JDNet. Le marché français est-il suffisamment
vaste pour qu'un cablô-opérateur atteigne
la rentabilité ? Ne faut-il pas plutôt
réfléchir au niveau européen ?
François Guichard.
L'économie
d'un opérateur câble est d'abord locale,
parce que nous sommes opérateur de boucle locale.
Nous avons une énorme plaque en région
parisienne et son économie, sa commercialisation,
son marketing sont sur cette surface là. Il faut
arriver à mettre suffisamment de pression et
de gestion sur une zone qui est bien ciblée et
bien concentrée. Mais effectivement, cela a un
sens d'avoir une autre capacité d'achat. Négocier
au niveau européen des programme ou des équipements
permet de réaliser des économies qui ne
sont pas celles que nous pouvons faire si nous voulons
acheter 100.000 ou 500.000 modems alors que d'autres
les commandent par millions. Donc, oui, une structure
européenne, cela a un sens. Mais d'un point de
vue commercial et marketing, l'offre câble reste
quand même un produit très zoné
et c'est pourquoi nous restons concentrés au
niveau français pour l'instant.
Craignez-vous
le déploiement des câblo-opérateurs
américains en Europe et plus particulièrement
en France ?
Les
Américains sont déjà venus en France,
donc ce n'est pas une première. Je crois que
nous avons un marché qui est un peu spécifique.
Ceci dit, s'ils nous aident à réorganiser
et à unifier le marché, ils sont les bienvenus.
Où
en sont vos réflexions sur le concept "triple
play" (offre combinée TV, Internet et téléphone)
sur lequel se base le développement du câble
aux Etats-Unis ?
Nous
travaillons dessus. Cela fait partie de la reconstruction
que nous sommes en train de faire. Notre offre de télévision
numérique est maintenant en place et sur l'Internet,
nous venons de lancer notre nouvelle gamme illimitée
en accès temps et volume. Le troisième
élément est effectivement l'offre téléphone.
Nous voulons la faire sous protocole IP pour avoir un
standard qui fédère notre réseau.
Nous sommes aujourd'hui en phase de test et nous négocions
l'interconnexion avec France Telecom. Notre première
offre commerciale devrait être lancée à
horizon mi-2002.
Stratégiquement,
vous souhaitez uniquement être distributeur de
contenu. Vous n'envisagez pas d'alliance avec un éditeur ?
Notre
stratégie est effectivement de rester un distributeur,
c'est-à-dire que nous voulons proposer l'ensemble
des accès numériques.
En télévision, quand nous offrons l'ensemble
des chaînes, cela nous permet, en étant
un distributeur qui n'est pas éditeur et qui
n'a pas non plus de lien particulier avec un éditeur
de contenu, de proposer les chaînes de TPS, de
Canal, du groupe AB, du groupe TF1... Cette position
nous laisse toute liberté d'avoir l'offre la
plus exhaustive possible, pour que ce soit le client
qui fasse ses choix. Nous sommes dans la même
logique sur Internet. Si nous nous passions alliance
avec un Chello, par exemple, cela signifie que nous
verrouillerions nos clients sur une certaine ligne de
produits. Dans notre esprit, nous voulons offrir un
portail. C'est ensuite à l'internaute de voir
et d'aller où il veut. Notre stratégie
aujourd'hui est de maintenir cette liberté de
choix.
Quel
a été l'investissement réalisé
par Noos ?
Il
y a deux types d'investissements. Le premier consiste
à reprendre le réseau de France Telecom*,
qui a été mis en place à partir
de 1982. Il y a une partie des équipements qui
sont obsolètes et qu'il faut changer. Cela représente
un investissement de 1,2 milliard de francs jusqu'en
2003 pour à la fois moderniser l'architecture
réseau et installer la nouvelle norme DOCSIS
[NDLR : Data Over Cable Service Interface Specification,
norme créé en 1997], qui assure une
meilleure qualité dans la gestion des débits.
Notre second type d'investissement consiste à
construire de nouvelles zones où il n'y avait
pas le câble, c'est-à-dire au Nord, à
l'Est et un peu au Sud de Paris. Nous allons y créer
500.000 prises jusqu'en 2003, pour un investissement
de 2,2 milliards de francs.
Concernant
vos nouvelles offres illimitées en temps et en
volume, avez-vous envisagé un scénario
catastrophe avec d'énormes émissions de
données par utilisateur ?
Cette
question n'est plus problématique grâce
à DOCSIS. Nous savons maîtriser ce processus
car la nouvelle norme permet aux équipements
de gérer en temps réel les requêtes
de nos internautes abonnés. Chacun reçoit
un quota de bande, par opposition à l'ancienne
norme (CDLP), qui favorisait les premiers entrants et
pouvaient ainsi arriver rapidement à saturation.
De plus, nous avons constaté que les très
gros consommateurs, que nous appelons des résidentiels
"professionnels", ne représentent qu'un
nombre infime de clients. Le problème avec la
norme CDLP, c'est que 3 à 5% de nos utilisateurs
pouvaient prendre 80% de la bande. Ce n'est plus le
cas avec DOCSIS.
Justement,
comment évoluent vos relations avec Luccas, association
des abonnés du câble mécontents ?
Il
y a des hauts et des bas, un peu comme dans un couple.
Aujourd'hui, je crois que nous avons une réponse
positive par rapport à leur préoccupation,
qui est essentiellement celle de la facturation de l'upload.
Nous leur avons toujours dit que nous recherchions une
solution technique et qu'en dehors de cela, je maintiendrais
l'équité dans la répartition. Pour
les personnes déjà abonnées, nous
allons augmenter le 1er novembre prochain le plafond
limite d'upload à 500 mégaoctets pour
nos clients les plus anciens, sans changer la tarification
de leur abonnement. Puis nous allons généraliser
peu à peu et élever cette limite d'upload
à mesure que l'ensemble de notre réseau
sera mis aux normes DOCSIS, ce qui interviendra dans
le courant 2002. Donc, la réponse à leurs
revendications est là. Quelle va être leur
réponse? J'attends avec impatience.
*France
Telecom s'est désengagé de sa participation
(49,9%) de Noos en mai 2001. Suite à cela, le
câblo-opérateur a récupéré
la maîtrise de son réseau alors qu'auparavant,
Noos louaient une partie de ses réseaux à
France Telecom qui en conservait la maîtrise technique.
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