INTERVIEW
 
Directrice conseil
Burson Marsteller
Valérie Foulon
"Titre"
Burson-Marsteller est une agence de communication présente dans 35 pays au travers de 76 bureaux dans le monde. En France, la société, qui emploie 55 personnes, vient de lancer un nouveau produit de gestion de crise destiné à Internet et baptisé RappelProduit.com. Valérie Foulon, directrice conseil de l'agence, explique la finalité de ce produit et fait le point sur les nouvelles pistes qu'ouvre Internet dans la communication de crise.07 décembre 2001
 
          

JDNet. Pourquoi avoir créé RappelProduit.com et comment cela fonctionne-t-il ?
Valérie Foulon. Le jour où une entreprise est confrontée à une situation de crise, comme le rappel d'un produit litigieux, elle n'a pas forcément toute latitude pour créer dans l'urgence un site d'information complet. Nous avons donc conçu avec la web-agency Orange Art, une architecture standard de site de communication de crise vendue clé en main à l'entreprise et accessible pour le consommateur à partir de Rappelproduit.com. Le site est fabriqué aux couleurs de l'entreprise et est prêt à recevoir les informations spécifiques à une opération de rappel ou de retrait de produits. Il intègre des espaces photos pour la visualisation des packagings et des numéros de lots concernés ou un ensemble de questions-réponses relatives aux produits. L'abonnement coûte 5.000 euros. Ce site caché, que nous gérons, ne rentrera en activité qu'en cas de crise et ce, 365 jours par an, 24 heures sur 24. Si deux entreprises se trouvent dans la même situation au même moment, RappelProduit.com orientera l'internaute sur le site destiné au rappel du produit concerné. Evidemment ce dispositif doit s'intégrer dans une politique plus globale de gestion de crise. Les entreprises devront ainsi faire connaître le site via des campagnes de communication sur d'autres médias.

En quoi Internet est-il utile pour le rappel d'un produit ?
Sur un rappel de produit, la première obligation est d'informer le plus massivement possible les consommateurs. Donc Internet est de fait devenu incontournable. Par ailleurs le Web permet de visualiser le produit, le numéro des lots ou les différents lieux où il a pu être acheté. Autant d'éléments qui ne sont pas forcément fournis à la télévision ou à la radio. Cette communication sur Internet ne se suffira pas à elle-même mais elle constituera un excellent complément. Au niveau des coûts, l'outil permet en outre de réduire sa facture de hotline. Les gens commencent à prendre l'habitude d'aller sur Internet pour consulter de l'information, ce qui désengorge considérablement les centres d'appels. En outre, contrairement à la hotline, un site est disponible 24 heures sur 24. Dans une logique de rappel de produits sur plusieurs pays, le gain est non négligeable.

Vous parlez d'informer le plus largement possible. Est-ce que l'information du public doit également passer par des messages envoyés sur les forums de discussion ?
C'est moins nécessaire dans le cas d'un rappel de produits. Car si le travail est bien fait, toutes les réponses aux questions doivent se trouver sur le site. Le forum permet plus de faire passer des idées ou des éclaircissements sur la politique de l'entreprise dans le cas d'une rumeur ou d'une attaque.

Est-ce que les entreprises considèrent désormais que l'Internet est prioritaire dans la gestion de crise ?
Pour l'instant il est clair que non. Hormis, peut-être, si elles sont attaquées par le canal Internet. On a d'ailleurs peu d'exemples d'entreprises qui ont utilisé massivement Internet pour leur communication de crise. Air France l'avait très bien utilisé au moment du crash du Concorde, notamment pour informer les familles des victimes. C'était une affaire internationale et Internet trouvait donc tout son sens. Mais je pense que l'utilisation d'internet dans la gestion de crise va devenir impérative pour les entreprises. Par opposition, les organisations non gouvernementales (ONG) ou les groupes de pression ont très vite franchi le pas et maîtrisent parfaitement le Web pour contester la politique des entreprises. Internet est également devenu un vecteur auprès des leaders d'opinions. Le Web est beaucoup consulté par les journalistes et ils vont souvent voir ce qui s'y passe lors du traitement d'une crise sociale. Donc, l'entreprise doit être présente sur Internet pour ne pas laisser le champ libre uniquement à ses opposants. Mais, vous savez, la communication de crise c'est un peu comme les accidents. C'est quand cela vous arrive que vous vous rendez compte du danger. L'affaire Danone a servi à donner quelques références en la matière.

