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Emmanuel Hoog
Président-directeur
général
Institut
national de l'audiovisuel (INA) |
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Emmanuel
Hoog
"L'INA est la première banque d'archives numérisées en Europe"
le 27 avril, l'Institut national de l'audiovisuel a ouvert au grand public l'accès à plus de 100.000 émissions de radio et de télévision. L'offre proposée sur le site Ina.fr associe gratuité et rémunération des ayants droit. Le point sur cette révolution du savoir audiovisuel avec le président de l'Institut, Emmanuel Hoog.
(28/04/2006) |
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JDN.
En quoi l'ouverture des archives audiovisuelles au grand
public constitue-t-elle une avancée historique pour les
Français ?
Emmanuel Hoog. Les fonds de l'INA étaient déjà
accessibles aux étudiants et universitaires par le dépôt
légal. Nous avons également développé depuis longtemps
des productions multimédias dans des domaines différents
du savoir. Mais avec cette offre nouvelle, que nous voulons
inscrite dans la mission de service public de l'INA, nous
franchissons un pas très important car la corde grand
public est en réalité la plus belle corde de l'arc numérique
du patrimoine audiovisuel national.
En quoi cette offre s'inscrit-elle
dans la mission de service publique de l'INA ?
Ina.fr répond au Contrat d'objectifs et de moyens (COM)
signé avec l'Etat en novembre 2005, pour la période 2005-2009,
qui prévoit entre autres axes le développement d'une offre
payante et gratuite sur Internet des collections de l'INA
pour le grand public.
Qu'est-ce que le COM et quels
sont les autres axes de développement assignés
à l'INA ?
Ces contrats définissent les orientations stratégiques
des entreprises publiques de l'audiovisuel, associant
des objectifs à des indicateurs précis. Le premier COM
liant l'INA et l'Etat portait sur la période 2000-2003.
Au terme de cette période, l'Institut a rempli les objectifs
qui lui étaient assignés, en particulier la conservation,
la valorisation et la diffusion du patrimoine audiovisuel
par la technologie numérique. Le deuxième COM liant l'INA
et l'Etat, signé en novembre 2005 pour la période 2005-2009,
prévoit également l'optimisation de l'exploitation des
collections de l'INA par la poursuite de la mise en ligne
des fonds pour les professionnels (INAmédia), et surtout
l'accélération du plan de sauvegarde et de numérisation
(PSN).
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Plus
de 800 000 heures d'archives à numériser
d'ici 15 ans." |
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En quoi consiste ce plan de
sauvegarde et de numérisation ?
Il s'agit de préserver intégralement, d'ici à l'horizon
2015, les fonds patrimoniaux menacés de dégradation irréversible,
en raison de la dégradation chimique ou simplement de
la mauvaise qualité des supports d'enregistrement. Soit
environ 835.000 heures de programmes audiovisuels enregistrés
sur des supports analogiques périssables, sur un total
du fonds de l'INA de près de 3 millions d'heures d'archives
audiovisuelles.
Combien coûte en moyenne la
numérisation d'une heure de programme, et quel est le
budget total affecté à ce plan ?
La numérisation d'une heure de film coûte environ 4.000
euros, une heure de vidéo autour de 300 euros. Le PSN
est doté d'un budget global de 200 millions d'euros sur
15 ans.
Quel est aujourd'hui l'état
d'avancement du plan ? Quelle est la taille en volume
du fonds d'archives numériques de l'INA ?
Nous avons numérisé quelque 2500.000 heures d'archives
sur les 800.000 prévues. A ces heures s'ajoutent plus
d'un million d'heures d'archives audiovisuelles numériques
depuis la mise en place d'un système de collecte numérique
automatique il y a trois ans, sachant qu'aujourd'hui le
fonds de l'INA augmente de 350.000 heures en moyenne par
an. Soit plus d'un million et demi de fonds numérique
aujourd'hui, ce qui fait de l'INA la première et plus
importante banque d'archives numérisées en Europe.
Pourquoi avoir attendu aussi
longtemps pour ouvrir l'accès aux archives au grand public ?
