Interviews

Huy Nguyen Trieu
PDG
Ukibi

Créée à New York l'an dernier par trois Français, la société Ukibi propose des solutions de carnet d'adresses sur Internet grâce à une technologie développée en interne et baptisée StayInSinc. Ukibi entre désormais dans une phase de commercialisation de son produit. Jean-Louis Gassée, l'actuel président de Be Inc et ancien patron d'Apple France, vient d'entrer dans son conseil d'administration. Huy Nguyen Trieu, le PDG d'Ukibi, commente cette arrivée, la stratégie de la société et sa vision des clivages dans le domaines des start-up Internet entre la France et les Etats-unis, pays où il réside

Propos recueillis par Jérôme Batteau le 08 avril 2000 .

JDNet: D'où vous est venue l'idée d'Ukibi?
Huy Nguyen Trieu : Grâce à un voyage en Thaïlande. Je me suis retrouvé là bas l'an dernier et, n'ayant pas de carnet d'adresses sur moi, je n'avais aucune moyen de contacter les gens que je connaissais. J'ai donc imaginé que si le carnet d'adresses était disponible sur le Web, cela rendrait service à tout le monde. Peu après mon retour, j'ai contacté Cyrille Morcrette, que j'avais connu au MIT de Boston où il faisait des recherches pour ce type de technologie, et nous avons décidé de créer Ukibi. Nous avons été rejoint deux jours après par Sébastien Luneau, un copain de promo de Cyrille à l'Epita, qui travaillait chez UUnet.

A qui sera destinée cette solution de carnet d'adresses. Au grand public?
Non, car cela coûterait un peu cher en marketing. On va donc vendre ce produit dans deux directions, les sites Web et les opérateurs. Actuellement, par exemple, Nomad ou Aucland l'utilisent pour fournir un service supplémentaire aux internautes. Les entreprises devraient également être intéressées par cet outil pour leurs salariés. Nous sommes par ailleurs en discussion assez avancée avec un opérateur télécom européen.

Et quel sera le modèle de rentabilité?
Un coût d'installation et ensuite un paiement pour chaque utilisation du carnet d'adresses.

Vous avez domiciliés votre société à New York. C'est pour payer moins d'impôts ?
(Rires) Non à part le régime fiscal des stock-options je ne suis pas sûr que les avantages soient supérieurs à ceux de la France. En fait deux raisons nous ont poussés à nous installer là bas. La première c'est que toute l'activité internet était aux Etats-unis à l'époque. Ensuite et c'est le plus important, les Américains rechignent souvent à aller chercher de la technologie en Europe. Ils préfèrent essayer d'abord de la dénicher chez eux. Pour nous c'était donc plus facile.

Mais votre premier investisseur, Alexandre Mars, est français...
Nous avons rencontré Alexandre Mars à New York. Ils nous a financés à hauteur de 1,5 millions de dollars. Mais au delà de l'investissement financier, cela a surtout été une question de feeling. Sa vision était conforme à la nôtre et nous nous entendions très bien sur le plan humain.

Pour votre deuxième tour de table, vous rencontrez des investisseurs de tous horizons. Quelle est la différence entre les Européens et les Américains?
En fait, la différence est plutôt entre les investisseurs de la côte Ouest et les autres, qu'ils soient européens ou issus de la côte Est. Dans la Silicon Valley, les investisseurs sont généralement très informels dans le parler comme dans la tenue vestimentaire. Mais ce sont de grands professionnels, experts en capital risque et en technologie. Cela fait des années qu'ils font cela et le système est bien rodé. Quand on va les voir, ils ont une longue liste de questions standardisées et vous les posent toutes systématiquement. Cela me rappelle un peu les oraux de Centrale ou Polytechnique! En revanche, les investisseurs européens et de la côte Est sont moins perfectionnés dans ce domaine et le style est plus formel.

Vous êtes diplômé de l'Ecole Polytechnique et de l'Ecole des Ponts. Est-ce que le diplôme sert autant là bas qu'ici pour un entrepreneur?
Cela peut aider, mais nettement moins qu'en France, où le réseau d'anciens de ces écoles est tellement puissant que le diplôme reste fondamental. Je pense qu'aux Etats-Unis, ils réclament aussi et surtout de l'expérience. Les patrons américains qui lèvent des fonds à l'heure actuelle sont d'ailleurs des gens qui ont créé déjà au moins deux ou trois start-up auparavant. J'imagine que si je créais une autre start-up après Ukibi, les investisseurs seraient plus confiants.

