INTERVIEW
 
PDG
Kangaroo Village
Philippe Hayat
"Titre"
Les marchés sont moroses, les start-up souffrent et les incubateurs, qui leur apportent une aide financière et matérielle, subissent aussi un retour de manivelle. Toutefois, si les cycles de financement sont plus longs pour leurs "bébés", la plupart restent actifs. Kangaroo Village, ouvert en février 2000 (Lire l'article du JDNet du 30/05/00) a pris le soin de réduire ses coûts de fonctionnement et a peut-être freiné le rythme de ses prises de participation (dix maximum par an désormais, alors que la fouchette annoncée au départ était entre dix et quinze). Philippe Hayat, qui dirige cette structure avec d'autres "coaches" opérationnels et des "parrains" de renom, Patrice Magnard (fondateur d'Alapage), Orianne Garcia et Alexandre Roos (créateurs de Caramail) ou Arnaud de Puyfontaine (PDG d'Emap France), explique comment le métier d'incubateur évolue.05 avril 2001
 
          

JDNet. Quel premier bilan tirez-vous un an après la création de Kangaroo Village ?
Philippe Hayat. Premier constat : les bons projets sont très rares. On a eu plus de 1.000 dossiers entre les mains et nous n'en avons retenu que cinq au bout du compte. Le modèle d'incubation où l'on mise sur une quinzaine de projets par an ne peut pas tenir. On reste crédible si on prend une dizaine de participations par an. Deuxième point : il est indispensable que la société incubée ait une raison d'être autre que celle de mettre Internet au coeur de son fonctionnement. C'est l'erreur que le marché a faite depuis deux ans. Une société Internet était valorisée si elle annonçait qu'elle allait changer le marché auquel elle s'adresse. Ce qui est faux. Elle ne change le marché que si elle apporte un service qui n'existe pas encore. Internet n'est qu'un moyen pour y parvenir, pour servir l'innovation.

Quelle position avez-vous adoptée pour Kangaroo Village ?

Nous avons toujours été très sélectifs. En un an, nous avons pris cinq projets en main (Voir le tableau ci-dessous). Leur coeur de métier était soit centré autour des technologies, soit novateur sur le marché.

Vous n'avez pas changé de critères de sélection en cours de route ?
Dès le départ, on s'était spécialisé sur ce type de projets. D'où cette stricte sélection. Je reconnais que l'on a été déçu par le faible nombre de bons projets. Nos critères ont toujours été l'innovation, l'auto-financement dès la deuxième année et un potentiel de marché au minimum européen. Nous nous sommes rendus compte que les cycles de financement des start-up se sont fortement allongés. Aujourd'hui, il est très difficile de réaliser une première levée de fonds. Ca renforce l'idée qu'elles doivent arriver le plus vite possible à
l'auto-financement.

Quels sont les résultats de Kangaroo Village ?
Sur cinq participations, nous en avons vendu une, Guaranty City, avec laquelle nous avons réalisé une belle opération. Cette société qui développe des produits de placements innovants a été vendue à Gen Re Securities [NDLR, une institution financière spécialiste des produits dérivés]. Globalement, nous nous attendons à faire une à deux sortie par an. Nous avons fait une plus-value avec la vente de Guaranty City, qui va donc venir en produit sur notre compte d'exploitation. Mais je ne peux pas vous communiquer le montant. La structure Kangaroo Village est en voie d'autofinancement. Nous devions effectuer une levée de fonds importante en septembre 2000, qui ne s'est finalement pas réalisée. Nous nous sommes contentés d'un tour de table de 1 million d'euros. Mais avec la vente de Guaranty City, nous pouvons nous en passer. Nous comptons dorénavant sur du cash généré par notre portefeuille d'activité. C'est ce que nous demandons à nos start-up, donc je trouve très sain d'appliquer ces principes à nous-mêmes.

Si l'on prend les autres projets un par un, où en êtes-vous ?
Nous avons un projet autofinancé, un deuxième qui vient de réaliser son premier grand tour de table (2,5 millions d'eruos), idem pour le troisième (environ 2 millions d'euros). Le dernier est en phase de levée de fonds. Globalement, ce n'est pas mal. Nous n'avons annoncé aucune fermeture et les start-up ont un potentiel pour se développer. Dorénavant, la priorité pour elles, c'est l'auto-financement. En même temps, il est vrai que nous nous sommes engagés dans un nombre de projets limités, mais nous nous impliquons de manière très opérationelle en prenant la direction générale de la
start-up s'il le faut.

Quelles contreparties demandez-vous aux start-up que vous accompagnez?
Nous avons toujours gardé le même modèle : nous accompagnons les sociétés contre une partie du capital. On ne prend jamais d'honoraires (prestations d'hébergement, de recrutement, des coûts techniques, etc.) à côté, contrairement à l'habitude prise par les incubateurs.

