INTERVIEW
 
Directeurs associés
L'Enchanteur des nouveaux médias
Bruno Walther et Arnaud Dassier
"Titre"
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L'Enchanteur des nouveaux médias affirme se distinguer de ses concurrents par son approche du métier et refuser de se plier aux pratqiues devenues courantes du dumping pour gagner de nouveaux clients. La société annonce avoir dégagé une marge brute d'environ 940.000 euros au premier semestre et avance une rentabilité située entre 14 et 16%, à l'heure où la plupart des agences interactives doivent se contenter de limiter les pertes. Les deux fondateurs de l'Enchanteur expliquent leur stratégie.
25 septembre 2002
 
          

JDNet. Vous revendiquez une position atypique sur le secteur des web agencies... Quel est-elle ?
Bruno Walther. La société a été fondée à la fin de la bulle Internet et sur un modèle différent de nos compétiteurs, c'est-à-dire que nous avons créé l'Enchanteur en fonds propres (investissement de 50.000 francs avec un objectif de rentabilité à trois mois). Nous nous sommes tout de suite positionnés en tant qu'artisans de luxe. Alors qu'à l'époque les acteurs voulaient grossir très vite et cherchaient à tout prix à rentrer des références quoi qu'il advienne, nous avons opté pour une croissance volontairement maîtrisée pour avoir une qualité de ressources humaines toujours optimum. Aujourd'hui, ce positionnement nous réussit : sur le premier semestre, nous avons une marge brute de près d'un million d'euros et un résultat d'exploitation de 150.000 euros, soit une rentabilité de près de 16%. C'est plutôt bien sur le secteur !

Qui sont vos clients ?

Nous travaillons essentiellement pour des grands comptes du secteur traditionnel : nous avons réalisé le site e1789.com pour Accenture, nous travaillons aussi pour Bledina, Lafarge (Batirenover.com), le groupe Eugène Perma, UCB, pour le CEDUS, organisme qui gère les publicités autour du sucre, etc. Et puis nous avons un pôle service public que nous tentons de développer. Parmi nos clients, nous comptons des villes comme Chartres ou des conseils généraux comme celui de l'Ardèche...

Avez-vous choisi de vous spécialiser dans la réalisation de sites corporate ou vitrine pour des acteurs traditionnels?
Nous n'avons aucun parti pris ! Nous sommes vraiment centrés sur du conseil stratégique, donc nous nous adaptons à la maturité du marché. Aujourd'hui, réaliser des sites e-business a très peu de sens parce que les gens n'achètent pas. Nous utilisons donc pour l'instant la principale valeur ajoutée d'Internet, c'est-à-dire son statut de très fort outil de communication, de gestion de la relation-client. Nous avons effectivement tendance à freiner nos clients sur des expérimentations e-business coûteuses, ce qui permet d'obtenir en général un retour sur investissement en douze mois. Mais quand le marché sera prêt, il est évident que nous proposerons à nos clients de passer au e-business. C'est justement l'intérêt d'avoir des clients "traditionnels" : ils nous laissent plus de temps et ils ont conscience d'avoir beaucoup de choses à apprendre.

De quelle manière recrutez-vous vos clients ? Vous participez à des appels d'offre ?
Nous nous basons principalement sur le bouche-à-oreille. Nous avons arrêté de faire de la prospection car cela ne donnait rien, donc maintenant nous laissons venir. Il nous arrive aussi de répondre à des appels d'offre mais nous choisissons avec application nos compétitions. Dans ce cas, dès que nous sentons une opportunité, nous mettons le paquet sur le conseil stratégique. C'est notre manière de nous démarquer de nos concurrents et de séduire le prospect, car nous pratiquons souvent des tarifs supérieurs aux grosses agences. La vraie réussite est d'accompagner des clients qui vont doubler leur budget Internet tous les ans, ce n'est pas de brader ses prix pour gagner un projet puis de facturer des suppléments pour rentrer dans ses frais.

Combien possédez-vous de clients aujourd'hui ?
Nous en avons une quarantaine depuis nos deux années d'activité et nous gérons en permanence une douzaine de projets en même temps. Il est clair qu'aujourd'hui c'est beaucoup plus difficile de gagner de nouveaux clients. Nous sommes sur un marché assez paradoxal : les gens ont mis beaucoup d'argent sur Internet au moment où il n'y avait pas d'internautes. Maintenant qu'il y en a beaucoup, ils ne mettent plus d'argent.En 2000, nous avions plusieurs propositions par semaine, puis en 2001, nous avons assisté à une raréfaction des projets. Mais comme nous sommes une petite agence (dix-huit personnes aujourd'hui, bien moins en 2001), nous avons passé l'année sans trop de casse. Le montant des projets n'a pas baissé mais ce sont des projets beaucoup plus classiques qu'en 2000 : des sites vitrines, des opérations de communication et de marketing, etc. Aujourd'hui, le montant moyen par projet est d'environ 100.000 euros (150.000 euros pour des campagnes de communication).

