Comment
est né le jeu Banja et quels moyens lui ont été
consacrés?
Olivier
Janin. L'idée originale du jeu est née au moment même
où nous avons créé cHmAn, puisque les premiers dessins du
jeu datent de 1998. Cette année-là a été consacrée
à la conception de l'univers graphique et des personnages.
En 1999, nous avons réalisé un gros travail technologique
sur Flash, sur la base de données et aussi sur les échanges
entre les joueurs et le serveur afin de proposer des parties
personnalisables. Depuis le début de l'année 2000, nous étions
en phase de production, puisque nous allons proposer un total
de douze épisodes qui s'étaleront sur deux ans pour un budget
assez conséquent.
De
quel ordre?
Sans
rentrer dans les détails, je dirais aux alentours de 20 millions
de francs, ce qui représente le budget de développement d'un
jeu vidéo classique.
Où
en êtes-vous du développement de Banja ?
Nous sommes en train de diffuser l'épisode quatre de la série
et nous produisons l'épisode cinq. Nous opérons comme
s'il s'agissait d'une saison, la première de Banja. La série
est diffusée à l'étranger grâce à des partenaires diffuseurs
à qui nous vendons une licence d'exploitation exclusive selon
les versions linguistiques. Nous avons par exemple signé un
premier contrat avec Terra Networks (la filiale Internet de
l'opérateur espagnol Telefonica), qui a acquis une
licence d'exploitation pour les versions espagnole et portugaise,
avec une exclusivité sur l'Amérique du sud. Ce contrat est
assez important et se chiffre à plusieurs millions de francs
et nous sommes actuellement en cours de discussion pour en
signer quatre ou cinq autres à travers le monde. Pour l'Europe,
nous négocions avec de gros portails diffuseurs orientés soit
vers les jeux vidéos, soit vers du généraliste, mais également
avec des japonais et des américains. Quatre ou cinq contrats
de ce type nous permettraient de rentabiliser les coûts de
production de toute la série.
Qu'attendez-vous
de Banja ?
Banja est, à moyen terme, au cur de notre stratégie. Par
ailleurs, nous envisageons d'exploiter l'univers de Banja
sur d'autres supports en dehors du web. Aujourd'hui, nous
bénéficions d'un appel d'air rendu possible grâce à Internet.
Nous totalisons 50.000 inscrits sur Banja (dont 80% sont français)
sans aucune campagne de promotion, et on envisage de réaliser
une version multi-joueurs sur console connectée. Nous discutons
notamment avec le programme d'incubation de la future console
X-Box de Microsoft, tout en rencontrant également des gens
de chez Playstation. Nous n'avons pas encore choisi la plate-forme,
mais une chose est sûre : Banja est appelé à migrer
sur d'autres supports, au même titre qu'Internet s'ouvre sur
de nouvelles applications. D'autre part, nous envisageons
de porter l'univers de Banja en direction de la télévision,
sous la forme d'un film d'animation. Nous nous dirigeons dans
le domaine du narratif, dans un corps de métier qui n'est
pas le notre à l'origine. Il s'agirait en l'occurrence d'une
pure série télévisée. La télévision japonaise nous a même
fait une proposition, suite au Prix du meilleur design étranger
que nous avons reçu de la aprt de la chaîne NHK, ce
qui est valorisant pour nous dans un pays comme le Japon.
Nous allons également nous déplacer aux Etats-Unis pour rencontrer
des interlocuteurs américains. Aujourd'hui il y a un appel
d'air de la télévision autour de la technologie Flash, d'autant
qu'il existe des passerelles techniques entre le Flash et
la télévision. Ca ne pose aucun problème de développer en
Flash et en 3D, puis de passer au petit écran. Il faut
simplement créer une base commune de façon à réaliser des
économies d'échelle entre des contenus dédiés au web et les
contenus dédiés à la télévision.
Pour
vous, quel est l'avenir du format Flash ?
Je pense qu'il a encore un bel avenir. L'animation en Flash
est devenu l'une des phases clé dans la création de contenu
interactif. Dans le domaine des consoles de jeu, nous travaillons
également en programmation C et C++. Flash vient maintenant
s'intégrer dans une chaîne logicielle beaucoup plus dense
qu'il y a deux ans, lorsqu'il était unique.
Qu'a-t-il
apporté au monde de la programmation ?
Au niveau de la programmation, nous inaugurons une nouvelle
approche héritée du web et des réseaux. Dorénavant, nous pensons
et concevons un jeu en pensant d'abord à sa composante communautaire
avant de réfléchir uniquement au Gameplay. Aujourd'hui, beaucoup
de jeux vidéo sont jouables en réseau, même si ce dernier
sert avant tout à trouver un adversaire. La principale composante
de notre réseau, c'est d'abord d'intégrer une communauté au
sein de laquelle le joueur trouve des divertissements. Le
chat que nous avons lancé en version de test, juste avant
Noël, est une composante primordiale de Banja, qui permet
aux joueurs de se connaître et d'adhérer à un état d'esprit
tout en se divertissant au sein d'un univers. Certaines actions
du joueur dans sa partie individuelle ont des implications
dans les parties des autres joueurs. Les joueurs ont des rendez-vous,
il y a des événements, dans chaque épisode se créée
une sorte de dynamique communautaire au sein des forums et
des chat. Si bien que les joueurs peuvent discuter de leurs
avancées individuelles et communes dans le scénario.
