JDNet.
Vous revendiquez une position atypique sur le secteur
des web agencies... Quel est-elle ?
Bruno Walther.
La société a été fondée
à la fin de la bulle Internet et sur un modèle
différent de nos compétiteurs, c'est-à-dire
que nous avons créé l'Enchanteur en fonds
propres (investissement de 50.000 francs avec un objectif
de rentabilité à trois mois). Nous nous
sommes tout de suite positionnés en tant qu'artisans
de luxe. Alors qu'à l'époque les acteurs
voulaient grossir très vite et cherchaient à
tout prix à rentrer des références
quoi qu'il advienne, nous avons opté pour une
croissance volontairement maîtrisée pour
avoir une qualité de ressources humaines toujours
optimum. Aujourd'hui, ce positionnement nous réussit
: sur le premier semestre, nous avons une marge brute
de près d'un million d'euros et un résultat
d'exploitation de 150.000 euros, soit une rentabilité
de près de 16%. C'est plutôt bien sur le
secteur !
Qui
sont vos clients ?
Nous travaillons essentiellement
pour des grands comptes du secteur traditionnel :
nous avons réalisé le site e1789.com pour
Accenture, nous travaillons aussi pour Bledina, Lafarge
(Batirenover.com), le groupe Eugène Perma, UCB,
pour le CEDUS, organisme qui gère les publicités
autour du sucre, etc. Et puis nous avons un pôle
service public que nous tentons de développer.
Parmi nos clients, nous comptons des villes comme Chartres
ou des conseils généraux comme celui de
l'Ardèche...
Avez-vous
choisi de vous spécialiser dans la réalisation
de sites corporate ou vitrine pour des acteurs traditionnels?
Nous n'avons aucun parti pris !
Nous sommes vraiment centrés sur du conseil stratégique,
donc nous nous adaptons à la maturité
du marché. Aujourd'hui, réaliser des sites
e-business a très peu de sens parce que les gens
n'achètent pas. Nous utilisons donc pour l'instant
la principale valeur ajoutée d'Internet, c'est-à-dire
son statut de très fort outil de communication,
de gestion de la relation-client. Nous avons effectivement
tendance à freiner nos clients sur des expérimentations
e-business coûteuses, ce qui permet d'obtenir
en général un retour sur investissement
en douze mois. Mais quand le marché sera prêt,
il est évident que nous proposerons à
nos clients de passer au e-business. C'est justement
l'intérêt d'avoir des clients "traditionnels" :
ils nous laissent plus de temps et ils ont conscience
d'avoir beaucoup de choses à apprendre.
De
quelle manière recrutez-vous vos clients ?
Vous participez à des appels d'offre ?
Nous
nous basons principalement sur le bouche-à-oreille.
Nous avons arrêté de faire de la prospection
car cela ne donnait rien, donc maintenant nous laissons
venir. Il nous arrive aussi de répondre à
des appels d'offre mais nous choisissons avec application
nos compétitions. Dans ce cas, dès que
nous sentons une opportunité, nous mettons le
paquet sur le conseil stratégique. C'est notre
manière de nous démarquer de nos concurrents
et de séduire le prospect, car nous pratiquons
souvent des tarifs supérieurs aux grosses agences.
La vraie réussite est d'accompagner des clients
qui vont doubler leur budget Internet tous les ans,
ce n'est pas de brader ses prix pour gagner un projet
puis de facturer des suppléments pour rentrer
dans ses frais.
Combien
possédez-vous de clients aujourd'hui ?
Nous
en avons une quarantaine depuis nos deux années
d'activité et nous gérons en permanence
une douzaine de projets en même temps. Il est
clair qu'aujourd'hui c'est beaucoup plus difficile de
gagner de nouveaux clients. Nous sommes sur un marché
assez paradoxal : les gens ont mis beaucoup d'argent
sur Internet au moment où il n'y avait pas d'internautes.
Maintenant qu'il y en a beaucoup, ils ne mettent plus
d'argent.En 2000, nous avions plusieurs propositions
par semaine, puis en 2001, nous avons assisté
à une raréfaction des projets. Mais comme
nous sommes une petite agence (dix-huit personnes aujourd'hui,
bien moins en 2001), nous avons passé l'année
sans trop de casse. Le montant des projets n'a pas baissé
mais ce sont des projets beaucoup plus classiques qu'en
2000 : des sites vitrines, des opérations
de communication et de marketing, etc. Aujourd'hui,
le montant moyen par projet est d'environ 100.000 euros
(150.000 euros pour des campagnes de communication).
Comment
évoluent les relations avec vos clients au fil
du temps ?
Arnaud Dassier.
Nous
avons constaté un cycle de
deux ans avec nos clients : aujourd'hui nous faisons
une nouvelle version des sites que nous avions créés
en 2000. Entre
temps, certains sont restés en sommeil, nous
ne faisions plus que de l'hébergement pour leur
compte et puis ils reviennent vers nous. Le rythme,
c'est donc un client actif pendant un an, une année
de pause et puis à nouveau une transformation
du site en profondeur. Dans l'intervalle, nous ne faisons
pas de maintenance. Le contrat moral avec nos clients
est de faire en sorte qu'ils puissent nous quitter du
jour au lendemain sans difficulté. Quand un site
est terminé, nous leur donnons toutes les clés
pour le gérer eux-mêmes. 100% des sites
sont dynamiques et en open source, la mise à
jour est assez simple. Il n'y aurait aucune valeur ajoutée
selon nous à leur facturer la correction des
fautes d'orthographe ou la mise en ligne d'une image.
