Fondé
en 1995 par six jeunes Suédois passionnés de multimédia,
Spray est rapidement
devenu le premier site portail communautaire (500.000 membres),
deuxième portail généraliste (800.000 visiteurs
uniques par mois) et deuxième fournisseur d'accès
à Internet gratuit en Suède avec 400.000 abonnés.
Spray compte désormais 1.700 personnes dans le monde depuis
l'acquisition en 1998 de l'agence américaine Razorfish
. Après l'Allemagne, la Norvège et avant l'Europe
du Sud, Spray s'implante en France avec l'ambition de devenir
l'un des premiers sites communautaires et un acteur majeur du
Net. Avec comme credo, "Un coup de frais sur le Net",
les responsables français promettent des choses inédites,
et surtout une nouvelle approche du Net.
Propos recueillis par Benoît Grange le 26
octobre 1999 .
JDNet
: Comment
s'est effectuée la rencontre entre vous deux pour implanter
Spray en France?
Thomas Fellbom : Notre rencontre a eu lieu en février
dernier au moment où Spray a décidé d'analyser
le marché français pour une éventuelle implantation.
A cette époque-là, j'étais au Centre suédois
du commerce extérieur et nous avons commencé à
étudier la question. Nous étions déjà
en contact avec Laurent de part ses responsabilités au
Commissariat au Plan sur d'autres dossiers Internet.
Laurent Sorbier : Entre organismes publics, nous
sommes amenés à nous rencontrer régulièrement
pour étudier certaines questions.
Les
Français ne sont pas très familiers avec les acteurs
suédois du Net. Présentez-nous le groupe Spray...
TF: Le groupe Spray a démarré en 1995 avec
six jeunes fondateurs. Aujourd'hui, il y a plusieurs activités
au sein de Spray Ventures (maison mère, NDLR): une
activité grand public, c'est la nôtre à Spray
France, une autre en conseil en stratégie Internet qui
passe par le réseau de Razorfish dont Spray Ventures est
l'actionnaire principal et une troisième qu'on peut appeler
"média" avec des journaux online et offline.
LS: Il faut aussi rappeler que Razorfish, dont la capitalisation
au Nasdaq avoisinne 1,4 milliard de dollars, a récemment
acquis I-Cube,
une société de conseil spécialisée
dans le commerce électronique. En Norvège, Spray
a procédé au rachat de l'un des principaux portails
média, Nettavisen,
qui a la particularité d'avoir une audience égale
à la télévision ou à la radio. Pour
preuve, lorsque le ministre de l'Economie a présenté
il y a quelques semaine la loi de finances, il a été
au "20 heures" puis directement sur le site pour participer
à un chat avec les internautes. En Norvège, il y
a donc Spray.no et Nettavisen.no. En Allemagne, le site de Spray
vient de démarrer et nous sommes également fournisseur
d'accès. En Italie, Spray vient de racheter un site portail
très populaire, Clarence.com
et doit s'implanter courant décembre. Dans chaque pays,
nous ouvrons un site portail communautaire et devenons fournisseur
d'accès à Internet. Le reste de l'Europe est prévu
courant 2000 avec le Bénélux, le Portugal et l'Espagne.
Spray affiche une stratégie de leader européen,
même si dans certains pays comme la Grande-Bretagne, le
marché est presque saturé avec tous les acteurs
américains. Mais le projet est en cours.
Quels
sont les fondements de la réussite de Spray en Suède?
LS: Spray "dédramatise" de manière
exceptionnelle l'Internet pour le grand public. C'est à
dire que nous avons su toucher un public qui n'était pas
sensibilisé à cet outil en proposant une offre d'accès
facile à maîtriser. Il faut rappeler que Spray est
arrivé à s'implanter sur un marché extrêmement
mûr. La situation en 1997 en Suède est équivalente
à celle de la France aujourd'hui. Deuxièmement,
c'est d'avoir su gérer de manière innovante et très
efficace la construction de communautés et de contenus
éditoriaux. Le savoir-faire de Spray réside dans
cette capacité à identifier les contenus éditoriaux
intéressants, à les développer et aussi à
donner à des gens qui partagent la même passion des
outils pour faire des choses ensemble. Enfin, c'est de proposer
des avantages, des idées créatives pour entretenir
cet esprit de club et de communauté qui dépasse
largement le online. Spray participe étroitement à
des activités événementielles. Par exemple,
notre espoir c'est de créer un esprit communautaire au
niveau européen. La clé de Spray, c'est l'association
d'un portail, de sous-sites communautaires et d'une offre d'accès
à Internet. Il y a un point d'entrée généraliste,
c'est le portail et ensuite des espaces de navigation spécialisés
avec des liens vers l'extérieur.
