JDNet.
Quels sont les différents services que propose
GNX à ses clients ?
Cédric Guyot.
Aujourd'hui, GNX offre quatre services différents. Le
premier est un service d'enchères où nous proposons
un mix de technologie et de conseil. Nous ne faisons
pas d'enchères pour le compte de nos clients mais nous
leur offrons une plate-forme technologique accessible
en ligne et des services multiples de conseil en stratégie
d'enchères (support client, services de formation, assistance
au déploiement). Notre deuxième grand service
couvre la collaboration fournisseur. Nous proposons
à nos clients d'adopter le processus du CPFR
(collaborative planning, forecasting and replenishment
gestion partagée de la planification, de la prévision
et du réapprovisionnement) afin d'améliorer leurs
relations avec les fournisseurs en formalisant le partage
d'informations. A chaque fois, nous personnalisons ce
processus et il n'y a pas deux distributeurs qui collaborent
exactement de la même manière. Aujourd'hui, tous les
grands fournisseurs de produits de grande consommation,
des sociétés comme Unilever, Procter &
Gamble... sont des clients de GNX dans ce domaine-là.
Côté distributeur, le groupe Metro a complètement intégré
le CPFR dans ses processus et Carrefour est en phase
de développement. Mais, en toute objectivité, la mise
en place de ce service est plus lente que prévue. Aujourd'hui,
ce service, bien qu'en croissance, ne représente que
10 à 15 % de notre chiffre d'affaires alors que les
enchères comptent encore pour 80 %.
Comment
expliquez-vous le retard pris dans la commercialisation
de ce service ?
La difficulté vient en partie
de la complexité et du temps nécessaire à mettre en
uvre le CPFR. Aujourd'hui, le monde de la distribution
est confronté à une question de priorités stratégiques
: le CPFR entre en conflit avec d'autres initiatives
couvrant la chaîne d'approvisionnement. La difficulté
d'évaluer simplement le retour sur investissement de
la mise en place du CPFR, par rapport aux enchères,
en particulier, est également un facteur qui ralentit
la prise de décision. Nous estimons pourtant que, d'une
manière générale, le ROI est de 2 à 3 fois l'investissement
demandé chez les fournisseurs et les distributeurs sur
une base annuelle. Par ailleurs, il faut aussi changer
les mentalités : chez certains de nos clients, la relation
fournisseur/distributeur a parfois été relativement
conflictuelle. La mise en place du CPFR demande donc
un changement pour évoluer vers une logique de partage
et s'accorder sur les mécanismes de distribution des
économies réalisées. Enfin, il faut être réaliste :
chez chaque distributeur, cette méthode ne pourra s'appliquer
qu'aux 20 ou 50 plus gros fournisseurs. Et ce chiffre
sera variable selon les pays.
Quels sont
les deux derniers services proposés par GNX ?
Nous avons aussi développé deux
produits originaux, exclusifs à GNX : un premier pour
le développement de nouveaux produits et un second pour
l'achat de produits frais. GNX a créé une plate-forme
dédiée aux distributeurs qui développent des produits
en marque propre, que ce soit dans le domaine de l'alimentaire
ou de la droguerie. Sainsbury's, par exemple, a adopté
ce service. Il permet de formaliser les projets de développement
et de les soumettre auprès des fournisseurs. C'est un
concept véritablement novateur. Cela existait de longue
date pour le textile, mais pas pour l'alimentaire et
la droguerie. La plate-forme est en fait un outil de
"workflow" qui permet de gérer des projets,
et de comparer aisément les propositions des fournisseurs
(comparaison de l'ensemble des ingrédients et de leurs
quantités) et de corriger simplement les recettes. Le
distributeur et le fournisseur ont ainsi une vue intégrée
et unique de chaque produit, sur ses ingrédients et
sur l'assemblage. Cela va jusqu'au partage d'informations
avec le design, le packaging, les systèmes d'hygiène
et de contrôle qualité. Nous estimons que ce processus
permet de réduire le temps de développement d'un nouveau
produit en marque propre de 50 %, soit 3 à 6 mois au
lieu de 6 mois à un an.
Et
en ce qui concerne la plate-forme d'achat de produits
frais...
C'est
un service développé uniquement aux Etats-Unis pour
l'instant. L'idée est de mettre au point un catalogue
très clair et de supprimer les commandes ou appels d'offres
par fax ou téléphone. Cela permet d'apporter les règles
strictes du e-commerce aux fournisseurs en définissant
tous les paramètres à l'avance comme les caractéristiques
produits, le délai de livraison, le contrôle de réception,
etc. Kroger [une chaîne de supermarchés américaine,
ndlr] par exemple, utilise notre plate-forme.
Et l'Europe ?
La structure de l'industrie est différente. Aux USA,
il y a davantage de gros fournisseurs alors qu'en Europe,
nos clients traitent avec de très nombreux fournisseurs
de petite taille. La mise en place de la solution prendra
donc plus de temps de ce côté-ci de l'Atlantique. De
plus, quand un client opte pour cette solution, il est
indispensable qu'il convainque ses fournisseurs et qu'ils
sautent tous le pas. C'est un gros projet, une décision
stratégique. Faire un test, puis revenir en arrière
est difficile. Mais les bénéfices sont à la hauteur
de l'ampleur du projet.
