INTERVIEW 
 
Yannick Levy
PDG
DiBcom
Yannick Levy
"Nous tirerons des revenus de la télévision mobile dès cette année"
DiBcom, fournisseur français de puces DVB-H, a levé 24,5 millions d'euros l'an dernier. Un symbole des espoirs placés dans son marché. Son PDG explique comment il perçoit les débuts de la télévision mobile, en France et à l'étranger.
(30/03/2006)
 
JDN. Depuis quand la société DiBcom existe-t-elle et comment son positionnement a-t-il évolué ?
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Yannick Levy. La société a été créée en juin 2000. Elle était d'abord positionnée sur le marché de la télévision dans les voitures. Nous avons donc fourni des solutions, des puces permettant de recevoir la TNT dans les véhicules. Nous avons aujourd'hui des clients comme BMW, Volkswagen, Audi ou Mercedes. Puis nous nous sommes également positionnés sur le PC, toujours dans le domaine de la réception TV. Notre positionnement sur la TNT nous a fait évoluer vers le DVB-H, qui est l'application mobile de la télévision numérique terrestre. Ainsi, en février 2005, nous avons été les premiers à proposer une puce pouvant être intégrée dans les téléphones portables et permettant de recevoir la télévision. Le développement de ce marché nous fait entrevoir de fortes possibilités de croissance.

Quels sont vos atouts sur le marché de la télévision mobile ?
Tout d'abord, nous n'avons pas identifié de concurrent sérieux, pour le moment, sur le marché. Certains ont annoncé leur intention de proposer des solutions de télévision mobile, comme Texas Instruments, mais aujourd'hui, notre part de marché ne doit pas être loin des 100 %. Ensuite, nous offrons une solution performante, qui permet une bonne réception en mobilité, à des coûts très faibles.

Comment fonctionne votre offre ? Avec qui travaillez-vous ? Et qu'en est-il des coûts pour vos clients ?
Nous travaillons essentiellement avec les constructeurs de terminaux, à qui nous proposons une solution globale : une puce DVB-H qui permet donc la réception de la télévision en TNT et le décodage vidéo, disponible pour moins de 10 dollars, ce qui est très raisonnable. Il faut se rappeler que les premières caméras intégrées à un téléphone portable coûtaient 70 dollars. La télévision mobile coûte donc nettement moins cher et les prix devraient encore baisser. Nous travaillons également, parfois, avec les opérateurs, avec lesquels nous pouvons interfacer. Pour le déploiement du réseau, nous estimons que notre solution réduit les coûts de moitié : avec notre puce DVB-H, déployer un réseau revient à 500 millions d'euros au lieu d'un milliard.

Vous ne fontionnez qu'avec la norme DVB-H, alors que les expérimentations sur la télévision mobile, en France, concernent également une autre norme, la T-DMB, et que dans d'autres pays, comme la Corée, c'est cette même norme qui a été choisie. N'est-ce pas un peu risqué ?
Le DVB-H a fait la différence"
Non. Tout d'abord parce qu'en Europe, on s'oriente massivement vers le DVB-H, qui permet de recevoir plus de chaînes à la fois : une trentaine contre une dizaine seulement avec le DMB. Six mois après le début des expérimentations, tout le monde s'accorde à dire que le DVB-H a fait la différence. Un récepteur DVB-H est moins consommateur d'énergie, environ cinq fois moins, ce qui permet aux batteries de fonctionner plus longtemps. De plus, la norme DVB-H permet de réaliser de vraies économies dans le déploiement du réseau. Nokia avait calculé que déployer un réseau de télévision mobile en DVB-H coûtait sept fois moins qu'en DMB. Nous estimons pour notre part que le prix est divisé par trois à cinq. Et puis, même en Asie, le DMB n'est pas certain de dominer le marché puisque des pays comme Taiwan ont adopté le DVB-H. En Chine, également, de nombreuses régions pourraient adopter le DVB-H. Enfin, aux Etats-Unis, il existe un débat entre le DVB-H et la technologie propriétaire de Qualcomm, MediaFLO, mais le plus probable est que les deux cohabiteront, comme les normes de téléphonie mobile GSM et CDMA.