TF: Spray propose continuellement des offres ou des "deals"
pour les membres des communautés. Dernièrement en
Suède, Spray a loué cinq salles de cinéma
à la demande de ses membres. Comme type de service, c'est
pas courant ! Il y aura beaucoup d'échanges entre les membres
des communautés. Toutes ces choses peuvent exister sur
le Net français, mais de manière dispersée.
Notre atout, c'est de proposer une offre globale avec une priorité
au service. C'est cette approche qui va nous différencier
des autres sites français. Le mot "suède"
est synonyme de sérieux et de service pour les Français.
Spray apporte le côté ludique. On apporte une image
"fun" !
Etes-vous
autonomes par rapport à votre maison mère ?
TF: On a une très forte autonomie. Nous partons
d'un principe de développement très local. Si par
exemple la France développe quelque chose d'originale,
les autres sites locaux peuvent librement s'en inspirer. Nous
avons la capacité de développer localement le site,
au niveau ergonomique comme au niveau du contenu. Là encore,
nous marquons notre différence.
Différents
majors suédois du Net, comme Boxman ou Framfab avec le
rachat de WCube ont pris pied sur le marché français.
Cela a-t-il une incidence sur vos projets ?
LS: C'est intéressant seulement en termes de visibilité.
Il est clair que les pays scandinaves possèdent une avance
dans le domaine des NTIC par rapport à la France par exemple.
Maintenant, dans nos partenariats, nous sélectionnons ce
qui nous semble être le mieux pour nos membres. Pour les
offres d'emplois, nous avons sélectionné Jobline,
qui est d'origine suédoise, parce que c'est un très
bon site.
Qu'en
est-il de votre d'accès à Internet ?
LS: Avec notre partenaire télécom UUNET,
nous allons faire en sorte que l'offre d'accès soit simple
à utiliser. Notre hot line téléphonique portera
une assistance plus large par rapport à ce qui existe.
Pour se connecter, les personnes pourront trouver des CD-Roms
de connexion dans les magasins Ikéa, ceux d'Europcar et
le réseau des boutiques de parfums Marrionaud. On pourra
aussi le commander sur le site et par téléphone.
TF: L'activité fournisseur d'accès est un
service supplémentaire qu'on rend. Nous n'allons pas nous
battre pour être le plus gros provider. Notre but est de
proposer un service à valeur ajoutée et qui fonctionne
bien. Notre activité, c'est avant tout le portail communautaire.
Pour
atteindre l'objectif, être dans le "top 5" des
sites les plus populaires en France courant 2000, de quels moyens
disposez-vous ?
TF: Nous disposons des objets nécessaires pour arriver
à ces objectifs. En termes de marketing, nous avons un
budget de 13 millions de francs pour les trois prochains mois.
Au niveau du groupe, nous bénéficions du soutien
financier d'Investor, la plus grande holding industrielle en Suède
qui a investi 65 millions de dollars dans Spray. Notre équipe
compte déjà 20 personnes et, à terme, nous
serons une cinquantaine.
Quel
est votre "business model" en quelques mots?
LS: Spray ne se situe pas vraiment dans le modèle du portail
classique, car le site se fonde sur un concept nouveau. On combine
à la fois l'idée du portail vertical et le portail horizontal,
car nous visons la logique communautaire associée avec des services
portails. Au niveau des revenus de Spray, nous allons essayer
rapidement de rééquilibrer les revenus tirés de
l'e-commerce par rapport aux revenus publicitaires. Aujourd'hui,
les portails tirent 80% de leurs revenus de la publicité. Notre
objectif à moyen terme, c'est d'arriver à 50-50, en proposant
du service à nos membres reposant sur des offres e-commerce personnalisées.
Il n'y a qu'une manière d'y arriver, c'est d'une part appliquer
les "3 c": communauté, commerce, contenu de manière équilibrée,
et appliquer un quatrième facteur, à savoir le contexte. Il faut
que les offres d'e-commerce arrivent dans un contexte qui convient
à l'internaute, c'est à dire de ne pas proposer une publicité
de couche-culotte dans la communauté sport!.
Au
niveau des partenariats, où en êtes-vous?
LS: aujourd'hui, nous avons 13 "spots" (c'est à
dire une communauté, NDLR). La liste de ces communautés a
vocation à se multiplier à l'infini. Par exemple au sein
de la communauté sport, c'est créer une communauté "tennis".
