JDNet. Pourquoi avoir créé RappelProduit.com
et comment cela fonctionne-t-il ?
Valérie Foulon.
Le jour où
une entreprise est confrontée à une situation
de crise, comme le rappel d'un produit litigieux, elle
n'a pas forcément toute latitude pour créer
dans l'urgence un site d'information complet. Nous avons
donc conçu avec la web-agency Orange
Art, une architecture standard de site de communication
de crise vendue clé en main à l'entreprise
et accessible pour le consommateur à partir de
Rappelproduit.com. Le site est fabriqué aux couleurs
de l'entreprise et est prêt à recevoir les informations
spécifiques à une opération de rappel ou de retrait
de produits. Il intègre des espaces photos pour
la visualisation des packagings et des numéros de lots
concernés ou un ensemble de questions-réponses
relatives aux produits. L'abonnement coûte 5.000
euros. Ce site caché, que nous gérons,
ne rentrera en activité qu'en cas de crise et
ce, 365 jours par an, 24 heures sur 24. Si deux entreprises
se trouvent dans la même situation au même
moment, RappelProduit.com orientera l'internaute sur
le site destiné au rappel du produit concerné.
Evidemment ce dispositif doit s'intégrer dans
une politique plus globale de gestion de crise. Les
entreprises devront ainsi faire connaître le site
via des campagnes de communication sur d'autres médias.
En
quoi Internet est-il utile pour le rappel d'un produit
?
Sur
un rappel de produit, la première obligation
est d'informer le plus massivement possible les consommateurs.
Donc Internet est de fait devenu incontournable. Par
ailleurs le Web permet de visualiser le produit, le
numéro des lots ou les différents lieux
où il a pu être acheté. Autant d'éléments
qui ne sont pas forcément fournis à la
télévision ou à la radio. Cette
communication sur Internet ne se suffira pas à
elle-même mais elle constituera un excellent complément.
Au niveau des coûts, l'outil permet en outre de
réduire sa facture de hotline. Les gens commencent
à prendre l'habitude d'aller sur Internet pour
consulter de l'information, ce qui désengorge
considérablement les centres d'appels. En outre,
contrairement à la hotline, un site est disponible
24 heures sur 24. Dans une logique de rappel de produits
sur plusieurs pays, le gain est non négligeable.
Vous
parlez d'informer le plus largement possible. Est-ce
que l'information du public doit également passer
par des messages envoyés sur les forums de discussion ?
C'est
moins nécessaire dans le cas d'un rappel de produits.
Car si le travail est bien fait, toutes les réponses
aux questions doivent se trouver sur le site. Le forum
permet plus de faire passer des idées ou des
éclaircissements sur la politique de l'entreprise
dans le cas d'une rumeur ou d'une attaque.
Est-ce
que les entreprises considèrent désormais
que l'Internet est prioritaire dans la gestion de crise
?
Pour
l'instant il est clair que non. Hormis, peut-être,
si elles sont attaquées par le canal Internet.
On a d'ailleurs peu d'exemples d'entreprises qui ont
utilisé massivement Internet pour leur communication
de crise. Air France l'avait très bien utilisé
au moment du crash du Concorde, notamment pour informer
les familles des victimes. C'était une affaire
internationale et Internet trouvait donc tout son sens.
Mais je pense que l'utilisation d'internet dans la gestion
de crise va devenir impérative pour les entreprises.
Par opposition, les organisations non gouvernementales
(ONG) ou les groupes de pression ont très vite
franchi le pas et maîtrisent parfaitement le Web
pour contester la politique des entreprises.
Internet est également devenu un vecteur auprès
des leaders d'opinions.
Le Web est beaucoup consulté par les journalistes
et ils vont souvent voir ce qui s'y passe lors du traitement
d'une crise sociale. Donc, l'entreprise doit être
présente sur Internet pour ne pas laisser le
champ libre uniquement à ses opposants. Mais,
vous savez, la communication
de crise c'est un peu comme les accidents. C'est quand
cela vous arrive que vous vous rendez compte du danger.
