INTERVIEW
 
Vice-président
GlobalNetXchange (GNX)
Cédric Guyot
"Titre"
GNX compte parmi les toutes premières places de marché au monde, notamment grâce à la qualité de son actionnariat : les huit sociétés présentes au capital ont toutes une renommée internationale. Carrefour, Sears, Metro, Karstadt Quelle, Colesmyer, PPR, Oracle, PriceWaterHouseCoopers et Kroger ont investi plusieurs dizaines de millions de dollars dans cette place de marché qu'ils sollicitent de plus en plus. Preuve de cette réussite, si toute allusion à Internet a bien souvent déserté les présentations des résultats financiers des grands groupes, PPR et Carrefour ont tenu à intégrer les économies réalisées sur GNX dans leurs derniers résultats semestriels.
le point des activités et d el'avenir de la PDM avec son vice-président en charge de la stratégie et du développement commercial
18 septembre 2002
 
          

JDNet. Quels sont les différents services que propose GNX à ses clients ?
Cédric Guyot. Aujourd'hui, GNX offre quatre services différents. Le premier est un service d'enchères où nous proposons un mix de technologie et de conseil. Nous ne faisons pas d'enchères pour le compte de nos clients mais nous leur offrons une plate-forme technologique accessible en ligne et des services multiples de conseil en stratégie d'enchères (support client, services de formation, assistance au déploiement). Notre deuxième grand service couvre la collaboration fournisseur. Nous proposons à nos clients d'adopter le processus du CPFR (collaborative planning, forecasting and replenishment – gestion partagée de la planification, de la prévision et du réapprovisionnement) afin d'améliorer leurs relations avec les fournisseurs en formalisant le partage d'informations. A chaque fois, nous personnalisons ce processus et il n'y a pas deux distributeurs qui collaborent exactement de la même manière. Aujourd'hui, tous les grands fournisseurs de produits de grande consommation, des sociétés comme Unilever, Procter & Gamble... sont des clients de GNX dans ce domaine-là. Côté distributeur, le groupe Metro a complètement intégré le CPFR dans ses processus et Carrefour est en phase de développement. Mais, en toute objectivité, la mise en place de ce service est plus lente que prévue. Aujourd'hui, ce service, bien qu'en croissance, ne représente que 10 à 15 % de notre chiffre d'affaires alors que les enchères comptent encore pour 80 %.

Comment expliquez-vous le retard pris dans la commercialisation de ce service ?

La difficulté vient en partie de la complexité et du temps nécessaire à mettre en œuvre le CPFR. Aujourd'hui, le monde de la distribution est confronté à une question de priorités stratégiques : le CPFR entre en conflit avec d'autres initiatives couvrant la chaîne d'approvisionnement. La difficulté d'évaluer simplement le retour sur investissement de la mise en place du CPFR, par rapport aux enchères, en particulier, est également un facteur qui ralentit la prise de décision. Nous estimons pourtant que, d'une manière générale, le ROI est de 2 à 3 fois l'investissement demandé chez les fournisseurs et les distributeurs sur une base annuelle. Par ailleurs, il faut aussi changer les mentalités : chez certains de nos clients, la relation fournisseur/distributeur a parfois été relativement conflictuelle. La mise en place du CPFR demande donc un changement pour évoluer vers une logique de partage et s'accorder sur les mécanismes de distribution des économies réalisées. Enfin, il faut être réaliste : chez chaque distributeur, cette méthode ne pourra s'appliquer qu'aux 20 ou 50 plus gros fournisseurs. Et ce chiffre sera variable selon les pays.