Dans l'avenir proche, nous allons ouvrir des spots pour la communauté
"informatique et Internet", un autre pour les femmes
et un autre pour l'univers "fashion life style". Pour développer
ces spots, nous avons besoin de contenu, d'où l'appel à des sites
en pointe dans leur domaine. Nous somme capables de dire à nos
membres, "pour vous, le site le plus intéressant dans tel domaine,
c'est celui-ci", d'où l'exclusivité de certains partenariats dans
certains cas.
Pour
promouvoir le site, quelle est votre stratégie ?
TF: Nous allons faire de la publicité dans les médias classiques,
journaux, radio, cinéma et bien évidemment sur Internet jusqu'à
fin janvier. Pour la télévision, nous attendons début 2000. Nous
allons surtout multiplier des actions de marketing ciblées et
ponctuelles en se démarquant de la publicité traditionnelle. Par
exemple, nous allons parrainer les réunions de rollers à Paris.
La première est prévue pour le 7 novembre. Nous allons explorer
d'autres univers, comme ceux de la musique ou de la fête. L'objectif
est d'accumuler un capital de sympathie assez rapidement auprès
de la communauté des internautes français.
La
rentabilité est prévue pour quand ?
LS: Elle est prévue dans un temps pas très éloigné...
Vos
sites d'informations favoris ?
TF: Je consulte surtout des sites économiques, le plus
souvent, c'est le site de la
Tribune ou des Echos.
LS: Pour le professionnel, les sites dédiés à l'information
consacrée à Internet et aux nouvelles technologies, comme Red
Herring, SiliconValley.com. Pour le côté ludique, je consulte
des sites littéraires et des sites consacrés à l'actualité artistique.
Vous
achetez souvent des produits sur Internet ?
TF: Oui, des livres, des CD, mais pas jusqu'à acheter
un voiture sur Internet !
LS: J'aime bien préparer mes voyages sur Internet. Quand
je suis allé en Asie récemment, j'ai organisé la totalité
de mon séjour sur Internet, de l'achat de mes billets jusqu'à
la réservation de l'hôtel.
Qu'est-ce
qui vous plaît sur le Net ?
TF: C'est trouver la bonne information et pouvoir communiquer
rapidement
LS: Dans Internet, j'aime bien l'aspect nouveau média.
C'est un lieu d'expérimentation de nouvelles formes de rédaction
et de ton. C'est un lieu de convergence entre plusieurs médias.
On voit émerger plein de choses expérimentales vraiment passionnantes.
A
l'inverse, que déteste-vous sur le Net ?
LS: Si on se situe dans une logique média, ce qui est agaçant,
c'est quand l'information est mal organisée, quand l'architecture
du site est mal fichue ou quand j'ai le sentiment de tourner en
rond. Ce qui énervant aussi, c'est d'être exposé à plein de messages
publicitaires qui ne me concernent pas. D'où l'importance du contexte
!
Thomas Fellbom, 36 ans, d'origine suédoise est titulaire
d'un MBA de la Stockholm School of Economics. Après avoir
été manager de la filiale française du groupe
Intro Scandinavia, il rejoint en 1990 le bureau français
de la Swedish Trade Commissionner (STC), d'abord comme consultant
sur les technologies liées à l'environnement puis
comme responsable du département Internet et télécoms
et enfin comme directeur. Depuis 1997, il était responsable
d'une zone STC de sept pays et à la tête d'une équipe
de 60 personnes.
Laurent
Sorbier, 32 ans, normalien, IEP Paris, DEA de droit public, a
été professeur-assistant à l'université
Kings College (University of London), chargé de mission
pour le Livre aux services culturels de l'ambassade de France
à New York, puis chargé de mission au cabinet du
ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications
et à l'Espace. Ces deux dernières années,
il était chargé de mission pour les nouvelles technologies
de l'information au Commissariat général au Plan.
En parallèle, il enseigne, comme maître de conférence,
les enjeux des NTIC à l'IEP de Paris.
www.spray.fr en chiffres :
Date
de création
|
septembre
1999
|
Fréquentation (objectifs)
|
50 millions de pages vues et être dans le TOP 5 français
|
Partenariats
|
AFP, CPR-E*Trade, Magique-Emilie,
Allociné, Jobline, Overgame, Marmiton, Autoneuve,
Tribeca 75, etc.
|
Effectifs |
21 personnes |
Régie |
HiMedia |