L'affaire Danone a servi à donner quelques références
en la matière.
Dans
cette affaire, Danone a choisi d'attaquer le site JeboycotteDanone.com.
N'était-ce pas une erreur ?Vous opteriez
pour la même stratégie pour un client ?
Tout
d'abord, sur Internet l'affaire
Danone était la première de ce type en
France avec, peut-être, celle de l'Erika. Il est
donc difficile de juger a posteriori car il a fallu
agir vite et sans repère. Pour ma part, je n'aurais
pas choisi d'attaquer en justice ce site. J'aurais plutôt
conseillé d'utiliser les forums du site Jeboycottedanone
pour expliquer, arguments à l'appui, la politique
du groupe. La
vérité n'est jamais noire ou blanche et
il est donc nécessaire de donner tous les éléments
aux gens pour qu'ils se fassent leur opinion. En
revanche "pourrir" un forum avec des insultes
ou des arguments sans fondements, j'y suis opposé.
D'une
part parce que ce n'est guère démocratique,
d'autre part parce que cela joue souvent contre l'entreprise
et excite les opposants. Quant à savoir ce que
nous préconisons dans ce domaine, il n'y a pas
de règles. Par exemple, si l'entreprise met en
place un contre-site mais que personne ne le cite dans
la presse, cela ne sert à rien. C'est même
contre-productif : cela peut mettre en lumière
vos faiblesses. Mieux vaut aller débattre sur
le site contestataire même si l'opposition est
forte. Tout dépend du contexte.
Lors
d'une rumeur ou d'un problème sur un produit,
est-ce que vous conseillez de dépoussiérer
le site officiel ou d'en créer un autre spécialement
?
Si
c'est l'une des marques de l'entreprise qui est concernée
et non le groupe en lui même, vous n'avez pas
forcément intérêt à communiquer
sur votre propre nom. Non pas parce que vous avez quelque
chose à cacher, mais parce que l'information
sera plus claire et n'embrouillera pas le consommateur.
Cela évitera les amalgames. Le site différenciant
est donc une bonne option dans ce cas. En revanche,
si ce sont votre marque principale ou votre groupe qui
sont touchés, il ne faut rien cacher et insister
sur la mise à jour du site institutionnel. Plus
vous êtes transparent, plus vous êtes efficace.
C'est une règle. Ce qui ne pardonne pas, c'est
le mensonge et la non-réactivité. Les
consommateurs savent que l'entreprise peut faire des
erreurs et sont plus conciliants avec celles qui s'expliquent
Beaucoup
d'entreprises ont été confrontées
à des rumeurs nées sur les forums de discussion.
Est-ce que la communication de crise doit réagir
sur Internet ou étendre sa réplique à
d'autres médias ?
Le
problème est que désormais une rumeur
qui part sur Internet se retrouve souvent amplifiée
par le simple fait d'être reprise par les médias
traditionnels. De ce fait, elle touchera ensuite une
population qui n'a pas forcément Internet et
qui n'en aurait jamais eu connaissance. Vous êtes
donc souvent obligés de sortir du champ Internet
pour contrer la rumeur. En fait, plus
la rumeur est grande, plus il faut donner de l'ampleur
et utiliser d'autres médias. Car la contrecarrer
uniquement sur Internet reste difficile. Pour l'instant,
pour que l'information de l'entreprise soit crédible,
et rassure le consommateur ou l'actionnaire, il faut
qu'elle soit validée par un média traditionnel.
Néanmoins, il existe déjà sur Internet
un ou deux sites qui décortiquent les rumeurs
et qui commencent à avoir une solide notoriété.
Les entreprises doivent donc travailler avec eux en
étant attentives à ce qu'ils font et en
leur donnant des informations le cas échéant.
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