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Jérôme de Vitry
Président et CEO de
Completel Europe N.V.
Jérôme de Vitry
"Le dégroupage va nous permettre de cibler les PME"
Completel, opérateur télécom à destination des entreprises, a levé 120 millions d'euros pour financer un plan d'expansion de son réseau via le dégroupage de la boucle locale. Objectif avoué de son PDG : concurrencer France Télécom et Neuf Cegetel.
(26/08/2005)
 
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Le 22 juillet 2005, Completel a annoncé une levée de fonds de 120 millions d'euros sous forme de capital et d'emprunt (senior secured notes) afin de financer un plan d'expansion de son réseau. L'opérateur français de services télécoms pour les entreprises souhaite accroître son marché accessible via le dégroupage de la boucle locale.

JDN. Quelle est la taille de votre réseau actuel ?
Jérôme de Vitry. Jusqu'à présent, Completel était présent sur les neuf premières grandes agglomérations françaises au travers d'un réseau en fibre optique que nous avons construit entre 1999 et 2002. Ce réseau possède une capillarité urbaine très dense, ce qui nous a permis d'acquérir une forte position sur le marché des entreprises dans les zones que nous couvrions jusqu'ici, de l'ordre de 7 % de part de marché.

A quelle stratégie nouvelle répond le plan d'expansion de votre réseau ?
Du fait du coût élevé du raccordement en fibre optique, notre offre ciblait avant tout les moyennes et grandes entreprises. Notre clientèle actuelle est de 2.000 grands et moyens comptes, parmi lesquels 25 % à 30 % d'entreprises du secteur public. Mais le segment des PME était finalement assez peu représenté. Grâce au déploiement d'une couverture DSL, nous allons pouvoir toucher les PME, pour qui une offre de télécommunication fixe en dégroupage s'avère plus rentable qu'un raccordement en fibre optique. C'est un nouveau segment de clientèle pour Completel, sur lequel nous misons beaucoup pour accélérer notre croissance, car le marché des télécoms fixes des PME représente entre 3 et 4 milliards d'euros par an. Par ailleurs, cela va permettre à Completel de fidéliser sa clientèle actuelle, celle des grands et moyens comptes.

C'est-à-dire ?
Les grandes entreprises possèdent généralement des sites secondaires, plus petits et situés en dehors des grandes agglomérations. Ce plan d'expansion va permettre à Completel de répondre de manière optimisée à l'ensemble des besoins en télécommunications des moyennes et grandes entreprises, des sites les plus importants aux sites les plus petits. Aujourd'hui, grâce au dégroupage de la boucle locale, Completel se pose en égal de France Télécom sur le marché des entreprises, à savoir comme une alternative complète. En termes d'image, donc de fidélisation de la clientèle, l'impact est majeur.

Nous allons dégrouper 550 sites France Télécom dans 80 villes françaises"
Quelle est désormais la taille de votre réseau ?
Sur les 120 millions d'euros que nous avons levés, 84 millions vont être investis à proprement parler dans le déploiement d'un réseau DSL. Nous prévoyons de dégrouper 550 sites France Télécom répartis dans 80 villes en plus de notre couverture actuelle. Soit un taux de couverture d'environ deux tiers des sites d'entreprises en France, toutes tailles confondues. Ce réseau se compose de trois parties : un réseau longue distance en fibre otique, des boucles métropolitaines également en fibre optique et la partie équipements en DSLAM dans les centraux téléphoniques de France Télécom. La longueur du réseau national longue distance atteindra 7.500 kilomètres.

Pourquoi ne pas avoir déployé de couverture DSL plus tôt ?
La première raison est interne à la société. Completel est une entreprise indépendante, non adossée à un grand groupe, et surtout cotée sur la Bourse de Paris. Nos actionnaires, frileux depuis la bulle Internet sur les ambitions des sociétés dans le domaine des télécoms, ont confié pour mission au comité de direction d'atteindre l'équilibre financier avant d'entreprendre des investissements significatifs. C'est ce que nous avons fait en atteignant un cash-flow positif au quatrième trimestre 2004. La deuxième raison est liée à la concurrence. Depuis un an, et tout récemment avec la fusion de Neuf Telecom et de Cegetel, le marché des télécommunications d'entreprise s'est fortement consolidé autour quatre ou cinq acteurs. Ceci réduit le risque de nos investissements. Enfin, nous attendions que les conditions du dégroupage en France soit plus optimales.