En revanche, nous leur proposons régulièrement
de nouvelles idées de développement du
site. L'idée est que le budget qu'il ne va pas
mettre dans le changement d'un bouton, il pourra l'investir
dans le développement.
Quelles
sont les prestations que vous leur proposez ?
Bruno Walther.
Aujourd'hui,
nous avons deux pieds : production de sites web
et agence de publicité online (conseil en média
planning, achat d'espace et réalisation de campagnes).
75 % de nos revenus proviennent encore de la création
de sites mais l'activité pub est en forte progression.
Les gens ont compris qu'il ne suffit pas de créer
un site, il faut aussi faire venir les gens dessus.
La problématique de l'augmentation du trafic
se pose de plus en plus.
Comment
voyez-vous l'évolution du marché sur la
seconde partie de l'année ?
Bruno Walther.
Pire
qu'au premier semestre, en toute objectivité.
L'année 2001 était dure dans le sens où
il y avait moins de projets, l'année 2002 sera
pire : les agences publient des résultats
avec 30-40 % de produits en moins. Nous le voyons avec
le niveau de compétition qui augmente en permanence
et l'agressivité d'un certain nombre de concurrents.
Le marché n'est pas encore apuré car il
a une particularité : les prestataires ont
levé beaucoup d'argent quand c'était encore
possible, donc la rationnalité du système
capitaliste ne s'applique plus. Normalement, vous avez
une destruction des éléments parasitaires
qui se fait assez rapidement. Mais comme ces structures
ont levé beaucoup d'argent et qu'elles ont réduit
drastiquement leurs coûts en 2001, elles mettent
très longtemps à mourir. Il faut attendre
que 60 à 70% des acteurs de service encore présents
déposent le bilan pour qu'on ait une vraie visibilité
sur le marché. Selon moi, cela ne sera pas avant
septembre 2003.
Et
concernant plus particulièrement l'Enchanteur
des nouveaux médias ?
Bruno Walther.
Nous
sommes au point mort depuis le 15 avril 2002, donc maintenant
tout ce que nous rentrons, c'est de la croissance et
de la marge. Nous tablons sur 2 millions d'euros de
marge brute mais, comme je vous le disais, nous prévoyons
de gros développements pour septembre 2003.
Quels
sont vos sites préférés ?
Bruno Walther. Citéfutee.com,
le site de la RATP pour aller d'un point A à
une point B. Et j'essaie de visiter chaque jour un ou
deux sites insolites choisis au hasard sur Google. Soit
je fais la roulette russe de Google, soit je vais dans
le répertoire "insolite" du moteur
de recherche en .com et j'en choisis un dans la liste
proposée.
Arnaud Dassier. Pour
moi, c'est Voyages-sncf.com
et le site de ma banque. Je suis plutôt du genre
"utilisateur de base de l'Internet."
Quel
est votre dernier achat en ligne ?
Bruno Walther.
Un
livre de Philippe Roger sur une analyse sémiotique
de l'anti-américanisme.
Arnaud Dassier.
Et
nous avons acheté un cadeau sur Eveiletjeux.com
pour un de nos collaborateurs qui vient d'être
papa. Sinon, nous achetons très souvent des bouquets
de fleurs pour nos clients
quand nous sommes en retard à un rendez-vous.
Pouvez-vous
nous parler de votre première expérience
sur Internet ?
Bruno Walther.
Moi
j'ai commencé sur les BBS [NDLR : les Bulletin
board system, ancêtres des forums de discussion].
C'était sur le BBS GreenNet en 1992. Je faisais
alors partie de Génération Ecologie et
GreenNet nous permettait d'avoir en temps réel
les comptes-rendus du sommet de Rio sur le réchauffement
de la planète. Et puis j'ai travaillé
en 1995 avec Pierre Bellanger, le fondateur de Skyrock,
qui était secrétaire général
de Génération Ecologie. A l'époque,
il avait créé un bouquet de services en
ligne qui s'appelait "France en ligne" et
qui est l'ancêtre de Wanadoo.
Arnaud Dassier.
Moi
j'ai découvert Internet fin 1994-début
1995 grâce à quelqu'un qui était
venu faire une présentation au ministère
des Entreprises (à l'époque, je travaillais
au cabinet d'Alain Madelin). J'ai eu du mal à
comprendre car il s'agissait d'une simple présentation
théorique mais Alain Madelin, qui est assez féru
des progrès technologiques, était vaguement
au courant. Nous avons donc regardé ce que nous
pouvions faire dans ce domaine et je pense que nous
avons été la première organisation
politique (Idées-Action), avec le Front National qui
était aussi en avance sur le sujet, à
faire un site Web.
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