Quels sont les deux derniers services proposés par GNX ?
Nous avons aussi développé deux produits originaux, exclusifs à GNX : un premier pour le développement de nouveaux produits et un second pour l'achat de produits frais. GNX a créé une plate-forme dédiée aux distributeurs qui développent des produits en marque propre, que ce soit dans le domaine de l'alimentaire ou de la droguerie. Sainsbury's, par exemple, a adopté ce service. Il permet de formaliser les projets de développement et de les soumettre auprès des fournisseurs. C'est un concept véritablement novateur. Cela existait de longue date pour le textile, mais pas pour l'alimentaire et la droguerie. La plate-forme est en fait un outil de "workflow" qui permet de gérer des projets, et de comparer aisément les propositions des fournisseurs (comparaison de l'ensemble des ingrédients et de leurs quantités) et de corriger simplement les recettes. Le distributeur et le fournisseur ont ainsi une vue intégrée et unique de chaque produit, sur ses ingrédients et sur l'assemblage. Cela va jusqu'au partage d'informations avec le design, le packaging, les systèmes d'hygiène et de contrôle qualité. Nous estimons que ce processus permet de réduire le temps de développement d'un nouveau produit en marque propre de 50 %, soit 3 à 6 mois au lieu de 6 mois à un an.

Et en ce qui concerne la plate-forme d'achat de produits frais...
C'est un service développé uniquement aux Etats-Unis pour l'instant. L'idée est de mettre au point un catalogue très clair et de supprimer les commandes ou appels d'offres par fax ou téléphone. Cela permet d'apporter les règles strictes du e-commerce aux fournisseurs en définissant tous les paramètres à l'avance comme les caractéristiques produits, le délai de livraison, le contrôle de réception, etc. Kroger [une chaîne de supermarchés américaine, ndlr] par exemple, utilise notre plate-forme.

Et l'Europe ?
La structure de l'industrie est différente. Aux USA, il y a davantage de gros fournisseurs alors qu'en Europe, nos clients traitent avec de très nombreux fournisseurs de petite taille. La mise en place de la solution prendra donc plus de temps de ce côté-ci de l'Atlantique. De plus, quand un client opte pour cette solution, il est indispensable qu'il convainque ses fournisseurs et qu'ils sautent tous le pas. C'est un gros projet, une décision stratégique. Faire un test, puis revenir en arrière est difficile. Mais les bénéfices sont à la hauteur de l'ampleur du projet.

Combien de clients et de fournisseurs actifs utilisent GNX ?
Nous avons à ce jour 32 clients actifs, dont nos actionnaires. Ce sont essentiellement des distributeurs. En terme de fournisseurs, nous en répertorions plus de 20 000 qui ont participé une ou plusieurs fois à des enchères. Les achats concernent à 80 % des produits pour de la revente et à 20 % des biens et services pour les dépenses opérationnelles. En terme de volumes, nous avons enregistré 2,5 milliards de dollars depuis le début de l'année sur 3 600 enchères. C'est déjà plus que l'ensemble de 2001 et nous visons les 5 milliards pour l'ensemble de cette année. Depuis notre création, en février 2000, nous sommes à 5,1 milliards de dollars de volumes.

Cette progression des volumes, c'est la preuve que vos clients ont dépassé leur phase de test pour une pleine exploitation de la plate-forme ?
Il est vrai que plusieurs clients ont édité une ligne de conduite interne stipulant que tout achat supérieur à tel montant devra passer par GNX, sauf exception comme pour les produits de marque, par exemple. Ce choix de privilégier GNX est motivé par plusieurs facteurs dont la formalisation des processus, le gain de temps et les économies réalisées. En moyenne, les économies sont de 10 à 20 % mais, sur certains produits, cela peut aller jusqu'à 60 %.

Quels sont les sources de revenus de GNX ?
Nous avons mis en place un système de souscription pour chaque produit dont le montant est variable selon le niveau d'utilisation. Nous évaluons cette souscription en fonction du volume d'achat (enchères), du nombre de relations estimées dans le cadre d'un CPFR, du nombre de sièges d'acheteurs (produits frais), de fournisseurs et de produits (développement produits, etc.). L'évaluation est faite en début d'année et en cas de sous-estimation, nous relançons un nouveau cycle mieux adapté aux besoins de nos clients. Mais en cas de surévaluation, il y a des volumes inutilisés qui expirent en fin d'année : c'est un facteur de motivation excellent. Nous sommes ainsi assurés de travailler avec des distributeurs qui y croient vraiment. C'est comme ça que GNX a parmi ses clients les 3 ou 4 plus gros utilisateurs d'enchères en ligne au monde dans le domaine de la distribution.

