment voyez-vous
évoluer vos activités ?
Il est clair que la location de voitures va continuer
à se développer. Nous avons lancé ce produit en septembre
dernier, et en seulement quatre mois il a généré 6 à 7 %
de nos revenus. Je pense que le segment vols secs va également
continuer à croître, de même que celui de l'hôtellerie
qui devrait se développer très fortement.
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Toutes
les offres d'hôtellerie ne seront pas
en ligne." |
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Sur quelle technologie allez-vous
vous appuyer pour vendre de l'hôtellerie ?
En fait, Cendant dispose désormais de deux technologies
de réservation hôtelières en ligne : celle fournie
par Hotelclub.com et celle proposée par le groupe Gullivers
Travel Associates (GTA) et sa compagnie-sur OctopusTravel.com,
deux entités que le groupe Cendant a racheté en
décembre dernier. Nous serons donc connectés à
l'un de ces moteurs pour la réservation online. Mais tous
les produits ne seront pas accessibles en ligne. Nous
proposerons une offre plus large via notre call-center.
Pourquoi ne pas distribuer
toutes les offres d'hôtellerie sur Internet ?
Nous partons du principe que ce qui fait la qualité d'un
site, c'est sa facilité de navigation. Or l'exhaustivité
de l'offre peut nuire à cette clarté. En
outre, certains produits sont difficiles à réserver en
ligne et certains clients éprouvent de la difficulté à
réserver sur Internet. C'est pourquoi nous maintiendrons
notre centre d'appels.
Les réservations passées
par téléphone représentent-elles
une part importante de votre chiffre d'affaires ? Où
se situe votre centre d'appels ? En France ?
Les réservations passées par téléphone représentent environ
un tiers de notre activité. Notre centre d'appels est
effectivement situé en France. En revanche, cette fonction
n'est pas internalisée. Chez eBookers, nous avons souvent
recours à l'outsourcing. Nous faisons donc appel dans
ce domaine à un prestataire extérieur basé à Bordeaux
qui met à notre disposition vingt-deux positions.
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Nous
restons attachés aux vols et à
la location de voitures." |
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Lorsque vous évoquez les
axes de diversification d'eBookers France, vous parlez
de l'hôtellerie, mais pas des séjours. N'est-ce pas
un domaine stratégique pour vous ?
La vente de packages est une activité encore très manuelle,
même si de plus en plus de sites proposent la réservation
en ligne. En fait, il faut beaucoup de personnes pour
gérer les stocks avec les tour-opérateurs et pour recalculer
les tarifs. Or, eBookers ne souhaite pas s'appuyer sur
des activités qui nécessitent d'importants moyens humains.
Nous préférons privilégier des produits qui peuvent
véritablement être vendus en ligne et le fait que cette
activité soit fortement automatisée. C'est le cas des
vols secs auxquels nous restons très attachés, de la
location de voitures et de l'hôtellerie.
eBookers France aujourd'hui,
c'est combien de salariés ?
30 personnes, sans le call-center. Nous sommes une structure
assez légère. Il est vrai que nous avons externalisé
quelques fonctions supports. Outre le centre d'appels,
la structure de notre back-office est gérée en Inde,
à Delhi.
Vous venez du tourisme "traditionnel"
et notamment de chez Look Voyages. Comment voyez-vous
évoluer l'e-tourisme ?
Le marché, dans le tourisme traditionnel, est aujourd'hui
stable. Mais il n'y a pas de forte croissance. Le seul
coin de ciel bleu dans ce secteur, c'est Internet. Et
je pense que pour les trois ans à venir, il n'y a pas
de raison que cela change. Simplement parce que le tourisme
en ligne représente encore une faible part de marché.
Le potentiel de croissance est donc encore important.
En revanche, je ne crois pas qu'Internet crée une nouvelle
clientèle. C'est un nouveau mode de consommation pour
les clients.
Quel peut-être l'apport
du offline au online dans le secteur du tourisme ?
Un apport en terme de connaissance du secteur. Les fondamentaux
et les consommateurs sont les mêmes. Seuls les outils
mis à disposition sont différents et nécessitent des
qualifications et des compétences spécifiques. Pour
ma part, je crois beaucoup à la complémentarité
du on et du offline. Nous avons d'ailleurs une agence
dont le rôle principal est d'assurer le contact avec
les clients.
La concurrence dans le secteur
Internet devient de plus en plus âpre. Comment allez-vous
tirer votre épingle du jeu ?
Il est vrai qu'aujourd'hui le rapport de taille et d'investissement
est en notre défaveur. Nous investissons beaucoup moins
que Voyages-sncf.com ou que Lastminute.com. Mais, avec
le soutien de Cendant en terme de capitaux, de technologie
et de contenu, je pense que l'attractivité d'eBookers
sera supérieure à l'avenir.
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Nous
privilégierons l'acquisition de trafic." |
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En matière de marketing et
de communication, que comptez-vous faire ? Pensez-vous
lancer, comme au Royaume-Uni, de la publicité sur des
chaînes de télévision satellite ?
Non. Sur le court terme, en France, nous n'en avons pas
les moyens, même si la notoriété de la marque n'est pas
très élevée dans l'Hexagone. Nous concentrerons plutôt
nos efforts sur l'acquisition de trafic.
Est-ce que vous achetez vos
voyages en ligne ?
Il y a cinq mois, la question ne se posait pas. Aujourd'hui,
j'ai effectué mon dernier achat, un week-end, sur mon
site préféré.
Qu'est-ce que vous préférez
dans Internet ?
Ce que j'apprécie dans ce média, c'est de faire partie
d'une nouvelle aventure. C'est ce qui a contribué à me
faire venir chez eBookers. Car je crois que si l'on s'y
prend bien, il est possible de développer fortement une
activité.
A l'inverse, que détestez-vous
dans Internet ?
Le revers de la médaille, c'est que nous sommes très dépendants
de la technologie. Ce qui peut avoir des côtés assez frustrants
lorsque les choses ne marchent pas. |