L'INA marche sur deux jambes : d'un côté sauvegarder
et conserver, de l'autre partager et valoriser les archives
audiovisuelles. Or pendant longtemps, cette deuxième mission
était limitée par un premier obstacle physique et technique,
le fonds se répartissant sur des centaines de milliers
de rayonnages. La numérisation et la généralisation du
haut débit a permis de lever cet obstacle et a rendu possible
techniquement et physiquement le partage et la valorisation
des archives. A cela s'ajoutait un obstacle juridique :
l'INA ne possède pas les droits de diffusion des productions
des opérateurs privés. Afin de rendre accessibles les
uvres du fonds au grand public, nous avons ouvert en
2005 une phase de négociations d'accords généraux avec
les représentants de différentes catégories d'ayants droit.
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L'INA
est habilitée à exploiter les
oeuvres moyennant rémunération
des ayants droit." |
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Ces négociations ont-elles
abouti ?
L'Institut a conclu le 16 juin 2005 deux
accords visant l'édition de contenus sur des réseaux numériques :
d'une part avec les auteurs ayant fait apport de leurs
droits à une société d'auteurs (SCAM, SACD et SACEM),
d'autre part avec les artistes-interprètes engagés pour
des émissions de télévision. Aujourd'hui, l'INA est habilitée
à exploiter les uvres de son fonds, moyennant rémunération.
Ces deux principaux obstacles juridiques levés, l'INA
a travaillé pendant un an au développement de sa nouvelle
offre sur Internet, tant d'un point de vue technique que
d'un point de vue éditorial.
Quelle est la taille du catalogue
de l'offre en ligne ?
Aujourd'hui, Ina.fr propose un accès à plus de 100.000
émissions de radio et de télévision, soit environ 10.000
heures d'archives : près de 5.000 heures de programmes
télévisés thématisés, 3.000 heures de JT, 500 heures consacrées
aux collections patrimoniales, et plus de 1.000 heures
de radio. Chaque année, l'offre va s'enrichir de 50.000
émissions en cours de numérisation ou en restauration.
Quels ont été les choix éditoriaux
à l'origine de la construction de l'offre ? Comment
celle-ci est-elle présentée ?
Ina.fr n'est pas qu'un simple moteur de recherche, ce
n'est pas un Google vidéo. La vraie valeur et la force
du fonds pour le grand public, c'est son niveau d'arborescence
fine, sa capacité à organiser et structurer les contenus.
Plus qu'une encyclopédie du patrimoine audiovisuel ou
une simple offre de vidéo à la demande, le nouveau site
Ina.fr s'engage à valoriser les archives, à les replacer
dans un contexte actuel et à les partager. Les émissions
disponibles sur cette première version de l'offre ont
été sélectionnées en fonction de leur intérêt patrimonial
et de l'actualité. Différents types d'accès aux archives
sont proposés aux internautes : soit par mots clés
avec le moteur de recherche développé en interne, soit
une navigation par thèmes.
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80 %
des archives du sites sont gratuites" |
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Quel est le modèle économique
du site ?
80 % des archives du site sont accessibles gratuitement.
Les 20 % restants sont payants, de 1 euro pour un
programme court de 10 à 30 secondes à 12 euros pour les
fictions ou émissions de variétés de plus de 30 minutes.
Avant l'achat, un programme peut être consulté dans son
intégralité grâce à la location. Elle permet de visionner
librement l'archive sélectionnée pendant 48 heures. L'achat
permet à l'internaute de télécharger le programme et de
le conserver sur son disque dur. Les internautes peuvent
payer à l'acte en carte bleue ou par une formule pré-payée.
Comment rémunérez-vous les
ayants droit ?
L'INA est habilitée à exploiter les uvres privées de
son fonds moyennant le versement aux ayants droit d'un
pourcentage du chiffre d'affaires brut généré sur Ina.fr,
à savoir 46 %.
Comment garantissez-vous la
protection des fichiers non libres de droit ?
Ina.fr utilise deux systèmes de protection : d'une
part, chaque image est "tatouée" et contient des informations
non visibles permettant d'authentifier son origine, au
cas où elle serait mise à disposition sur des réseaux
de partage de fichiers illégaux ; d'autre part, un
système de DRM
assure la gestion des droits électroniques, protégeant
ainsi les droits d'auteur de chaque contenu numérique
diffusé en ligne. Il consiste en un cryptage de fichiers
qui, une fois associé à un code identifiant unique, permet
la visualisation du programme.
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Passer
le cap du million de visiteurs uniques par
mois " |
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Quelles sont vos ambitions
pour le site Ina.fr ?
