INTERVIEW
 
Vice-président Europe
Amazon
Philipp Humm
"Titre"
Malgré les doutes des analystes et la conjoncture difficile depuis les attentats du 11 septembre, Amazon.com a réaffirmé, lors de la publication de ses résultats sur le troisième trimestre 2001, qu'il serait rentable au quatrième trimestre. Au-delà, le cybermarchand a indiqué que ses ventes trimestrielles, hors Etats-Unis, ont atteint 138 millions de dollars, soit une progression de 58%. En Europe, ses sites anglais et allemand devraient atteindre l'équilibre à la fin de l'année. Côté français, Amazon France rivaliserait avec la Fnac en terme d'audience comme de ventes (Lire l'article du JDNet du 05/10/01). Et selon une étude récente publiée par BVA/TFC sur les sites de vente de produits culturels en France, Amazon enregistrerait le meilleur taux de transformation (mais l'institut n'a publié qu'un classement, les chiffres réels restant confidentiels). Philipp Humm, vice-président Europe d'Amazon revient sur ces résultats, explique la stratégie d'Amazon Europe et détaille les développements d'Amazon sur le vieux continent.08 novembre 2001
 
          

JDNet. Quelles sont les attributions d'Amazon Europe et quelle est la latitude d'organisation de chaque pays ?
Philipp Humm. Amazon est organisée de manière fonctionnelle. Chaque fonction, c'est-à-dire la logistique, la technique, le marketing ou le commerce, est présente au niveau global comme au niveau des différentes filiales. Chaque équipe nationale gère de manière assez indépendantes ces différentes fonctions de façon à bien s'adapter aux spécificités du marché. En revanche, au niveau global, nous optimisons la gestion des outils informatiques et exploitons la notoriété de la marque. Amazon Europe est davantage une structure de coordination, de partage et de définition d'objectifs communs. L'exécution dans chaque pays tient compte, elle, de la réalité du marché, en fonction des fournisseurs, des comportements ou du niveau du commerce électronique. C'est pourquoi, les responsables d'Amazon Europe ont une double fonction. Je suis moi-même directeur général d'Amazon Allemagne. Pour la France, personne encore n'assure cette double fonction, car le marché est plus jeune.

Puisque Amazon Europe est une structure de coordination et d'échanges, avez-vous des projets communs au niveau européen et quels sont-ils ?

En fait, ce ne sont pas uniquement des projets européens. Ce sont surtout des projets globaux concernant la personnalisation du site ou des rubriques. Cette technologie apporte déjà une véritable valeur ajoutée au site américain. Elle fait d'ailleurs partie des éléments que nous fournissons à AOL aux Etats-Unis dans le cadre de notre partenariat (Lire l'article du JDNet du 28/09/01). L'idée est de commencer à la déployer cette communication one-to-one sur l'ensemble des sites. La "Wish-List", que nous avons lancée la semaine dernière en France, fait partie de ces projets communs. Autre exemple : la possibilité de voir apparaître l'historique des achats de la personne qui s'est connectée ainsi qu'une page de suggestions d'articles spécifiques au client en fonction, non plus seulement de ses précédents achats, mais aussi de ce qu'il a regardé lors de ces précédentes cessions. Nous pouvons également proposer des produits, de manière dynamique, en fonction du contenu du panier du client. Toutes ces nouvelles fonctionnalités ont été ajoutées au site allemand et français il y a moins d'une semaine. L'objectif étant à terme de proposer, comme sur Amazon.com, un magasin personnalisé pour chaque internaute.

Quelle est la latitude d'Amazon Europe par rapport aux Etats-Unis ? Et ressentez-vous de la même manière la pression que font peser les marchés financiers sur Amazon.com ?
Comme toutes les filiales de sociétés américaines qui font un reporting trimestriel de leur activité, nous avons une certaine pression. Maintenant, en Grande-Bretagne comme en Allemagne, nous avons annoncé qu'au quatrième trimestre 2001, nous serions rentables. Un résultat que nous avons atteint sur une période assez courte, trois ans. Ce qui est tout à fait comparable avec les rythmes de la vieille économie.Concernant la latitude par rapport aux Etats-Unis, celle-ci se manifeste surtout au niveau de la réactivité face aux marchés.