Quelles sont, selon vous, les grandes différences entre les Etats-Unis et la France pour les start-up?
Ce n'est pas méchant, mais à mon avis on travaille moins en France. La vision des employés de start-up qui bossent 105 heures par semaine en France est largement déformée . Aux Etats-Unis, quand ils annoncent travailler 105 heures, c'est qu'ils le font réellement. L'autre grande différence, c'est que là bas tout le monde parle d'argent. Cela tourne à l'obsession pour certains. Il y a aussi de grandes différences pour le recrutement des salariés. En France, il est plus facile d'embaucher qu'aux Etats-Unis, où le marché est saturé. En revanche, il y a la contrainte du préavis de trois mois pour le départ des employés. Or quand on a besoin d'un directeur financier, pour la France par exemple, il nous le faut tout de suite et pas dans trois mois. Mais socialement, ce préavis reste aussi une bonne chose pour les salariés.

Conseillerez-vous à quelqu'un qui veut créer sa start-up de s'exiler aux Etats-Unis?
C'est plutôt une bonne idée, même si en Europe le marché commence à devenir plus prometteur que là-bas. En fait, aux Etats-Unis, la commercialisation d'un produit est facilitée car c'est un territoire où 260 millions de personnes parlent anglais. En Europe, pour toucher un nombre de personnes équivalent, vous devez décliner votre site en cinq langues au minimum et cela coûte évidemment plus cher.

Vous côtoyez à New York des investisseurs américains et des entrepreneurs. Quelle vision ont-il du développement d'Internet en Europe?
Pour les entrepreneurs, l'Europe n'existe pas. C'est culturel, ils ne connaissent que le marché américain. En revanche, les capitaux-risqueurs ont énormément envie d'investir en Europe. D'ailleurs, ils n'ont aucune réticence à mettre de l'argent dans des sociétés françaises. La seule chose qui les gêne, c'est que l'on ne parle pas anglais comme eux (rire).

Dans quel domaine la France pourra faire la différence en matière d'internet?
Sans hésiter, la technologie. Les ingénieurs américains sont bien moins compétents que dans l'Hexagone. Vraiment, c'est un domaine où l'on excelle et qui est reconnu dans le monde entier.

Vous venez d'enrôler dans votre board Jean-Louis Gassé, le célèbre patron de Be Inc. Pourquoi lui ?
En fait, on souhaitait une personnalité avec de l'expérience en matière technologique et entrepreneuriale, qui s'engage vraiment dans la société et qui dispose de bons contacts. Par ailleurs, on voulait quelqu'un avec une bonne connaissance de l'Europe et des Etats-Unis. Le tour des personnes répondant à ces critères était donc vite fait et on l'a contacté. Il faut dire aussi que Philippe Dewost, notre VP developpement, l'avait rencontré au MIT. Jean-Louis Gassée avait semblé intéressé par notre technologie. Philippe avait surtout noté que le personnage était très humain. C'était aussi un élément déterminant.

Ukibi, c'est une bonne affaire financière pour lui ?
Je pense qu'avec ses multiples réussites dans le monde de l'entreprise, il ne vient pas pour l'argent. Il a surtout voulu, à mon avis, tenter une nouvelle aventure.

Quels sont vos sites préférés ?
Red Herring, Industry Standard, Libération et Yahoo! pour la rapidité des informations. Mais j'aime aussi beaucoup e-pinions, un site où les consomnateurs donnent leur avis sur les produits. C'est vraiment pratique. Sinon, il y a Inforocket, que j'adore : un site vous posez une question et vous mettez le prix que vous êtes prêt à payer pour la réponse. Cela nous a bien servi pour construire le business plan, lorsque nous recherchions des études très précises sur Internet.

Que détestez-vous sur Internet ?
Le spam. C'est affreux.

Vous avez déjà acheté en ligne?
Des ordinateurs et un Palm pilot. Mais je pense que je n'achéterai par exemple jamais de vêtements. C'est trop tactile. Sinon, j'utilise souvent Aquarelle pour envoyer des fleurs à ma future femme. C'est un peu cher mais leur marketing est vraiment très bon et ils font preuve d'originalité.

Huy Nguyen Trieu , 27 ans est Polytechnicien, diplômé de l'Ecole des Ponts et Chaussées et titulaire d'un Masters du MIT/Sloan School of Managment. Avant de fonder Ukibi, il a notamment travaillé au développement commercial chez Trilogy Software.





 

Dossiers

Marketing viral

Comment transformer l'internaute en vecteur de promotion ? Dossier

Ergonomie

Meilleures pratiques et analyses de sites. Dossier

Annuaires

Sociétés high-tech

Plus de 10 000 entreprises de l'Internet et des NTIC. Dossier

Prestataires

Plus de 5 500 prestataires dans les NTIC. Dossier

Tous les annuaires
 
 

Sondage

Ce qui vous a le plus embêté avec le bug de Google :

Tous les sondages