Quand pensez-vous que GNX atteindra le point mort ?
Nous voyons le bout du tunnel mais nous ne générons pas encore de bénéfices. Nous mettons tout en oeuvre pour atteindre rapidement le point mort. Aujourd'hui, nous avons encore 5 ans d'activité devant nous en banque au vu de notre rythme opérationnel actuel. L'atout de GNX est de ne pas avoir dépensé autant que ses concurrents. Par exemple, nous sommes moins de 100 salariés soit entre 30 et 50 % de moins que nos concurrents et notre contrôle des coûts est très rigoureux. Cela ne fait que deux ans et demi que nous sommes là et en général cela prend entre 4 et 5 ans pour une société comme la nôtre pour devenir profitable. Ce serait terriblement agaçant si nous n'avions pas des mois en cash-flow positif à la fin de l'année prochaine.

Comment expliquez-vous que des places de marché de grande envergure, avec un financement de poids et des clients de grande renommée, n'arrivent pas à viabiliser leur modèle économique et accumule les pertes ?
Les places de marché connaissent un peu le même problème que toutes les nouvelles technologies. L'erreur a été de dire que les places de marché électroniques allaient révolutionner le business. Les places de marché ont vite compris qu'il leur fallait réviser leurs objectifs et que les très grands comptes clients qui y participent ne pouvaient pas changer leurs méthodes d'achat en un clin d'œil. Ce processus est long et douloureux pour les grands groupes et il faut savoir être patient. Ce serait donc très étonnant qu'une telle place de marché soit rentable sur l'ensemble de l'année 2003.

Quelles sont les places de marché concurrentes de GNX ? CPG Markets et WWRE ?
Ces places de marché ne sont pas nos principaux concurrents. A vrai dire, sur les nouveaux clients que nous avons gagnés, Federated et Linens 'n Things, par exemple, ils n'étaient pas en concurrence. Aujourd'hui, nos principaux concurrents, ce sont des fournisseurs de services d'enchères qui ne font que cela, ou des spécialistes du CPFR. Je citerais Freemarkets ou Portum par exemple. Ce sont des sociétés spécialisées avec une expertise métier.

Est-ce que vous vous attendez à des consolidations dans les prochains mois ?
Je doute qu'il y ait des consolidations. S'il avait dû y en avoir, elles auraient déjà eu lieu. Je pencherais plutôt pour des disparitions. Nombre de places de marché ont dû se réaligner sur des processus moins larges et moins ambitieux pour survivre mais certaines l'ont fait trop tard et vont tout simplement mourir. La question centrale reste encore et toujours : "Où est-ce que j'apporte de la valeur ?". Les places de marché qui n'y répondent pas n'ont pas d'avenir.

 
Propos recueillis par Florence Santrot

PARCOURS
 
Cédric Guyot est actuellement vice-président, Strategy and Business Development pour GlobalNetXchange. A ce titre, il est en charge de la stratégie et de la mise en œuvre des alliances de la plate-forme avec des fournisseurs de systèmes, des places de marché, ou des représentants de communautés. Cédric Guyot était auparavant directeur de projets chez Carrefour, où il était responsable de la conception et de la mise en place d'un système global de contrôle de gestion et d'aide de prise à la décision sur Internet. Il a également occupé chez Carrefour des fonctions dans la direction du développement, notamment dans le cadre de l'implantation de Carrefour au Japon. Cédric Guyot a également été associate consultant au sein du bureau parisien de Booz, Allen et Hamilton, travaillant principalement dans les domaines des services financiers.

   
 
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