JDNet.
L'année commence avec le rachat de LibertySurf par
Tiscali. Qu'est ce que cela vous inspire en terme de stratégie
pour l'opérateur Italien?
Philippe Baumard.
Comme tout
le monde le sait les fournisseur d'accès sont dans
une logique d'acquisition de masse pour une future domination
dans le haut-débit. Il faut donc pour l'instant empiler
les abonnés pour être bien placé. Sur
ce plan là c'est une bonne affaire pour Tiscali. Néanmoins
leur grand problème est désormais d'arriver
à une bonne qualification des audiences. Si l'on regarde
Liberty Surf le ratio utilisateur réel/abonné
est très faible, c'est un problème. Par ailleurs
Tiscali est trés faiblement positionné sur le
haut débit. Car le vrai défi pour les opérateurs
cette année et les suivantes est désormais de
faire basculer les abonnés avec un modem 56K vers le
haut débit pour qu'ils accèdent à des
services à forte valeur ajoutée comme le musique
ou la Vidéo. T-Online ou Terra sont ainsi certainement
mieux placés dans cette course.
Cela veut
donc dire comme certains le laissent déjà entendre
que Tiscali finira également par être racheté
?
Cela m'étonnerait pour l'instant car ce n'est à
mon avis pas leur finalité stratégique. Par
ailleurs le groupe est très peu opéable dans
l'immédiat en raison de la structure de son actionnariat.
Tout se jouera dans trois ou quatre ans. On estime qu'il y
aura quatre voire cinq acteurs en Europe. Celui qui aura le
dernier strapontin dans ce quinté pourra le monnayer
très cher. C'est peut être ce qu'attend Renato
Soru le patron de Tiscali.
En regardant
toutes ces fusions-acquisitions on a l'impression d'un manque
de stratégie concertée, certaines d'entres elle
apparaissant même comme un peu précipités
?
C'est évident
et le krach sur les marchés financiers a été
dus à cela. Les marchés ont pensé que
dans l'Internet la phase d'exploration était terminé
en 2000 et que la phase d'exploitation allait commencer avec
tous les bénéfices qu'on peut en tirer. Or le
secteur est encore et toujours dans l'incertitude. On remarque
d'ailleurs qu'il n'y a pour l'instant pas vraiment de guerre
de l'informations ou de signaux stratégiques comme
on peut en avoir dans les autres industries. La raison est
simple : personne, y compris les grands opérateurs,
n'a de stratégie focalisée. Cette année
on sera donc cette année plutôt dans une phase
de rationalisation aussi bien pour les start-up que pour les
grands groupes. Pour revenir à Tiscali je trouve d'ailleurs
qu'ils ont l'énorme qualité d'insister sur le
managment. Dès qu'ils font une acquisition, il restructure
tout de suite pour repartir sur des bases solides. Ils ne
laissent pas dériver les problèmes.
En matière
de stratégié les start-up sont elles plus vulnérables
que les autres ?
Evidemment et ce
pour deux raisons. En phase de croissance tout est concentré
sur le marketing ce qui rend difficile la définition
d'une vraie stratégie. Ensuite le secteur a un historique
faible et il y a une pénurie dans l'expertise qui débouche
sur un trou dans le managment. On a d'un côté
les jeunes fondateurs qui ont constitué leur société
autour de l'idée et de l'autre des profils senior très
orientés sur la finance. Mais pas de senior pour la
stratégie. Mais cela n'est pas forcément propre
uniquement aux start-up. Europ@web est à mon avis l'exemple
le plus frappant de ce manque et c'est certainement ce qui
les a handicapés. Les analystes étaient un peu
déboussolés car ils avaient du mal à
cerner leurs intentions. Depuis ils ont d'ailleurs changé
radicalement.
Mais qu'entendez
vous par le manque de stratégie dans un secteur où
justement on a peu de visibilité?
Pour vous donner un exemple,
l'échec le plus caractéristique selon moi est
celui des sites communautaires. Ils disposaient tous d'une
belle audience mais ont tardivement développer les
outils marketing pour indentifier leur visiteurs, ce qui est
pourtant la pierre angulaire dans l'Internet du futur. Mais
la responsabilité est aussi chez les analystes financiers.