De nombreux marchés potentiels, donc. Etes-vous implantés à l'international ?
Oui, nous sommes notamment présents à Taiwan, en Chine, en Corée du Sud, aux Etats-Unis et, en Europe, en Suède. Notre implantation en Corée peut paraître surprenante puisque ce pays a adopté une norme différente du DVB-H, mais les opérateurs coréens sont extrêmement puissants et la Corée ne représente que 5 % de leur activité. Ils sont donc intéressés par notre solution.

En France, vous avez été fortement impliqués dans les récentes expérimentations. Quel bilan en tirez-vous ?
En effet, nous avons participé aux expérimentations aux côtés de TDF, mais aussi de TPS, TF1, Bouygues, Orange et M6. Les premières conclusions sont formelles : la technologie est prête. Nous devons néanmoins nous améliorer sur la qualité de la réception de la télévision mobile à l'intérieur des bâtiments. C'est le point-clé mis en avant par ces expérimentations : les gens consomment aussi chez eux, au travail ou dans les transports. Il faut donc soigner la qualité de la réception en indoor et assurer une meilleure couverture. Mais cela ne dépend pas que de nous. Nous ne pouvons pas faire de miracle sur la seule puce DVB-H, il faut une infrastructure réseau pré-existante.

40,2 millions d'euros levés en cinq ans"
L'an dernier, vous avez levé plus de 20 millions d'euros, soit la plus importante levée de fonds IT de l'année. Comment avez-vous utilisé cette manne ?
Pour moitié, cette levée de fonds de 24,5 millions d'euros, bouclée en juillet 2005, a financé des développements commerciaux. Nous avons renforcé notre équipe à Taiwan et en Chine, et ouvert les bureaux coréen et américain grâce à cette levée. L'autre moitié a été consacrée à la recherche et développement, pour laquelle nous avons doublé nos effectifs et augmenté notre portefeuille produits. En tout, depuis notre création, nous avons réalisé quatre levées de fonds, pour un total de 40,2 millions d'euros.

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Avec cette dernière levée de fonds, où en est la répartition du capital de DiBcom ?
Les fondateurs et les employés détiennent 20 % de la société. Les 80 % restant sont répartis de façon équilibrée entre les onze investisseurs, principalement des capital-risqueurs, parmi lesquels Freescale ou Intel. L'investisseur détenant la plus grosse part est la Sgam, qui a réinvesti dans DiBcom à chaque tour de table que nous avons réalisé.

Pas d'autre levée de fonds en perspective ?
Pour le moment, c'est suffisant. Mais nous nous développerons selon l'évolution du marché. A terme, nous pourrons envisager soit une nouvelle levée de fonds, soit une introduction en Bourse.

Plusieurs centaines de milliers de pièces déjà commandées"
Le marché, justement, pourrait se développer lentement en France, puisque les fréquences ne sont toujours pas attribuées et qu'une modification de la loi est nécessaire. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?
La question des fréquences est en effet aujourd'hui la principale barrière. Plusieurs textes de lois devront permettre au CSA de les allouer. Mais je trouve que la dernière réunion du Forum de la télévision mobile a été extrêmement positive et que les choses avancent. Je m'attendais même à un démarrage plus lent, à l'image de la TNT. Là, les choses vont plus vite, la technologie est plus facile à comprendre, et le DVB-H est déjà une réalité en Italie, où les premiers lancements commerciaux devraient intervenir dans les semaines qui viennent. Dans nos business plans, nous étions loin d'imaginer des revenus dès cette année. Or, ce sera le cas en Italie.

Vous avez donc déjà eu des commandes. Combien et qui sont vos premiers clients ? 
Ce ne sont pas des informations que nous pouvons révéler pour le moment. Je peux juste dire que ces commandes s'élèvent à plusieurs centaines de milliers de pièces et qu'elles proviennent du Sud-Est asiatique...