Dans cette affaire, Danone a choisi d'attaquer le site JeboycotteDanone.com. N'était-ce pas une erreur ?Vous opteriez pour la même stratégie pour un client ?
Tout d'abord, sur Internet l'affaire Danone était la première de ce type en France avec, peut-être, celle de l'Erika. Il est donc difficile de juger a posteriori car il a fallu agir vite et sans repère. Pour ma part, je n'aurais pas choisi d'attaquer en justice ce site. J'aurais plutôt conseillé d'utiliser les forums du site Jeboycottedanone pour expliquer, arguments à l'appui, la politique du groupe. La vérité n'est jamais noire ou blanche et il est donc nécessaire de donner tous les éléments aux gens pour qu'ils se fassent leur opinion. En revanche "pourrir" un forum avec des insultes ou des arguments sans fondements, j'y suis opposé. D'une part parce que ce n'est guère démocratique, d'autre part parce que cela joue souvent contre l'entreprise et excite les opposants. Quant à savoir ce que nous préconisons dans ce domaine, il n'y a pas de règles. Par exemple, si l'entreprise met en place un contre-site mais que personne ne le cite dans la presse, cela ne sert à rien. C'est même contre-productif : cela peut mettre en lumière vos faiblesses. Mieux vaut aller débattre sur le site contestataire même si l'opposition est forte. Tout dépend du contexte.

Lors d'une rumeur ou d'un problème sur un produit, est-ce que vous conseillez de dépoussiérer le site officiel ou d'en créer un autre spécialement ?
Si c'est l'une des marques de l'entreprise qui est concernée et non le groupe en lui même, vous n'avez pas forcément intérêt à communiquer sur votre propre nom. Non pas parce que vous avez quelque chose à cacher, mais parce que l'information sera plus claire et n'embrouillera pas le consommateur. Cela évitera les amalgames. Le site différenciant est donc une bonne option dans ce cas. En revanche, si ce sont votre marque principale ou votre groupe qui sont touchés, il ne faut rien cacher et insister sur la mise à jour du site institutionnel. Plus vous êtes transparent, plus vous êtes efficace. C'est une règle. Ce qui ne pardonne pas, c'est le mensonge et la non-réactivité. Les consommateurs savent que l'entreprise peut faire des erreurs et sont plus conciliants avec celles qui s'expliquent

Beaucoup d'entreprises ont été confrontées à des rumeurs nées sur les forums de discussion. Est-ce que la communication de crise doit réagir sur Internet ou étendre sa réplique à d'autres médias ?
Le problème est que désormais une rumeur qui part sur Internet se retrouve souvent amplifiée par le simple fait d'être reprise par les médias traditionnels. De ce fait, elle touchera ensuite une population qui n'a pas forcément Internet et qui n'en aurait jamais eu connaissance. Vous êtes donc souvent obligés de sortir du champ Internet pour contrer la rumeur. En fait, plus la rumeur est grande, plus il faut donner de l'ampleur et utiliser d'autres médias. Car la contrecarrer uniquement sur Internet reste difficile. Pour l'instant, pour que l'information de l'entreprise soit crédible, et rassure le consommateur ou l'actionnaire, il faut qu'elle soit validée par un média traditionnel. Néanmoins, il existe déjà sur Internet un ou deux sites qui décortiquent les rumeurs et qui commencent à avoir une solide notoriété. Les entreprises doivent donc travailler avec eux en étant attentives à ce qu'ils font et en leur donnant des informations le cas échéant.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Valérie Foulon, 33 ans est diplômé de l'IEP de Toulouse, d'HEC en management de la communication et de l'IAE de Lille. Elle est également titulaire d'une licence de droit. Elle travaille depuis 1996 chez Burson Marsteller.

   
 
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