Début 2001, l'international représentait 18,8% du chiffre d'affaires du groupe Amazon ? Qu'en est-il aujourd'hui, et que représentent les différentes filiales européennes ?
Les sites non-américains génèrent aujourd'hui 21% du chiffre d'affaires d'Amazon, soit 138 millions de dollars au troisième trimestre. Ce chiffre comprend évidemment le Japon. Je ne peux pas vous révéler la part que représente chacune des filiales européennes, ni l'ensemble de celles-ci.

Et pour chacune des filiales européennes, que représente l'international ?
La part de l'international en France et en Grande-Bretagne est beaucoup plus élevée qu'en Allemagne, en raison de l'ancienne implantation de ces pays outre-mer.

Selon la presse américaine, Amazon perdrait du terrain sur la vente de livres aux Etats-Unis. Comment expliquer cette situation ?
Je n'ai pas pu vérifier encore cette information. Nous estimons que la part de marché d'Amazon sur le livre aux Etats-Unis est d'environ 5%. Sur le troisième trimestre, étant donnée la forte rentabilité d'Amazon dans le livre, c'est-à-dire plus de 10%, nous avons décidé de réduire les prix d'environ 30% sur les livres de plus de 20 dollars. Ceci afin d'être plus agressifs sur ce marché. Maintenant, il est vrai que le positionnement initial d'Amazon.com s'est doucement déplacé d'un site de vente de livres, vers un site de produits culturels, puis aujourd'hui vers une plate-forme de e-Commerce. La vente de produits culturels ne représente plus que 55% du chiffre d'affaires d'Amazon.com, dont le métier est davantage aujourd'hui d'être l'intermédiaire entre le produit et le consommateur. Nous n'avons pas vocation à tout faire nous-mêmes, mais à exploiter le potentiel de notre plate-forme, avec des partenaires qui sont soit des particuliers, comme pour les produits d'occasion, soit des sociétés comme Borders ou Target. Et dans ce cadre, il n'y a pas vraiment de limite de produits. Ce positionnement définit notre stratégie globale actuelle. Notre volonté étant de l'étendre aux autres pays.

Votre objectif au niveau européen est donc de vous conformer à ce modèle ?
Tout à fait. C'est un modèle qui a une logique universelle et peut s'adapter à tous les pays. En Angleterre, par exemple, nous avons passé un accord avec Virgin Wine pour vendre du vin sur Amazon. Même chose avec Expedia pour vendre des voyages. Maintenant, est-ce que nous allons étendre ces accords en Allemagne ou en France ? Celà dépendra de la situation dans chaque pays et de notre capacité à trouver des partenaires qui puissent nous apporter la complémentarité produits mais aussi la même qualité de produits que si nous vendions nous-mêmes ces articles en direct. La décision finale sera toujours à prendre pays par pays, en fonction de ce qui existe sur le marché, des besoins sur celui-ci, de l'offre et du fournisseur. Nous choisissons toujours des marques reconnues et respectées.

Quels sont à vos yeux vos principaux concurrents dans les différents pays européens ?
L'origine et le profil de nos concurrents sont assez différents d'un pays à l'autre. En France, je citerais la Fnac et Casino, qui vient de l'univers de la distribution alimentaire. En Allemagne, la concurrence vient surtout de la VPC, de Bol et de Mediantis. Tandis qu'en Angleterre, nos principaux concurrents sont Barnes & Noble et Tesco, également originaire de l'alimentaire. Les réponses que nous devons trouver sont donc très locales et ne peuvent être décidé au niveau global.

