Interview : Lionel Jospin
2. Internet et l'économie
"Il ne faut pas qu'un excès de pessimisme succède à un enthousiasme parfois déraisonnable"

 

1. Bilan
et projet
2. Internet
et l'économie
3. Internet
et la politique
"Je veux que l'Etat continue à donner l'exemple et à se mobiliser" "Il ne faut pas qu'un excès de pessimisme succède à un enthousiasme parfois déraisonnable" "La gauche a une vision plus globale des enjeux de l'internet"

JDNet. Avec le recul, comment jugez-vous le phénomène de la Nouvelle économie ?
Lionel Jospin. La vague de création d'entreprises nouvelles dans l'internet à laquelle nous avons assisté dans notre pays à la fin des années 90 et au début de 2000 s'est bien sûr accompagnée d'excès, notamment en termes de valeurs boursières. Les ajustements souvent sévères intervenus dans le secteur traduisent, avant tout, un retour aux fondamentaux économiques qui s'imposent à tout entrepreneur et à toute entreprise.

Mais je ne veux pas qu'un excès de pessimisme succède à un enthousiasme parfois déraisonnable, ni, surtout, que l'on oublie que cette période restera comme l'expression d'une extraordinaire poussée créatrice qui a sans doute peu de précédents dans notre pays. Pour une génération de jeunes, d'innovateurs, l'expérience a été intense, formatrice et, je crois, au total très positive. Elle montre son goût d'entreprendre, son talent, une volonté de prendre des risques dans des activités à forte croissante mais aussi à forte incertitude.

C'est un dynamisme que nous avons accompagné et favorisé - n'oubliez pas que c'est mon gouvernement qui a créé le dispositif des BSPCE, ou les contrats d'assurance-vie dits "DSK", qui favorisent l'accès au capital des entreprises innovantes. Autant d'instruments qui ont concrètement contribué à faire changer une situation marquée, en 1997, par une pénurie de capital-risque dans notre pays et le manque d'instruments fiscaux adaptés.

En novembre 2001, vous avez affirmé lors d'une conférence de l'EBG la nécessité de "refuser un pessimisme morose et affirmer, lucidement, le fort potentiel de développement dont disposent (…) les nouvelles technologies". Comment combattre ce pessimisme-là?
C'est d'abord une question d'état d'esprit. Il y a eu une "bulle" médiatique et boursière qui s'est dégonflée. Mais la réalité de la "vague Internet" demeure entière. Les mutations produites par des percées technologiques qui vont changer fondamentalement nos manières de produire, de communiquer ou d'acheter se poursuivent. Même si les mutations n'ont pas été si rapides que certains le pensaient, il ne faut pas perdre cette vision de l'avenir. Les technologies évoluent vite, cela crée des usages nouveaux pour tous et des marchés nouveaux pour les entreprises. Les entrepreneurs que je rencontre dans mes déplacements en témoignent régulièrement.

Que peuvent ou doivent faire les pouvoirs publics face à cette crise?
Maintenir leur soutien en adaptant les outils d'accompagnement. C'est le sens de l'enveloppe de 150 millions d'euros consacrée au soutien aux PME que nous avons mobilisée à l'automne, ou du fonds de co- investissement créé au début de cette année pour aider les jeunes entreprises à forte composante technologique à compléter leurs "tours de table". L'innovation, dans toutes les entreprises et particulièrement les PME, doit être encouragée avec beaucoup de vigueur. C'est une des priorités de mon programme.

On considère en général que les jeunes entreprises technologiques ont besoin pour leur développement d'être très réactives, très "souples". Etes-vous d'accord avec cette idée?
Certainement : les entreprises ont besoin d'être réactives, c'est la règle en économie de marché et c'est encore plus le cas dans les secteurs qui bougent vite ! Nos lois doivent permettre cette souplesse tout en apportant les protections que souhaitent nos concitoyens, notamment en matière de droit du travail.

En d'autres termes, nous devons concilier l'impératif de compétitivité avec celui de la solidarité. C'est le sens de mon action.

Quelles mesures comptez-vous prendre dans le domaine de la recherche, et notamment celle orientée vers les NTIC ?
J'ai déjà eu l'occasion de dire que la recherche publique et l'innovation dans les entreprises font partie de mes toutes premières priorités, notamment en matière d'utilisation de nos marges de manœuvre budgétaires.

Depuis cinq ans, nous avons engagé un effort très important, qu'il faudra poursuivre, de déploiement de nouveaux moyens sur deux domaines : les NTIC et les sciences du vivant.

La recherche publique dans les technologies de l'information a vue ses moyens accrus, avec des augmentations de crédits, des recrutements de chercheurs, et la création d'un nouveau département spécialisé au sein du CNRS. Nous avons renforcé nos centres d'excellence, comme les centres de calcul nationaux, le CEA ou l'INRIA dont les effectifs auront augmenté de près de 60% en quatre ans. Et nous aurons accéléré les performances de la connexion informatique entre les centres de recherche et d'enseignement supérieur (Renater), projet auquel nous avons consacré des moyens financiers importants.

Nous avons aussi beaucoup fait avancer la coopération entre recherche publique et entreprises privées. Les réseaux de recherche et d'innovation technologique mis en place ont permis de nouer de nombreux partenariats entre recherche publique et tissu industriel. Pour le seul secteur des sciences et technologies de l'information et de la communication, ce sont plus de 300 projets communs qui ont ainsi été soutenus, représentant un effort de recherche et développement de plus de 530 millions d'euros. Et la loi Allègre a permis de multiplier les passerelles entre recherche publique et développement d'entreprises dans les carrières de chercheurs.