Le succès ! Plus sérieusement, en termes d'audience,
le site enregistre aujourd'hui environ 350.000
visiteurs uniques par mois. Nous espérons tripler cette
audience d'ici trois mois, c'est-à-dire passer le cap
du million de visiteurs uniques mensuels et passer de
la 150è à la 50è pace des sites les plus fréquentés du
Web français.
Et en termes d'objectifs financiers ?
Notre objectif financier n'est pas de générer des bénéfices
mais d'atteindre l'équilibre financier, sachant que 46 %
des revenus sont reversés aux ayants droit et 22 %
servent à couvrir les frais financiers du site (TVA, taxes
et transactions en ligne). Les 32 % restants seront
entièrement réinvestis dans la numérisation, la sauvegarde
et la valorisation du patrimoine audiovisuel.
Quel a été le budget investi
dans le développement du site ?
Ina.fr a coûté environ 700.000 euros. Le projet a été
conduit exclusivement en interne par une équipe de douze
personnes à temps plein.
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Le
déploiement futur de l'INA est le territoire
numérique " |
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Toujours dans le domaine du
numérique, l'INA est engagé aux côtés de la BNF, dans
le cadre du dépôt légal, dans un vaste projet d'archivage
du Web [lire l'article
du 15/12/05]. Quel sera le domaine conservé par l'INA ?
L'INA s'intéresse au domaine de la communication visuelle,
c'est-à-dire l'ensemble des sites de radio et de télévision
et aux sites médias associés. Ce domaine représente, en
quantité, un nombre réduit de sites - environ 10 %
du total des sites français référencés -, mais en
volume, compte tenu de la présence des images et des sons,
il n'en pèse pas loin de la moitié. Les grands enjeux
technologiques auxquels sont confrontés l'Institut dans
le domaine de l'archivage du Web sont la restitution dynamique
au chercheur, la volatilité et l'instabilité des formats
ou encore la capacité à valoriser les archives par un
système performant d'indexation des méta-données.
En quoi le Web est-il un objet
de mémoire ?
Le Web n'est pas un objet de mémoire en soi. C'est d'abord
un moyen d'expression et de communication, un lieu de
création où circulent des informations et du savoir. C'est
l'expression moderne du déploiement de l'activité de la
pensée humaine. Le Web est un espace d'expression de la
pensée humaine légitime et incontestable, et à ce titre
entre dans le domaine du patrimoine national. C'est pourquoi
il est nécessaire d'en conserver une trace, comme source
d'information pour l'avenir. Le conserver, c'est aussi
conserver une méthode d'accès à l'information autant que
l'information elle-même.
Quelle est la mission de l'INA
dans ce travail d'archivage du Web ?
Le dépôt légal du Web entre dans le cadre de nos missions
car il est une nouvelle forme de mise en circulation des
images et des sons. Le déploiement naturel futur de l'INA
est bel et bien l'espace numérique. |
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Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN |
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PARCOURS
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Emmanuel Hoog, 44 ans, président-directeur
général de l'Institut national de l'audiovisuel
(INA) depuis 2001 et président de
la Fédération internationale des archives de télévision
(FIAT/IFTA) depuis 2002.
1988-1992 : chef du service budgétaire
et financier du ministre chargé de la Culture et
de la Communication.
1992 : co-responsable, avec Pierre Encrevé,
de la mission interministérielle pour la création
de l'Institut national d'histoire des arts.
1992-1997 : administrateur du Théâtre
national de l'Odéon.
1997-1998 : directeur délégué du Piccolo
Teatro de Milan.
1997-2000 : conseiller auprès du président
de l'Assemblée nationale, chargé de la culture et
de l'audiovisuel.
2000-2001 : conseiller auprès du ministre
de l'Economie, des Finances et de l'Industrie,
chargé de la culture et de l'audiovisuel, des entreprises
de presse et des industries culturelles.
Et aussi Emmanuel Hoog est membre du conseil
d'administration de l'Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales (EHESS) depuis 2005 ;
membre du comité de pilotage pour la Bibliothèque
numérique européenne (BNUE) depuis 2005 ;
membre du "High Level Group on Digital Libraries"
mis en place par la Commission européenne et présidé
par Viviane Reding en 2006. Il est également
l'auteur de nombreux articles et ouvrages, et l'administrateur
du Théâtre national de Chaillot depuis 2002.
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