Comment évoluent les relations avec vos clients au fil du temps ?
Arnaud Dassier. Nous avons constaté un cycle de deux ans avec nos clients : aujourd'hui nous faisons une nouvelle version des sites que nous avions créés en 2000. Entre temps, certains sont restés en sommeil, nous ne faisions plus que de l'hébergement pour leur compte et puis ils reviennent vers nous. Le rythme, c'est donc un client actif pendant un an, une année de pause et puis à nouveau une transformation du site en profondeur. Dans l'intervalle, nous ne faisons pas de maintenance. Le contrat moral avec nos clients est de faire en sorte qu'ils puissent nous quitter du jour au lendemain sans difficulté. Quand un site est terminé, nous leur donnons toutes les clés pour le gérer eux-mêmes. 100% des sites sont dynamiques et en open source, la mise à jour est assez simple. Il n'y aurait aucune valeur ajoutée selon nous à leur facturer la correction des fautes d'orthographe ou la mise en ligne d'une image. En revanche, nous leur proposons régulièrement de nouvelles idées de développement du site. L'idée est que le budget qu'il ne va pas mettre dans le changement d'un bouton, il pourra l'investir dans le développement.

Quelles sont les prestations que vous leur proposez ?
Bruno Walther. Aujourd'hui, nous avons deux pieds : production de sites web et agence de publicité online (conseil en média planning, achat d'espace et réalisation de campagnes). 75 % de nos revenus proviennent encore de la création de sites mais l'activité pub est en forte progression. Les gens ont compris qu'il ne suffit pas de créer un site, il faut aussi faire venir les gens dessus. La problématique de l'augmentation du trafic se pose de plus en plus.

Comment voyez-vous l'évolution du marché sur la seconde partie de l'année ?
Bruno Walther. Pire qu'au premier semestre, en toute objectivité. L'année 2001 était dure dans le sens où il y avait moins de projets, l'année 2002 sera pire : les agences publient des résultats avec 30-40 % de produits en moins. Nous le voyons avec le niveau de compétition qui augmente en permanence et l'agressivité d'un certain nombre de concurrents. Le marché n'est pas encore apuré car il a une particularité : les prestataires ont levé beaucoup d'argent quand c'était encore possible, donc la rationnalité du système capitaliste ne s'applique plus. Normalement, vous avez une destruction des éléments parasitaires qui se fait assez rapidement. Mais comme ces structures ont levé beaucoup d'argent et qu'elles ont réduit drastiquement leurs coûts en 2001, elles mettent très longtemps à mourir. Il faut attendre que 60 à 70% des acteurs de service encore présents déposent le bilan pour qu'on ait une vraie visibilité sur le marché. Selon moi, cela ne sera pas avant septembre 2003.

Et concernant plus particulièrement l'Enchanteur des nouveaux médias ?
Bruno Walther. Nous sommes au point mort depuis le 15 avril 2002, donc maintenant tout ce que nous rentrons, c'est de la croissance et de la marge. Nous tablons sur 2 millions d'euros de marge brute mais, comme je vous le disais, nous prévoyons de gros développements pour septembre 2003.

Quels sont vos sites préférés ?
Bruno Walther. Citéfutee.com, le site de la RATP pour aller d'un point A à une point B. Et j'essaie de visiter chaque jour un ou deux sites insolites choisis au hasard sur Google. Soit je fais la roulette russe de Google, soit je vais dans le répertoire "insolite" du moteur de recherche en .com et j'en choisis un dans la liste proposée.
Arnaud Dassier. Pour moi, c'est Voyages-sncf.com et le site de ma banque. Je suis plutôt du genre "utilisateur de base de l'Internet."

Quel est votre dernier achat en ligne ?
Bruno Walther. Un livre de Philippe Roger sur une analyse sémiotique de l'anti-américanisme.
Arnaud Dassier. Et nous avons acheté un cadeau sur Eveiletjeux.com pour un de nos collaborateurs qui vient d'être papa. Sinon, nous achetons très souvent des bouquets de fleurs pour nos clients quand nous sommes en retard à un rendez-vous.

Pouvez-vous nous parler de votre première expérience sur Internet ?
Bruno Walther. Moi j'ai commencé sur les BBS [NDLR : les Bulletin board system, ancêtres des forums de discussion]. C'était sur le BBS GreenNet en 1992. Je faisais alors partie de Génération Ecologie et GreenNet nous permettait d'avoir en temps réel les comptes-rendus du sommet de Rio sur le réchauffement de la planète. Et puis j'ai travaillé en 1995 avec Pierre Bellanger, le fondateur de Skyrock, qui était secrétaire général de Génération Ecologie. A l'époque, il avait créé un bouquet de services en ligne qui s'appelait "France en ligne" et qui est l'ancêtre de Wanadoo.
Arnaud Dassier. Moi j'ai découvert Internet fin 1994-début 1995 grâce à quelqu'un qui était venu faire une présentation au ministère des Entreprises (à l'époque, je travaillais au cabinet d'Alain Madelin). J'ai eu du mal à comprendre car il s'agissait d'une simple présentation théorique mais Alain Madelin, qui est assez féru des progrès technologiques, était vaguement au courant. Nous avons donc regardé ce que nous pouvions faire dans ce domaine et je pense que nous avons été la première organisation politique (Idées-Action), avec le Front National qui était aussi en avance sur le sujet, à faire un site Web.

 
Propos recueillis par Florence Santrot

PARCOURS
 
Voir les parcours d'Arnaud Dassier et de Bruno Walther sur leur fiche du carnet des managers du JDNet.

   
 
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