Quelles
sont les prochaines étapes du développement de la société?
L'année 2000 a été une année vraiment charnière pour nous,
dans la mesure où après avoir validé toutes les technologies
mises au point en 1999, nous avons également dû assurer le
financement de Banja. Au début de l'année, nous avons fait
appel à des investisseurs institutionnels, qui sont rentrés
dans le capital de à hauteur de 20%. Nous avons produits Banja
à partir du début de l'été et depuis, nous nous sommes presque
entièrement consacrés à la production de la série. Aujourd'hui,
nous entrons dans une phase inverse où l'équipe Banja est
constituée, où on commence à ressortir la tête pour se consacrer
à d'autres projets que nous avions dans nos cartons et dont
la conception est terminée. Il y a d'une part des projets
dans le même domaine de l'animation dédiée au web, avec trois
projets en cours de conception et début de réalisation, entre
série animée et jeu multi-joueurs. Nous travaillons à la fois
sur les univers graphiques tout en continuant à développer
des technologies de jouabilité, de jeu en multi-joueurs et
de communauté. Ces projets seront réalisés courant 2001, pour
une sortie en 2002. D'autre part, nous avons aussi un gros
travail en direction de la télévision, au niveau de l'animation.
Pour
quand, la télévision ?
C'est un projet qui va se faire en deux temps. Une première
version test devrait voir le jour sous la forme de cinq épisodes
d'une durée de une minute. Nous devrions ensuite passer à
une phase de production, à l'horizon 2003, dans un format
treize minutes (pour 52 épisodes).
Allez-vous
changer de structure ?
Nous jouerons dans ce cas là un rôle de producteur.
Donc, au niveau de l'équipe, nous passerons certainement par
des structures extérieures en co-production sur ce projet
pharaonique d'animation. Nous avons conscience que ce métier
n'est pas le notre à l'origine et que le secteur est déjà
bien rodé. Nous essayons pour le moment de nous entourer de
partenaires et d'interlocuteurs efficaces, de gens qui sont
issus de ce métier et qui en connaissent tous les tenants
et aboutissants.
Placez-vous
Internet au cur de vos futurs projets ?
Tout à fait, la cohérence multi-supports ne veut pas dire
repiquer des épisodes télé sur Internet. Notre objectif est
de trouver une dynamique dans le temps entre le web et le
reste. Nous avons d'ailleurs un premier projet sur console
d'un jeu multi-joueurs à huit personnes qui devrait nous prendre
huit à dix mois de développement. Sur le web, on gardera l'aspect
communautaire. Par ailleurs, une fois les douze épisodes de
Banja terminés, les joueurs disposeront d'un vaste monde administrable
que nous gérerons à volonté et dans lequel nous pourrons créer
de nouveaux événements, relancer des scénarios, etc.
Avez-vous
des liens privilégiés avec Macromedia ?
Macromedia nous a régulièrement attribué des awards "Macromedia
site of the day" ou "site de la semaine" en France, en nous
signalant par la même occasion que nous travaillions dans
la bonne voie. Nous les avons rencontrés à plusieurs reprises,
même si nous avons peu de relation avec Macromedia France.
Nous avons par contre des contacts étroits avec l'équipe de
San Francisco, qui connait bien le travail que nous faisons
et avec qui nous communiquons de façon régulière. Il n'y a
aucun accord de partenariat formel, simplement un accord tacite
: ils observent nos réalisations, nous les tenons au courant,
et ils nous ont notamment choisis parmi différentes structures
pour être les bêta testeurs de Flash 4 et de Flash 5. Ca n'est
pas un partenariat avec des objectifs, mais plus un partenariat
qui se créé dans le temps.
Qu'est
ce qu'apporte Flash ?
Je ne dirais pas que Flash est une révolution en lui-même.
C'est vraiment un excellent outil et je crois qu'il a grandement
participé à faire bouger le web, au sens propre comme au sens
figuré. D'une part, à l'animer en tant que tel, et d'autre
part, à démontrer aux gens, pour qui Internet était avant
tout un assemblage commercial de pages fixes extrêmement rubriquées,
que c'est aussi un formidable outil de divertissement avec
aujourd'hui de l'animation illustrée et demain de l'animation
vidéo. Flash a été un catalyseur et c'est encore une pierre
d'angle. Il y a de plus en plus de sociétés et de structure
qui s'en servent. C'est un format auquel je souhaite un bel
avenir, il a réussi à attirer l'attention des internautes
sur une autre forme d'utilisation du web.
Quels
sont vos prévisions pour l'avenir ?
Nous tablons sur un chiffre d'affaires de 20 millions de francs
pour 2001. En 2000, il n'était pas vraiment significatif dans
la mesure où nous avions une grosse mobilisation de production,
en particulier par rapport à Banja. Nous n'envisageons pas
de faire de nouveaux tours de table ni de refaire appel à
des investisseurs, et nous n'envisageons pas non plus d'entrée
en Bourse pour le moment. Nous avons simplement envie de créer
autour de Banja, puis autour d'autres univers graphiques et
artistiques, la dynamique est déjà présente, à nous de bien
la gérer.
|