INTERVIEW
 
Délégué Permanent
Association des Fournisseurs d'accès (AFA)
Jean-Christophe
Le Toquin

"Titre"
L'interconnection forfaitaire illimitée, le haut débit en France, la croissance de l'Internet en France, etc. Autant de sujets que traite l'Association française des Fournisseurs d'Accès et de Services Internet (AFA, lire la fiche de présentation dans l'Annuaire des associations du JDNet)). Elle regroupe les prestataires techniques Internet autour de quatre métiers spécifiques : les réseaux IP, l'hébergement, l'accès, les portails et les moteurs de recherche. L'association comprend actuellement une vingtaine de membres, dont les plus grands FAI (Wanadoo, LibertySurf, AOL, etc.). 14 juin 2001
 
          

JDNet. Quels intérêts défendent les membres de l'AFA dans le débat autour de l'interconnection forfaitaire illimitée (IFI) ?
Jean-Christophe Le Toquin. Nous nous battons pour que l'IFI n'ait pas de répercussions économiques sur nos business models. Et que l'offre soit présentée dans des conditions économiquement saines. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'Autorité de régulation des télécommunications (ART) a indiqué que le prix pour l'utilisateur final tournera autour de 180 francs. Mais, à l'heure actuelle, on ne connaît toujours pas le prix que propose France Télécom aux opérateurs FAI. Nous ne voulons pas subventionner l'offre sur nos fonds propres. Il faut déterminer la période où l'IFI sera appliquée, quel délai entre la demande des FAI pour les installations et la livraison, à quel prix et pour quelle zone territoriale.

Qu'attendez-vous de France Télécom sur ce dossier ?

La seule offre que nous connaissons actuellement concerne les 800 commutateurs locaux d'abonnés mais elle ne sert à rien, car aucun opérateur n'a accès à ce niveau de télécommunication compte tenu de la finesse de l'architecture. Nous attendons que France Télécom fasse une offre de rapatriement de trafic téléphonique au niveau régional (18 commutateurs de transit ou points d'accès régionaux), où tous les opérateurs peuvent se raccorder. Lorsque l'opérateur historique communiquera ses tarifs pour amener du trafic de l'abonné à ces points régionaux, nous aurons une idée plus précise du prix que devra verser l'utilisateur final.

Quand comptez-vous obtenir une réponse ?
Nous n'avons plus de visibilité. France Télécom devait présenter son offre régional le 27 avril dernier. Puis cela a été repoussé et nous n'avons toujours rien. L'échéance de septembre est définitivement enterrée. Maintenant, il faut regarder à l'horizon début 2002 mais là encore, tout dépend des délais de livraison.

D'après vous, l'IFI pourrait devenir un enjeu pour la prochaine élection présidentielle ?
Difficile à dire. Une impulsion politique pourrait faciliter les choses. Mais il nous manque des éléments. Peut-être que France Télécom a une architecture réseau qui ne permet pas d'offrir ce modèle, contrairement à celle du Royaume-Uni. Dans ce cas, une volonté politique ne servira à rien. C'est un sujet technique et économique complexe. Mais à priori, c'est possible. Et France Télécom s'est clairement exprimé en faveur de ce modèle.

En quoi l'IFI peut changer le "business model" des FAI ?
Cela va avoir peu de répercussion étant donné qu'il repose sur les système de forfaits. Le concept du reversement (de l'opérateur télécom vers le FAI) était lié au système de connection Internet à la minute, qui ne tient plus avec le développement des forfaits Internet. Le système a été inversé : c'est le FAI qui facture directement et reverse à l'opérateur téléphonique le prix des communications. Maintenant, on achète des grandes quantités de volumes de communication Internet et les FAI peuvent avoir des réductions.

Comment est apparu le tarif "180 francs pour les utilisateurs finaux"?
C'est Jean-Michel Hubert, président de l'ART, qui a envisagé en premier une offre à 180 francs qui n'a jamais été discutée au sein d'un groupe de travail. Nous nous sommes retrouvés devant le fait accompli.

Au sein de l'AFA, discutez-vous des modèles économiques et des perspectives de rentabilité liés aux FAI ?
Jusqu'à présent, chaque acteur avait une position bien précise. L'AFA ne pouvait pas prendre position, compte tenu de la variété des modèles économiques de ses membres. Avec le débat autour de l'IFI récemment enclenché, c'est la première fois que l'on s'engage sur ce terrain de la cohérence économique.

Comment qualiferiez-vous la croissance actuelle du nombre d'internautes en France ?
Tous les trois mois, l'AFA publie un baromètre à ce sujet. La courbe de progression est satisfaisante mais nous ne rattrapons pas forcément notre retard par rapport aux pays scandinaves... où la croissance continue parallèlement. Il y a eu un retard au démarrage mais, là encore, nous attendons beaucoup de l'IFI, qui va permettre de développer des offres claires qui vont rassurer les consommateurs.