Actuellement, vous recevez toujours autant de dossiers malgré l'e-krach survenu l'année dernière ?
Oui, toujours autant. On doit encore recevoir une centaine de dossiers par mois. Le problème maintenant est qu'il est difficile de trouver du financement d'amorçage. J'ai peur que cette situation ne tue les bons projets à fort potentiel car le marché est avare en amorçage et ce, sans discernement. L'étape nécessite maintenant quatre à six mois.

Vous comptez incuber d'autres nouveaux projets cette année ?

Oui, notre objectif reste de prendre des participations dans une dizaine de projets par an.

Dans la constitution des business plans, les entrepreneurs prennent-ils maintenant en compte le critère de la rentabilité ?
Oui. L'année dernière, on valorisait le projet en fonction du nombre d'abonnés. Aujourd'hui, on se rend compte que cela ne veut pas dire grand chose car il est difficile de transformer un abonné en source de profit.

Dans quelle mesure pouvez-vous vous impliquer dans les projets de start-up ?
A partir du moment où nous sommes très opérationnels dans les sociétés, ce n'est pas si grave que le fondateur ne soit pas le patron car nous pouvons jouer le rôle de PDG par intérim, le temps de recruter un manager définitif. Dans un projet en voie d'étude, nous allons assumer ces fonctions. Fait nouveau : nous sommes aujourd'hui sollicités par des fonds de capital-risque qui possèdent des start-ups dans leurs portefeuilles. Ils nous demandent de reprendre ou de renforcer le management. En contrepartie, la société sera recapitalisée. Du coup, nous n'hébergeons pas physiquement ces sociétés mais nous les accompagnons très fortement. Nous avons plusieurs dossiers dans ce sens depuis deux mois. Ce sont des sortes de co-productions.

Quel est l'avenir des incubateurs selon vous ?
Il y a deux modes de fonctionnement. Etant donné que les start-ups prendront plus de temps à sortir de la structure d'incubation, celle-ci devra facturer des prestations d'honoraires pour couvrir ses charges et ses coûts de fonctionnement. La plupart des incubateurs ont fait ce choix. Ils jouent le rôle de consultants opérationnels et notamment auprès de grands groupes. Encore une fois, Kangaroo Village n'a pas fait ce choix : nous ne facturons pas d'honoraires. Nous avons pu garder ce modèle car nous avons limité au maximum nos coûts de fonctionnement et avons pu générer des ventes.

On annonce la fermeture de la moitié des structures d'incubation à moyen terme. Qu'en pensez-vous ?
C'est une vision que j'estime réaliste. Si les incubateurs n'arrivent pas à couvrir leur frais, 50% d'entre eux mourront. C'est hélas un effet en chaîne : les
start-up sont les gagne-pains des incubateurs. Si elles ne peuvent pas être vendues, l'incubateur ne peut pas continuer ses activités.

Quelques questions sur votre pratique de l'Internet pour finir. Quel est votre site d'information favori ?
LesEchos.fr.

Et quel site consultez-vous pour vos loisirs ?
J'aime bien me rendre sur TFou (le site dédié aux enfants de eTF1) avec mon fils.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
L'information et la possibilité de trouver de la documentation en fonction de mes centres d'intérêts (l'histoire et l'art).

Que détestez-vous ?
Les sites avec une navigation et une ergonomie défaillantes et des messages qui clignotent partout.

Les projets start-up de Kangaroo Village

Nom
A noter
Zencod
- D éveloppe et commercialise des produits (matériels et logiciels) destinée à l'accélération du traitement des échanges de données sécurisées en temps réel sur les réseaux informatiques et télécom.
- A reçu le label Entreprise Innovante de l'Anvar et le pré-label Eureka.
- A levé 2 millions d'euros
Guaranty City
- Spécialisée dans la création, l’implémentation et le marketing de produits d’investissement garantis en capital.
- Eevendu à Gen Re Securities en mars 2001.
Cariocas
- Agence marketing spécialisée dans la distribution d’outils et de technologies on-line.
- A monté un jeu en ligne autour du héros de BD Largo Winch pour le compte de Lycos France.
- Atteint le stade d'auto-financement.
Visual Friendly
- Développe une solution logicielle qui facilite la lecture et la navigation sur Internet (Lire l'article du JDNet du 14/11/00).
- En cours de réalisation d'une levée de fonds de 2,5 millions d'euros.
Equity Village
- Une place de marché autour de la finance et des "privates equities".
- Va signer un partenariat avec "une grande institution nationale".
Avivas - Un tout nouveau projet incubé qui développe des algoryhtmes pour analyser et archiver des documents vidéo.
 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Philippe Hayat, polytechnicien, a repris, développé et revendu la société "Les Bâches de France" (conception et réalisation de toiles décoratives et publicitaires). Il est également à l'origine de la filière création d'entreprise à l' Essec. Philippe Hayat a fondé Kangaroo Village en décembre 1999.

   
 
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