Peu
convaincu de la capacité de l'américain MMXI à
établir rapidement une norme fiable, Michael Künze,
l'animateur du principal institut de mesure d'audience internet
allemand,
IVW,
lance un appel aux autres instituts européens
pour l'établissement d'une norme européenne de décompte
de l'audience "qui permette à tout le monde de participer".
Propos recueillis par Jérôme
Botiba
le 12 janvier 2000
.
JDNet : Qui est IVW exactement ?
Michael Kunze : IVW a été
fondée en 1949. C'est l'association de différente
syndicats professionnels de l'édition. Aujourd'hui, on
y trouve notamment l'Union des industries allemandes des médias,
l'Union des éditeurs de journaux ainsi que celle des éditeurs
de magazines, l'Union des acteurs TV et radios, et enfin l'Union
allemande du Multimédia. Nous sommes le seul Institut contrôlant
l'audience papier. Depuis 1996, nous proposons aux sites Internet
de publier et certifier leur audience sur notre site. Actuellement,
sur environ 3.000 sites en Allemagne, il y en a 1.000 à
peu prés qui sont supports du pub. Nous en vérifions
220, les plus gros.
Comment
peut on recourir aux services d'IVW?
Il suffit de rentrer dans l'association qui est ouverte à
tous les sites qui affichent de la publicité qui n'est
pas la leur. C'est notre seule condition. Nous ne pouvons pas
par contre contrôler la fréquentation d'un site d'entreprise
qui serait purement marketing.
Pouvez
vous préciser la teneur de vos services ?
Nous fournissons gratuitement à nos membres un logiciel
qui calcule et enregistre toutes les données que nous publions
ensuite sur notre page. Nous ne faisons pas de l'audit simplement
suivi d'une certification. Nous nous occupons beaucoup de tout
ce qui touche aux question de proxys et de caches notamment. Cela
se détache un peu notamment de ce que fait la Sofres en
France. La différence, c'est que nous prenons en compte
le risque de manipulation. Il est très facile de manipuler
sur Internet. Autant cela peut sembler difficile en édition
papier où, pour exagérer les ventes, il faut par
exemple produire plus d'exemplaires quitte à ne pas les
vendre. Cette pratique a une limite naturelle qui sont les coûts
d'impression supplémentaire. Mais sur Internet, cette limite
n'existe pas. De simple requêtes d'impression peuvent être
lancées sans véritable coôt. Les chiffres
peuvent être aisément faussés.
Quelle
est votre solution ?
Pour limiter les risques, nous mettons en place en système
de mesure que nous plaçons sous notre contrôle. Par
ailleurs, nous effectuons actuellement quatre contrôles
par an auprès des différents sites. Ce sont ces
contrôles que les abonnés payent. Tout le reste,
la mise à disposition du logiciel et la diffusion sur notre
site, est gratuit. Nous mettrons en place prochainement un système
de mesure en temps réel. Il y aura alors des contrôles
quotidiens. Notre credo, c'est qu'il faut contrôler systématiquement
pour obtenir des informations vraiment fiables.
Les
cotisations suffisent-elles à assurer votre financement?
Tout a fait ! Nous ne cherchons pas à faire des bénéfices.
Bien sûr, nous ne devons pas non plus être déficitaires.
Nous avons donc toujours un résultat légèrement
positif. Mais cela nous sert essentiellement à développer
notre activité de mesure. Par ailleurs, nous répercutons
nos bénéfices en baissant les cotisations d'une
année sur l'autre.
Comment
voyez vous l'arrivée de MMXI sur le marché européen
?
(Rires) Je me disais bien... Ils sont partout en ce moment.
Cela nous intéresse beaucoup bien évidemment ! Le
fait est que le marché a besoin de données démographiques.
Et l'analyse des connexions calculées depuis le site visité
ne peut les fournir.
MMXI
fournit de telles données grâce au système
de panel. Certains murmurent que leur panel est perfectible. Qu'en
pensez-vous ?