Où situez-vous aujourd'hui vos différentes filiales dans leur environnement concurrentiel ?
La situation de l'Angleterre et de l'Allemagne est assez similaire. En Allemagne, nous sommes aujourd'hui clairement le leader en terme de e-Commerce tous secteurs confondus, selon le panel GFK. Nous générons 40% de chiffre d'affaires de plus que notre concurrent immédiat. Et sur le marché des produits culturels, nous faisons 6 fois plus de chiffre d'affaires que notre concurrent le plus direct. Sur le marché global du livre en Allemagne, la part de marché d'Amazon.de pour la première moitié 2001, toujours selon GFK, était de 3,7%, et de 48% par rapport au marché du livre sur Internet. En Grande-Bretagne, les parts de marché sont assez semblables, avec une position un peu plus forte surtout dans le online. Ces chiffres montrent qu'Internet devient un secteur établi, une alternative qui est utilisée par un nombre de plus en plus grand de consommateurs.

Et en France ?
En septembre, selon les chiffres d'audience donnés par MMXI et nos estimations qui tiennent compte de l'international, nous arrivons tout juste devant la Fnac avec 858.000 visiteurs uniques, contre 849.000 [NDLR : lire à ce sujet les précisions de Jupiter MMXI France].

Comment évoluent ces trois filiales les unes par rapport aux autres ?
Je ne peux pas, hélas, vous donner ces chiffres.

Mais comment expliquez vous les écarts entre les différents pays ?
Le principal écart vient pour nous du degré de maturité du marché. Le nombre d'internautes et d'acheteurs varie beaucoup d'un pays à l'autre. En Grande-Bretagne, selon Jupiter, on dénombre 22,8 millions d'internautes, dont 7,8 millions sont des acheteurs. En Allemagne, il y a 28,8 millions d'internautes, dont 10 millions achètent en ligne. Et en France, sur 13,8 millions d'intenautes, 4,1 millions sont des cyberacheteurs. La France, habituée au Minitel, subit seulement un décalage dans le temps, d'environ un an et demi, voire deux ans. Mais l'évolution est sensiblement la même. Les croissances sont plus fortes, car la base en plus faible. Mais Amazon France se développe normalement et suit le même chemin que l'Allemagne et la Grande-Bretagne. C'est pourquoi, en France plus qu'ailleurs, nous sommes attentifs au développemnt de la concurrence et du marché.

En France, le management a beaucoup changé. Est-ce le cas dans les autres pays européens ?
Oui. En général, ces changement interviennent entre la première et la deuxième années. Nous démarrons en général avec un fonctionnement de start-up. Ensuite, comme la croissance est rapide, les besoins de la société changent en matière de profils. Et les profils changent d'eux même également.

Comment envisagez-vous la période de Noël 2001?
Au niveau international, nous nous attendons à des fêtes de Noël très fortes. Les indications de Forrester sont sensiblement celles sur lesquelles nous tablons, à savoir que les internautes se déplaceront moins pour acheter leurs cadeaux et auront peut être plus tendance à acheter en ligne et à se faire livrer. Au niveau des chiffres, nous nous attendons en France à des pics de livraison situés entre 15.000 et 20.000 commandes par jour. Ce qui suit une tendance assez logique, puisqu'en septembre, le maximum de commandes que nous avons enregistré est de 9.500 commandes par jour. On peut s'attendre à une augmentation du chiffre d'affaires sur octobre, novembre et décembre de plus de 40% par rapport à ce que nous réalisons sur un trimestre normal.

 
Propos recueillis par Anne-Laure Béranger

PARCOURS
 
Phillip Humm, 41 ans, est titulaire d'un diplôme de management des affaires acquis à l'université de Saarland (Allemagne) et d'un MBA de l'IMEDE Institute de Lausanne. Après avoir commencé sa carrière professionnelle chez Procter et Gamble à Genève, il rejoint en 1986 McKinsey & Company Inc, où il travaille pour des secteurs aussi différents que le commerce, l'alimentaire ou le sport. En 1992, il est nommé directeur général du développement au sein du groupe Tengelmann. En 1998, il devient directeur général du détaillant Plus puis de LeDi GmbH & OHG. C'est en janvier 2000 qu'il rejoint Amazon Allemagne, en tant que directeur général. En août 2001, il est nommé vice-président Europe.

   
 
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