INTERVIEW
 
Président, co-fondateur
DirecteurArtistique.net
Benoît Drouillat
"Le manque de confiance des annonceurs est le principal frein à la créativité publicitaire sur Internet"
Directeur artistique pour l'agence Baobaz, Benoît Drouillat est co-fondateur avec Guillaume Brachon du club informel des directeurs artistiques interactifs, DirecteurArtistique.net. Cette association souhaite créer un réseau relationnel entre les directeurs artistiques Web afin qu'ils puissent partager leurs expériences. Son parcours, ecxlusivement online, lui donne un point de vue différent sur la créativité publicitaire. 11 juin 2003
 
          
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JDN. Quelles sont selon vous les différences entre un directeur artistique Web et un directeur artistique "offline" ?
Benoît Drouillat. Il y a une différence de philosophie. Un directeur artistique crée pour l'écran. Avant d'ajouter l'interactivité, il faut créer dans un espace restreint avec des contraintes matérielles à intégrer (taille de l'écran, résolution, etc.). Il faut faire attention à la qualité du rendu d'un logo à l'écran, à choisir des typographies adaptées au Web, etc. Le D.A. interactif se doit donc de maîtriser toute la chaîne de création pour prendre en compte toutes les contraintes techniques. Et puis il faut également réaliser que nous ne nous adressons pas uniquement à des consommateurs au sens publicitaire du terme, mais que nous avons affaire à des utilisateurs, c'est-à-dire à des gens qui utilisent une interface et sont donc sensibles à l'ergonomie et à l'usabilité. C'est là que l'aspect interactif de la créativité entre en compte souvent. Mais toutes ces contraintes doivent être appréhendées positivement. Je considère le Web comme un ensemble de ressources techniques. Nous avons des ressources à notre disposition (du code html, du javascript, du Flash...) qui sont des ressources créatives et non des contraintes, comme peuvent parfois le croire les annonceurs.

Et sur le plan culturel, il y a aussi des différences ?
Effectivement, les D.A. Web évoluent dans un ensemble de référents culturels qui résultent de l'histoire du Web. Il y a des critères et des codes esthétiques qui se sont construits autour de communautés de style, comme le portail Practika ou les nombreux sites anglo-saxons (australiens, américains...) et suédois. Et puis il y a des designers Web qui ont su se faire un nom parce qu'ils ont réalisé des interfaces en Flash ou ont une "patte" très spécifique. C'est par exemple le cas du français Arnaud Mercier. Ce sont des gens qui influencent énormément les critères esthétiques du Web design et qui font que les D.A. Internet ont réellement une culture très spécifique, bien différente de la culture publicitaire qui est partagée plus largement. Je ne suis pas persuadé que la pub TV et l'affichage ont su constituer une culture réellement propre à leur média comme le Web l'a fait. Mais l'objectif n'est pas de cloisonner le Web et de le tenir séparé de la culture publicitaire. Il faut des espaces de perméabilité. Le Web doit s'inspirer d'autres supports et inversement.

Malgré cette culture spécifique, la créativité publicitaire est souvent jugée de qualité médiocre en France. Comment interprétez-vous cette situation ?
Je ne pense pas que le problème vienne des directeurs artistiques Web. Selon moi, la raison principale de la relative médiocrité de la création publicitaire en ligne aujourd'hui, c'est le manque de confiance des annonceurs. Ils ne font pas suffisamment confiance aux D.A. interactifs et ont donc des ambitions créatives très minorées. C'est peut-être lié à la conjoncture économique ou au fait que les agences ont produit des modèles plus ou moins crédibles mais je crois que la qualité des créations ne peut que s'améliorer si les annonceurs font davantage confiance aux D.A. Web. Les annonceurs ont souvent peur de perdre la main sur la conception du projet, et cela donne une façon de travailler très "transactionnelle", où le D.A. doit toujours négocier pour que des modifications ne corrompent pas la qualité graphique du graphique.