Un petit pronostic sur la date des premiers lancements commerciaux en France ?
Difficile à dire précisément, mais si les fréquences sont rapidement attribuées, on peut envisager un lancement dans le courant de l'année 2007.

En France, les choses semblent compliquées sur le futur modèle économique. Opérateurs et chaînes de télévision paraissent encore loin d'un compromis. Comment cela se passe-t-il ailleurs ?
En Italie, des accords sont intervenus entre les chaînes et les opérateurs. Soit les chaînes de télévision ont obtenu des fréquences, soit les opérateurs ont accordé des sous-licences aux chaînes, qui ont ainsi pu avoir accès aux fréquences. Les premiers à se lancer, TIM et Media7, ont choisi le premier modèle. Ce que l'on peut dire, c'est qu'une multitude de modèles économiques sont envisageables, mais il n'y a pas de secret : ceux qui investissent sont ceux qui gagnent à la fin.

En 2006, nous espérons doubler voire tripler notre chiffre d'affaires"
Et quel regard portez-vous sur les offres qui ont déjà été lancées, en Corée du Sud et au Japon ?
Au Japon, l'offre est relativement réduite. En Corée, il existe un double système, l'un en S-DMB, c'est-à-dire avec une couverture complétée par du satellite, qui est un service payant d'environ 10 dollars par mois et qui a séduit un million d'abonnés ; l'autre en T-DMB, c'est-à-dire terrestre, gratuit, mais avec une moins bonne pénétration. Je ne me fais donc aucun souci sur l'attente des consommateurs et sur l'usage qui en sera fait, d'autant qu'on peut imaginer plein de services annexes, tournant autour de l'interactivité, du téléchargement, etc.

A terme, quelle sera la place du téléphone mobile dans votre activité?
Pour l'instant, notre activité sur PC est la plus importante, devant l'activité sur les voitures, les écrans TV LCD et le téléphone portable. Mais à terme, le DVB-H dans la téléphonie mobile pourrait être notre activité numéro un. Dès cette année, il représentera d'ailleurs une part significative de notre chiffre d'affaires.

Quel est le chiffre d'affaires escompté cette année, justement ?
En 2005, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 7 millions d'euros. Cette année, nous espérons le doubler, voire le tripler.

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Et à terme, quelles sont vos ambitions, en termes de parts de marché notamment ?
Si l'on prend le secteur des semi-conducteurs, toutes les start-up parvenues à maturité et qui possédaient à l'origine une réelle avance technologique se sont stabilisées autour de 40 à 50 % de parts de marché. Nous devons viser cela, entre 30 et 50 % de parts de marché à terme.
 
 
Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN

PARCOURS
 
 
Yannick Levy est le PDG de DiBcom, concepteur de circuits intégrés pour la télévision en situation de mobilité (technologie embarquée dans les véhicules, sur les téléphones portables, etc.). Il a la responsabilité de l'ensemble des activités de DiBcom et de son développement dans les domaines de la télévision numérique et de l'électronique embarquée.

Avant la création de DiBcom en juin 2000, Yannick Lévy a été responsable pendant deux ans de l'équipe conception/marketing du groupe américain Atmel. En 1998, il a également travaillé pour la Société Européenne des Satellites, pour mettre en place une norme sur la création d'un terminal satellite interactif, en association avec l'Agence Spatiale Européenne.

Il a débuté sa carrière au sein du groupe de traitement de signal de la SAT, filiale de Sagem. Il a collaboré à plusieurs projets de conception d'équipements numériques pour la diffusion audiovisuelle et la composition de modems interactifs, sur les réseaux de distribution du câble et du satellite.

Il a également fait partie de deux organismes de consultation, DVB (Digital Video Broadcasting) et DAVIC (Digital Audio Visual Council).

Yannick Lévy est titulaire d'un diplôme d'ingénieur de l'Ecole Supérieure d'Electricité de Paris et d'un Ph.D. à l'Université de Notre Dame (Indiana - Etats-Unis).

   
 
 
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