Ces derniers ont forcé les sociétés a
faire du dumping sur les pages vues pour mieux les valoriser.
Ce n'était pas sérieux car la valeur d'un site
internet se mesure surtout au profil des visiteurs et aux
temps passés par l'utilisateur sur le site. On peut
avoir une petite audience et être beaucoup plus performant
qu'un grand portail. Tout le monde a cru que parce qu'on reproduisait
n fois le même usage, la valeur allait être multipliée
par le même coefficient. A cet égard les pages
vues d'AOL ou de Lycos ne veulent pas dire grand chose. Mais
il faut dire également que les instituts d'études
ne fournissaient pas non plus des données très
poussées.
Vous insistez
énormément sur la qualification du client. C'est
l'enjeu majeur pour vous cette année?
Certainement. Pour les sociétés de l'internet
qui dépendent de l'audience il y a trois phases. Convaincre
l'internaute de venir, l'acquérir et se l'approprier.
Or à l'heure actuelle on est à peine au niveau
de la deuxième phase . Les fournisseurs d'accès
en sont un exemple. Ils dépendent énormément
de la publicité et ne se sont pour l'instant pas préoccupés
de la rétention des abonnés. A mon sens d'ailleurs
ils ne sont pas plus performants que les start-up à
ce niveau. Notamment les fournisseurs d'accès gratuits
qui ont du mal à qualifier leurs audiences. Or on sait
que par exemple sur les services financiers il y quasiment
quatre points de marge entre un client qualifié et
un non qualifié.Mais c'est un problème qui existe
sur tous les canaux, du mobile à Internet. L'enjeu
majeur portera donc sur la certification de l'utilisateur.
Tout le monde cherche à imposer son standard. Intel
sur les puces, Nokia sur les portables, les fournisseurs d'accès
sur Internet, les marchands. Pour l'instant c'est très
morcelé et il faudra arriver pour eux à un système
de certification unique du consommateur, une qualification
très poussée en somme. Mais savoir qui possèdera
la certification est difficile en raison justement du nombre
de canaux d'accès existants. Ce sera donc certainement
un nouveau facteur de concentration dans l'Internet.
Mais cela
va poser des problèmes de libertés ?.
Evidemment puisque la CNIL n'impose
pas la revente des informations. En France d'ailleurs le lobying
des grands groupes sur le sujet est très faible. Aux
Etats-Unis depuis 1997 les mouvements sont en revanche très
forts. Il y a eu un front de revolte des associations de propriété
intellectuelle notamment. En fait dans l'avenir vous ne devenez
plus informé d'un nouvel élément sur
un site mais propriétaire d'une licence pour s'informer.
Stratégié de l'article 2B.Qualification et traçabitlité
des gens A revoir
Finalement
l'année 2001 ne va pas être vraiment excitante
et peu innovante ?
Il est clair que l'année
va être plutôt morose. Cette année les
groupes vont en fait consolider une première génération
d'usage de l'Internet et il va falloir préparer la
deuxième génération qui sera basée
sur le haut-débit. C'est une année de rationalisation
et Il y a aura par essence beaucoup de casse. Les plus à
plaindre son certainement les équipementiers sur qui
reposent les plus grandes incertitudes. Au point de vue financier
on assistera certainement à des transactions très
survalorisées et uniquement destinées à
prendre des positions finalement très précaires.
Tiscali/Liberty Surf est d'ailleurs à mon sens un bon
résumé de ce qui va se passer cette année.
L'année
ne sera pas très gaie et peu euphorique mais saine.
Notamment donc les start-up qui vont vivre en accéléré
ce qu'une industrie traditionnelle vit en dix ans notamment
en matière de managment.
Qu'est
ce que vous aimez sur Internet?
Google,
pour sa qualité et l'innovation..
Et qu'est
ce que vous n'aimez pas ?
Le manque d'ergonomie
sur la plupart des sites et surtout qu'un média interactif
n'en soit pas un. En résumé, la "pensée
télévision" appliquée à l'Internet.
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