Quelles sont les solutions face à une telle situation ?
Il faudrait, d'une part, que les annonceurs comprennent qu'il y a un juste milieu entre de la créativité à tout prix et la duplication pure et simple de pubs offline. L'e-pub doit trouver une cohérence avec les autres supports. La transposition intelligente de campagnes existant par ailleurs, c'est-à-dire leur adaptation aux référents visuels du Web, à sa culture, à son public, me semble être une solution. D'autre part, cela doit passer par une fédération des directeurs artistiques interactifs afin qu'ils soient reconnus. C'est ce que nous essayons de faire via DirecteurArtistique.net. Les D.A. Web ont trop souvent tendance à s'effacer derrière leurs créations et ce manque de visibilité est néfaste pour notre métier. Si les annonceurs peuvent mettre des visages sur des noms, alors ils auront une plus grande confiance en notre travail.

Comment expliquez-vous la différence de créativité de l'e-pub française par rapport à d'autres pays ?
Elle est difficile à expliquer. Je crois que la France manque un peu de maturité en matière de communication en ligne car elle s'y est mise un peu plus tard que d'autres pays. Cela peut aussi s'expliquer par la présence en France de grands groupes de communication traditionnelle qui ont essayé de truster ce marché. Cela s'est souvent soldé par un échec mais, entre temps, leur manque de culture Web n'a pas permis au secteur de se développer en matière de créativité. Enfin, le fait que les annonceurs arrivent avec des idées préconçues et veuillent les imposer n'a rien arrangé.

Le fait que les budgets e-pub soient particulièrement bas n'a pas eu d'influence ?
Pour un directeur artistique, cela ne change rien que le budget soit gros ou petit. Nous ne fonctionnons pas sur ce critère. Mais cela a forcément une influence puisque le reste des équipes de l'agence a ce critère en tête. Si le budget est petit, l'agence va forcément vouloir que le projet soit réalisé rapidement pour passer à autre chose. Donc si le D.A. a moins de temps, la créativité va s'en ressentir. Et puis les contraintes économiques actuelles font que la prise de risque créatif est souvent mal perçue par le reste des équipes. Cela explique aussi le fait que souvent une plus grande créativité émane des freelances. En conclusion, je dirais que la créativité est à la hauteur de l'investissement que font les annonceurs.

Et les contraintes techniques ?
Les dimensions des bannières, le poids restreint, etc. ont forcément une influence sur les créations mais la créativité doit justement arriver à ses sortir de ces contraintes, c'est sa spécificité. Les directeurs artistiques du "offline" sont eux aussi confrontés à des contraintes : les formats, les coûts de production, etc. Cela ne les empêche pas pour autant d 'être créatif. Au contraire, on constate bien souvent que plus les contraintes sont grandes, plus le design est créatif.

En tant que directeur artistique, où allez-vous puiser l'inspiration pour créations ?
Je crois que l'important est de ne pas se cantonner au Web. L'observation de l'ensemble des supports créatifs est importante. Sur Internet, il faut prendre garde à ne pas se contenter de décalquer les designers les plus créatifs. En France, ceux qui ont le plus d'influence sont des personnes comme Arnaud Mercier, Aurore Bourdier, Muriel Roulleaux, Alric Nicol, Julien Moulin ou encore Damien Mélich.

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Pouvez-vous nous citer quelques sites qui relaient la créativité publicitaire en ligne ?
Les sites que je consulte régulièrement ont une vocation nformative, ils fournissent la "matière brute" en terme de tendances. Il s'agit de designiskinky.net, australianinfront.com.au, computerlove.net, lelab.net, k10k.net, swedezine.net, ou encore linkdup.com.

 
Propos recueillis par Florence Santrot

PARCOURS
 
Benoît Drouillat a commencé par écrire pour un webzine puis a peu à peu acquis des compétences en matière de webdesign au fil de ses différentes activités dans les web agencies. Il est aujourd'hui directeur artistique pour l'agence interactive Baobaz. Auparavant, il a collaboré avec Business Lab, CPP et Himalaya.

   
 
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