Dans le domaine de l'Internet haut débit, que
pensez-vous du développement de l'ADSL en France ?
L'AFA n'a pas encore de position officielle sur ce sujet, si ce n'est que le haut débit et l'ADSL sont des voies à explorer. Le câble et l'ADSL sont des secteurs émergeants. Le dégroupage, attendu à la rentrée, devrait faciliter le développement de l'ADSL. Toutefois, le haut débit est un complément à l'IFI et non pas un substitut. Nous ne sommes pas encore penchés spécifiquement sur ce dossier. Nous devrions plancher dessus à la rentrée.

Compte tenu du mouvement de concentration dans le secteur des FAI, constatez-vous une baisse du nombre de membres au sein de l'AFA ?
Il est vrai que l'on aurait pu constater une baisse des cotisations compte tenu des fusions mais l'arrivée de nouveaux membres comme Kertel, FirstMark ou l'activité Wap de Bouygues Telecom (Sixième Sens) compense la baisse. Nous nous sommes élargis au monde des portails (Yahoo, Lycos, etc.) et des entreprises liées à l'Internet mobile.

Deux ans après le lancement du réseau Point De Contact, dédié à la lutte contre les contenus illégaux sur Internet, quel bilan en tirez-vous ?
Point de Contact s'adresse aux internautes choqués par le type de contenu que l'on peut trouver en ligne et qui veulent lancer une alerte. Chaque mois, nous recevons une cinquantaine de plaintes en provenance de France à propos de contenu sur le World Wide Web. Nous en avons reçu une soixantaine de plaintes au mois d'avril. L'essentiel concerne la pornographie infantile ou assimilée (une grosse dizaine). Les cas de discrimination et de haine raciale représentent une toute petite partie (moins de cinq par mois). On remarque que le principal pourvoyeur de ce type de contenu sont les Etats-Unis. Les plus grandes alertes sont transmises au réseau mondial Inhope (*). On sait maintenant que la pornographie s'affiche dans des réseaux "underground" ou "peer to peer", dans les chats. C'est difficile à repérer à moins d'ouvrir une coopération collective et internationale.

Avez-vous des prérogatives pour lancer une action judiciaire ?
Oui, si nous sommes mis au courant d'une affaire de crime au sens pénal du terme. Mais la pédophilie est considérée comme un délit et non comme un crime. Nous ne sommes pas tenus de dénoncer ces cas. Nous n'avons jamais eu de remontée de crime, dans le sens pénal, depuis la création de Points de Contact. Nous avons un rôle d'assistance. Nous pouvons transmettre un signalement aux membres de l'AFA s'ils sont concernés. Mais nous n'avons pas de missions éthiques, nous ne sommes pas une association de protection de l'enfance. Toutefois, nous avons ouvert une collaboration avec ce type de partenaires.

Quel est votre site d'information favori ?
La page par défaut lorsque je me connecte à Internet pointe sur Yahoo France.

Quel est votre site favori en dehors de vos activités professionnelles ?
J'aime beaucoup le site anglais de musique classique Gramophone.co.uk, qui a mis toutes ses chroniques en ligne. C'est un bel exemple du potentiel de l'Internet.

Vous avez quelle type de connexion Internet chez vous?
J'utilise un modem 56 K. Mais j'ai trois moyens différents de me connecter à partir de mon domicile.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
La richesse des bases de données.

Qu'est-ce qui vous irrite ?
Le sentiment de chapelle lorsque l'on voit des antagonismes entre Internet marchand et non marchand. Il y a de la place pour tout le monde sur Internet. On glisse de l'un à l'autre et c'est tant mieux.

*un point de contact (ou hotline) est une structure créée pour répondre à la présence de contenus illégaux sur Internet (pornographie enfantine essentiellement). Le réseau INHOPE compte aujourd'hui 14 hotlines membres ou partenaires dans les pays suivants : Allemagne Australie Autriche Danemark Espagne Etats-Unis France Irlande Norvège Pays-Bas Royaume-Uni et Suède.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Jean-Christophe Le Toquin, 30 ans, DESS de Propriété Industrielle et titulaire du Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat du barreau de Paris, a participé au lancement du fournisseur d'accès Havas On Line en 1996. Il a pris en charge fin 1997 l'animation de l'Association des Fournisseurs d'Accès à des Services en Ligne et à Internet, nouvellement créée, en tant que Délégué permanent. Il a été orésident de l'EuroISPA, la fédération européenne des fournisseurs d'accès et de services Internet, en 1999 et en 2000.

   
 
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