Nous avons obtenu gain de cause auprès de l'Arcep pour la baisse des tarifs annexes du dégroupage"
Quelle est votre position sur les tarifs du dégroupage ? Que pensez-vous de la décision du Conseil d'Etat rejetant le recours en référé déposé contre France Télécom par l'Aforst [association des opérateurs alternatifs] qui réclamait une baisse des tarifs du dégroupage ?
Nous sommes effectivement membres de l'Aforst, et nous soutenons sa démarche, mais notre position est plus nuancée. En réalité, sur le marché des télécommunications d'entreprise, le coût de la location de la ligne par mois n'est pas un facteur essentiel en termes économiques. En revanche, nous sommes très sensibles aux coûts fixes, c'est-à-dire les frais annexes que facture France Télécom pour l'hébergement des équipements dans ses centraux locaux, car en entreprise, on dégroupe dix fois moins de lignes par répartiteur que sur le marché résidentiel. C'est pourquoi nous sommes très satisfaits de la nouvelle offre sur le dégroupage publiée par France Télécom fin juillet qui conduit à une réduction de la facture des frais annexes par répartiteur. Nous avons pratiqué un important lobbying auprès de l'Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ndlr] et de France Télécom pour y parvenir. C'est ce qui nous a permis d'engager notre plan d'expansion de notre réseau.

Allez-vous construire vous-mêmes ce réseau ?
Nous allons réduire au minimum notre part d'investissement dans la construction du réseau. Afin d'optimiser les coûts, nous allons racheter et combiner des bouts de réseaux déjà existants auprès d'une vingtaine de fournisseurs, dont Neuf Cegetel ne fait pas partie.

S'agit-il d'un différend commercial avec le nouveau groupe Neuf Cegetel ?
Pas du tout, c'est un choix stratégique. Nous sommes d'ailleurs aujourd'hui encore client des deux groupes pour la location des liaisons en fibre optique sur le territoire national. Mais leur fusion fait de Neuf Cegetel notre principal concurrent en tant qu'opérateur alternatif sur le marché des télécoms fixes pour les entreprises. C'est pourquoi nous avons choisi de ne pas dépendre de Neuf Cegetel pour nos prestations de services sur le réseau DSL. D'autant que le nouveau groupe ne commercialise plus ses fibres, mais loue de la bande passante uniquement. Or nous voulons être propriétaires à 100 % de notre réseau. D'ici un an, nous ne devrions plus faire partie des clients de Neuf Cegetel.

La fusion Neuf Cegetel va mettre un terme au jeu de massacre sur les prix du marché des entreprises"
Quel va être l'impact de leur fusion sur le marché des télécommunications d'entreprise ?
Cette fusion est très positive ! Ceci pour deux raisons. Premièrement, la fusion de deux concurrents réduit le nombre d'acteurs présents sur le marché. Cela va avoir un impact positif sur notre part de marché. Par ailleurs, cette fusion va mettre un terme au jeu de massacre sur les prix des télécoms fixes en entreprise en France qui figurent aujourd'hui parmi les plus bas d'Europe. Une guerre des prix dont Neuf Telecom et Cegetel étaient les principaux instigateurs. Aujourd'hui, ces prix vont se stabiliser et la baisse sera plus modérée sur le long terme.

Allez-vous investir le marché des particuliers, puisque votre couverture DSL le permet dorénavant ?
Non, Completel n'envisage pas de devenir un opérateur résidentiel. L'une des forces de Completel est d'être précisément l'un des rares acteurs spécialiste sur le marché des entreprises. Notre réseau est optimisé pour les entreprises. En outre, le niveau de concurrence sur le marché grand public est trop important. Cela nécessite des investissements marketing conséquents. Le coût d'acquisition d'un client grand public est bien trop élevé par rapport aux prix actuels du marché, parmi les plus bas dans le monde.

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Ce plan d'expansion prévoit-il également une ouverture à l'international ?
Non. A l'origine de sa création, en 1998, Completel était présent en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. C'est d'ailleurs pourquoi la dénomination de la société est Completel Europe N.V, car nous sommes une société de droit néerlandais. Mais en 2002, le groupe a choisi de recentrer ses activités sur le seul territoire hexagonal. Même si l'ouverture du marché des télécommunications en Europe date de plus de sept ans, la France commence à peine à s'ouvrir à la concurrence. France Télécom possède encore 85 % de parts de marché des télécoms d'entreprise. Il existe donc un fort potentiel de croissance dans l'Hexagone pour Completel avant de songer à ouvrir des filiales en Europe.
 
 
Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN

PARCOURS
 
 
Jérôme de Vitry, 44 ans, a rejoint Completel en mars 1999 en tant que président de Completel France pour lancer et développer les activités françaises. Il a été nommé CEO de Completel Europe N.V. en janvier 2001 pour couvrir l'ensemble des opérations du groupe (France, Allemagne, Royaume-Uni).

1990-1998 : groupe Alcatel : directeur marketing de groupes de produits, directeur général de la branche Systèmes d'Accès et vice-président des ventes et opérations pour la zone France, Afrique, Inde, Asie du Sud-Est et Moyen Orient.

1985-1990 : consultant puis directeur d'études au Boston Consulting Group

Et aussi Jérôme de Vitry est diplômé de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées et titulaire d'un MBA de l'Insead.

   
 
 
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