Cet effort volontariste, j'entends le poursuivre en m'inspirant de l'objectif consacré au sommet européen de Barcelone d'atteindre 3% du PIB pour les dépenses de recherche. En la matière, les technologies de l'information continueront d'être pour moi un domaine prioritaire.

La brevetabilité des logiciels fait actuellement l'objet d'un débat. Quelle est votre position ? Et quelles mesures souhaitez-vous adopter en faveur des logiciels libres ?
Avant d'instaurer la protection du logiciel par le brevet, comme les Etats-Unis le souhaiteraient, il faudrait s'assurer que son absence est vraiment pénalisante pour les éditeurs européens de logiciel. Les études économiques conduisent plutôt à penser que les brevets logiciels sont aujourd'hui une arme aux mains des grandes entreprises, qui en usent pour bloquer l'innovation ou pour limiter le recours aux logiciels libres. Par ailleurs, le logiciel bénéfice déjà de la protection par le droit d'auteur.

Les négociations en cours au plan européen ont conduit mon gouvernement, par la voix de Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, à refuser la brevetabilité du logiciel tant qu'il n'est pas démontré qu'elle pourrait favoriser effectivement l'innovation.

Abordons à présent la question du logiciel libre. Le succès du logiciel libre est l'une des innovations sociales les plus marquantes des vingt dernières années. Il installe au cœur de l'économie les conventions et les manières de faire caractéristiques du monde de la recherche et de l'université : l'échange, l'émulation, la coopération distribuée. Pour moi, le logiciel libre est une "brique de base" pour l'émergence d'une société de l'information solidaire et ouverte.

Le développement de l'administration électronique repose sur l'interopérabilité et la transparence des outils utilisés : ce sont justement les deux points forts des logiciels libres. C'est pourquoi le gouvernement a mené depuis 1997 une politique de promotion active des logiciels libres, de formation et de recours croissant à ces solutions. Je note d'ailleurs que ces logiciels constituent près du quart des projets soutenus par le réseau national pour les technologies logicielles, créé en 2000.

Vous affirmez que la France doit faire de la formation tout au long de la vie une des priorités des prochaines années. Comment assurer la formation permanente des salariés?
C'est pour moi un des sujets les plus importants pour les prochaines années. Les métiers se transforment rapidement, au rythme de l'innovation technologique et des mutations des marchés. Chacun doit pouvoir participer à ces changements et valoriser son talent en faisant évoluer ses qualifications. Je veux donner à tous la garantie personnelle de pouvoir le faire tout au long de leur vie active.

Pour mettre en place ce droit nouveau, je souhaite que chaque salarié acquiert un compte formation qui, un peu comme un compte-épargne, comportera des droits à la formation qu'il pourra utiliser pendant toute sa carrière, y compris les périodes de chômage. Ce grand projet devra associer les partenaires sociaux, l'Etat et les régions. J'inviterai donc le gouvernement à aborder cette question lors de la conférence économique et sociale nationale que je souhaite voir se réunir dès le début de la prochaine législature.

En parallèle, pour mettre en place les moyens d'accueil de tous ceux qui souhaiteront bénéficier de ce nouveau droit, je propose de faire travailler en cohérence l'ensemble des outils d'enseignement professionnel dont dispose notre pays. Il s'agit de rendre plus efficaces tous les moyens disponibles, à tous les niveaux de qualification et dans toutes les formes d'apprentissage.

Estimez-vous nécessaire de favoriser les nouvelles façons de travailler que permettent les nouvelles technologies et auxquelles aspirent les Français (le télétravail notamment)?
J'observe avec intérêt le développement de ces formes de travail nouvelles, qui ne sont pas encore très répandues mais prendront sans doute plus d'ampleur dans les années à venir. Il appartiendra en premier lieu aux partenaires sociaux d'en délibérer, y compris à l'échelle européenne, afin que ces phénomènes se développent sur la base du libre choix des salariés et ne se traduisent pas par de nouvelles formes de précarité.

Fin de l'interview >>

1. Bilan
et projet
2. Internet
et l'économie
3. Internet
et la politique
"Je veux que l'Etat continue à donner l'exemple et à se mobiliser" "Il ne faut pas qu'un excès de pessimisme succède à un enthousiasme parfois déraisonnable" "La gauche a une vision plus globale des enjeux de l'internet"

  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International

 

Dossiers

Marketing viral

Comment transformer l'internaute en vecteur de promotion ? Dossier

Ergonomie

Meilleures pratiques et analyses de sites. Dossier

Annuaires

Sociétés high-tech

Plus de 10 000 entreprises de l'Internet et des NTIC. Dossier

Prestataires

Plus de 5 500 prestataires dans les NTIC. Dossier

Tous les annuaires
 
 

Sondage

Ce qui vous a le plus embêté avec le bug de Google :

Tous les sondages

 
 
Nos autres sites Société | Contacts | Publicité | PA Emploi | Presse | Recrutement | Tous nos sites | Données personnelles
© Benchmark Group, 69-71 avenue Pierre Grenier, 92517 Boulogne Billancourt Cedex