Combien
de clients et de fournisseurs actifs utilisent GNX ?
Nous
avons à ce jour 32 clients actifs, dont nos actionnaires.
Ce sont essentiellement des distributeurs. En terme
de fournisseurs, nous en répertorions plus de 20 000
qui ont participé une ou plusieurs fois à des enchères.
Les achats concernent à 80 % des produits pour de la
revente et à 20 % des biens et services pour les dépenses
opérationnelles. En terme de volumes, nous avons enregistré
2,5 milliards de dollars depuis le début de l'année
sur 3 600 enchères. C'est déjà plus que l'ensemble de
2001 et nous visons les 5 milliards pour l'ensemble
de cette année. Depuis notre création, en février 2000,
nous sommes à 5,1 milliards de dollars de volumes.
Cette
progression des volumes, c'est la preuve que vos clients
ont dépassé leur phase de test pour une
pleine exploitation de la plate-forme ?
Il
est vrai que plusieurs clients ont édité une ligne de
conduite interne stipulant que tout achat supérieur
à tel montant devra passer par GNX, sauf exception comme
pour les produits de marque, par exemple. Ce choix de
privilégier GNX est motivé par plusieurs facteurs dont
la formalisation des processus, le gain de temps et
les économies réalisées. En moyenne, les économies sont
de 10 à 20 % mais, sur certains produits, cela
peut aller jusqu'à 60 %.
Quels
sont les sources de revenus de GNX ?
Nous
avons mis en place un système de souscription pour chaque
produit dont le montant est variable selon le niveau
d'utilisation. Nous évaluons cette souscription en fonction
du volume d'achat (enchères), du nombre de relations
estimées dans le cadre d'un CPFR, du nombre de sièges
d'acheteurs (produits frais), de fournisseurs et de
produits (développement produits, etc.). L'évaluation
est faite en début d'année et en cas de sous-estimation,
nous relançons un nouveau cycle mieux adapté aux besoins
de nos clients. Mais en cas de surévaluation, il y a
des volumes inutilisés qui expirent en fin d'année :
c'est un facteur de motivation excellent. Nous sommes
ainsi assurés de travailler avec des distributeurs qui
y croient vraiment. C'est comme ça que GNX a parmi ses
clients les 3 ou 4 plus gros utilisateurs d'enchères
en ligne au monde dans le domaine de la distribution.
Quand
pensez-vous que GNX atteindra le point mort ?
Nous
voyons le bout du tunnel mais nous ne générons pas encore
de bénéfices. Nous mettons tout en oeuvre pour atteindre
rapidement le point mort. Aujourd'hui, nous avons encore
5 ans d'activité devant nous en banque au vu de notre
rythme opérationnel actuel. L'atout de GNX est de ne
pas avoir dépensé autant que ses concurrents. Par exemple,
nous sommes moins de 100 salariés soit entre 30 et 50
% de moins que nos concurrents et notre contrôle des
coûts est très rigoureux. Cela ne fait que deux ans
et demi que nous sommes là et en général cela prend
entre 4 et 5 ans pour une société comme la nôtre pour
devenir profitable. Ce serait terriblement agaçant si
nous n'avions pas des mois en cash-flow positif à la
fin de l'année prochaine.
Comment
expliquez-vous que des places de marché de grande
envergure, avec un financement de poids et des clients
de grande renommée, n'arrivent pas à viabiliser
leur modèle économique et accumule les
pertes ?
Les
places de marché connaissent un peu le même problème
que toutes les nouvelles technologies. L'erreur a été
de dire que les places de marché électroniques allaient
révolutionner le business. Les places de marché ont
vite compris qu'il leur fallait réviser leurs objectifs
et que les très grands comptes clients qui y participent
ne pouvaient pas changer leurs méthodes d'achat en un
clin d'il. Ce processus est long et douloureux pour
les grands groupes et il faut savoir être patient. Ce
serait donc très étonnant qu'une telle place de marché
soit rentable sur l'ensemble de l'année 2003.
Quelles
sont les places de marché concurrentes de GNX ?
CPG Markets et WWRE ?
Ces
places de marché ne sont pas nos principaux concurrents.
A vrai dire, sur les nouveaux clients que nous avons
gagnés, Federated et Linens 'n Things, par exemple,
ils n'étaient pas en concurrence. Aujourd'hui, nos principaux
concurrents, ce sont des fournisseurs de services d'enchères
qui ne font que cela, ou des spécialistes du CPFR. Je
citerais Freemarkets ou Portum par exemple. Ce sont
des sociétés spécialisées avec une expertise métier.
Est-ce
que vous vous attendez à des consolidations dans
les prochains mois ?
Je
doute qu'il y ait des consolidations. S'il avait dû
y en avoir, elles auraient déjà eu lieu. Je pencherais
plutôt pour des disparitions. Nombre de places de marché
ont dû se réaligner sur des processus moins larges et
moins ambitieux pour survivre mais certaines l'ont fait
trop tard et vont tout simplement mourir. La question
centrale reste encore et toujours : "Où est-ce que j'apporte
de la valeur ?". Les places de marché qui n'y répondent
pas n'ont pas d'avenir.
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