MMXI a des problèmes. Commençons par la taille de
leur panel. Même si le chiffre de 3.000 panélistes
annoncés pour chacun des trois pays concernés (France,
Allemagne, Angleterre) est atteint, ce qui coôte très
cher, le panel demeure insuffisant pour représenter statistiquement
l'ensemble des populations d'internautes de ces trois pays (10
millions environ en Allemagne, 5,7 millions en France et 12 millions
au Royaume Uni, ndlr). Il leur faudrait plutôt un panel
de 30.000 personnes. Le deuxième point douteux est le fait
que MMXI ne prenne pas en compte dans son panel, les internautes
au bureau, ce qui représente en Allemagne environ 60% de
la consultation Internet. Comment peut on vouloir émettre
des chiffres fiables sur une telle base ? Et
cela me semble d'autant plus regrettable que MediaMetrix a de
grosse responsabilités puisqu'il influence le marché
par ses résultats.
Quelle
évolution alternative voyez-vous ou proposez-vous?
Deux choses: premièrement, notre système de mesure
d'audience en temps réel va être mis très
bientôt en place. Deuxièmement, le système
de panel nous parait trop classique. Il existe en ce moment un
logiciel que l'on appelle "n Viz" (énième visiteur).
Ce logiciel établit des questionnaires en ligne qui sont
peu onéreux et fournissent des informations de type démographique.
L'inconvénient classique de tels questionnaires en ligne
est le phénomène d'auto sélection. Ce sont
les mêmes internautes qui ont tendance à répondre
plusieurs fois au questionnaire, les autres étant sous
représentés. Le problème est résolu
par ce logiciel qui permet de sélectionner en quelque sorte
l'internaute en ne présentant le questionnaire que tous
les énièmes visiteurs. On obtient alors des échantillons
propres. Ce système a été testé et
comparé avec des données obtenues au cours d'interviews
téléphoniques. Les variations enregistrées
sont de l'ordre de plus ou moins 2% ce qui est très bon.
Je crois que la meilleure voie consiste donc dans le mix de données
IVW et de données démographiques.
Le
positionnement d'IVW par rapport à l'information?
Nous comptons mettre ces procédés en place et nous concentrer
que sur la capture de données. Nous remettrons les informations
brutes à des instituts statistiques qui se chargeront de les analyser.
On
vous reproche ici en Allemagne de vouloir évoluer vers un système
propriétaire...
Ce n'est pas vrai, notre démarche est inverse. MMXI par
exemple tient à installer en Europe le système américain
"du plus fort installe sa norme", son standard propriétaire.
De nombreuses entreprises Internet américaines disposent
d'un trésor de guerre faramineux grâce à leurs
énormes capitalisations boursières. Et elles achètent
en Europe à tour de bras pour se payer des parts de marché.
Par là même, elles sont aussi tentées d'influencer
le marché. Et cela ne nous parait pas judicieux. Nous serions
heureux si les instituts de mesure d'audience européens
se mettaient rapidement d'accord sur une norme européenne.
Nous pensons au sein de IVW qu'il faut établir des standards
ouverts sur lesquels tout un chacun puisse travailler, auquel
tout le monde puisse vraiment participer et qui soit une garantie
de juste concurrence. Cela se présente bien d'ailleurs.
Les Espagnols et les Autrichiens veulent déjà prendre
part à notre système ainsi que la Hongrie. La Grande-Bretagne
semble y penser sérieusement. Ce serait bien que la France
aussi, où les normes sont très diverses il me semble,
puisse réussir à mettre en place une norme commune.
De
qui s'agit-il dans chacun de ces pays ?
D'instituts semblables au nôtre qui pourraient fédérer
les mesureurs d'audience autour d'une norme commune. Par exemple
la norme IVW peut fonctionner pour toute l'Allemagne déjà,
pour la Suisse et l'Autriche.
Qu'aimez-vous
sur Internet ?
Le développement de nouvelles formes de communautés et de communication
qui étaient impossibles dans les autres médias.
Que
détestez vous ?
Les mails non désirés. Le spam.
Faites vous des achats sur Internet
?
Des logiciels, des CD audio et peut être bientôt une voiture.
Quelle
est votre site d'informations préféré?
News.com
Votre
page préférée en général ?
http://slashdot.org
IVW
est le premier institut de contrôle de l'audience allemand.
L'institut compte 30 collaborateurs dont 4 se consacrent à
l'Internet. Michael Kunze dirige le Testcenter d'IVW Online à
Cologne. Etudiant en physique, il travaille depuis neuf ans comme
journaliste dans le domaine des technologies de l'Information
et des nouveaux médias pour C`T et Spiegel Online entre
autres. Il a développé en 1996 le concept de la
mesure d'audience qui a été adopté par IVW.
Il poursuit les deux activités -journaliste et de directeur
technique d'IVW Online- en parallèle.