INTERVIEW
 

fondateur de Xoom.com (NBCi)/ CEO de CGtime.com
Laurent Massa
"Titre"
Xoom, créé en 1996, a été l'un des premiers sites de communauté à offrir une multitude de services gratuits. Il a été co-fondé par Laurent Massa. Trois ans après sa création, Xoom a fusionné avec la division Internet de NBC, NBCi (propriété de General Electric). Par la suite, Laurent Massa a quitté le nouvel ensemble pour soutenir d'autres projets Internet. Depuis janvier 2001, il est CEO de CGTime.com, une société américaine orientée "BtoB" à destination des grandes entreprises. Un projet dans lequel il s'implique dorénavant à plein temps.11 avril 2001
 
          
JDNet. Quel constat vous a poussé à fusionner Xoom avec NBCi ?
Laurent Massa. En 1999, nous étions l'un des douze sites les plus visités du monde. Nous avions entre 10 et 12 millions de membres. Pour les revenus, nous étions sur un "trend" de 30 millions de dollars. Nous perdions toujours de l'argent mais, au bout d'un an, nous estimions pouvoir passer en positif. Nous avions pas mal de cash en banque, un peu près 250 millions de dollars, après nos deux introductions en Bourse. Mais nous n'avions pas la puissance marketing d'un Yahoo ou d'un Amazon. Nous avons donc décidé de nous allier à un grand groupe de communication et nous avons choisi NBCi (*). Mais les cultures totalement différentes des deux groupes ont rendu la fusion difficile. Mais moi, personnellement, j'en garde un excellent souvenir.

Comment s'était passé concrètement le rapprochement ?

Le 10 mai 1999, nous annoncions la fusion avec NBCi et l'opération a été finalisée le 29 novembre 1999. Dès l'été, les deux sociétés travaillaient ensemble. Xoom était au Nasdaq en décembre 1998 puis a effectué une deuxième entrée, une offre secondaire, en avril 1999 sur l'Easdaq. La fusion avec NBCi s'est déroulée sous le principe de "reverse merger".

Mais vous aviez une marge de développement encore importante si vous étiez resté indépendant...
Oui, nous aurions pu tenir un an encore. Mais à l'époque, nous étions un peu paranos. Les grands networks américains commençaient à s'allier avec des sociétés Internet et nous ne voulions pas être la dernière roue du carosse.

Quel problème avez-vous rencontré avec la fusion Xoom-NBCi ?
La culture du portail Snap.com et de NBCi était assez différente de la notre. D'un point de vue marketing, ils étaient moins agressifs que nous en tant que start-up. Nous avons été donc ralentis dans nos efforts. Une grande partie des 250 collaborateurs de Xoom ont quitté la société après la fusion. Je crois que la marque Xoom a disparu, à part peut-être sur certains sites internationaux.

Quelle plus-value personnelle avez-vous réalisé à cette occasion ?
Je suis sorti de la partie opérationnelle de Xoom au cours de l'été 1999 puis j'ai vendu une grosse partie de mes actions fin 19999 (l'action était entre 80 et 100 dollars, NDLR). Je n'ai pas à me plaindre en la matière. J'ai récupéré plusieurs dizaines de millions de dollars.

Vous veniez tout juste de lancer la version française de Xoom d'ailleurs...
Cela correspondait en effet à l'époque de notre fusion. Mais NBCi a décidé de stopper son expansion internationale. Le projet français, à peine lancé, a été donc abandonné.

Quelles activités avez-vous poursuivies après votre départ de Xoom ?
J'ai pris du recul. Pendant un an et demi, j'ai vu des tas de "business modes", ce qui m'a permis d'ouvrir les yeux. J'ai travaillé de manière indépendante. J'étais présent soit dans des instances de direction de projets américains ou français, soit en tant qu'investisseur individuel. Mais le plus gros de mon portefeuille se trouve aux Etats-Unis. Par exemple, je me suis impliqué dans iMediation et dans une société d'investissement Web LCFR (La Compagnie Financière E. de Rothschild). Je suis également présent depuis un an au Conseil de surveillance de Viafrance.com. En tout, j'ai investi entre 3 et 4 millions de dollars.

Dans quelles circonstances êtes-vous devenu le CEO de la société CGTime.com ?
La rencontre est assez fortuite. Elle s'est faîte fin 2000 par l'entremise d'un des plus grands groupes de
capital-risque américain, New Entreprise Associate. Ils m'ont présenté aux deux fondateurs de CGTime. Ce sont deux Israéliens, experts de la Théorie des Jeux (2). Ils voulaient appliquer cette théorie pour développer une plate-forme software à destination des grandes entreprises comme Procter and Gamble, Peugeot ou Renault. Ces grands groupes ont tous des sites Web, mais ils cherchent les moyens d'utiliser pleinement les ressources de l'Internet vis-à-vis des consommateurs. Par exemple, la motivation du consommateur pour visiter le site Orangina n'est pas évidente. L'objectif de la plate-forme CGtime est d'inciter les consommateurs à aller sur ces sites. C'est une approche qui m'a fasciné. Je me suis complètement impliqué dans ce projet depuis. J'ai rencontré l'équipe au mois de novembre 2000 et je suis devenu le CEO de la société début 2001.

Où en est le développement de la société ?
Nous disposons d'une équipe de 20 personnes. Il est clair que nous pensons à notre développement international. Le projet a été financé d'une part avec des fonds que l'un des co-fondateurs - Yoav Shoham - a apporté [les fonds proviennent de la plus-value qu'il a réalisée en revandant sa société TradingDynamics à Ariba, NDLR]. Nous venons également de lever 7 millions de dollars, mais nous ne l'avons pas encore annoncé. Ma mission est de trouver des clients.
Pour l'instant, je dirais que nous sommes encore en mode "secret".

Quelles grandes tendances observez-vous
outre-Atlantique en ce qui concerne les financements de projets Internet ?

Vu l'état du marché, les VC étudient actuellement très peu de nouveaux dossiers, bien qu'ils possèdent encore énormément de capitaux. Il y a quelques dossiers de premiers tours, mais ce n'est pas très impliquant. En fait, soit les VC "débranchent", c'est-à-dire qu'ils stoppent le financement d'un projet en redistribuant parfois ce qu'il y a encore dans les caisses, soit ils re-financent des projets dans l'espoir que leurs efforts portent leurs fruits. Je pense que les investisseurs sont perdus car ils n'ont plus de repères. Ils gardent un oeil rivé sur la Bourse et, vu la confusion actuelle, ils préférent rester en marge. C'est un peu le retour du balancier. A mon avis, cela va durer encore quelques temps. Les bases sont complètement différentes par rapport à ce que l'on a connu avec Xoom : il faut très bien manager son cash, construire brique par brique plutôt que de brûler les étapes. Les projets purement marketing ne sont plus financés. On se recentre sur la technologie.

En France, beaucoup de start-up ferment. Que se passe-t-il du côté des Etats-Unis ?
C'est l'hécatombe. Nous avons cherché des locaux pour notre société. Nous n'avions que l'embarras du choix. Je n'ai pas de données globales, mais c'est effarant.

La problématique du passage des services gratuits aux payants est d'actualité. Vous avez été également confronté à ce problème avec Xoom...
Lorsque nous avons lancé le projet Xoom en 1996, nous avions testé immédiatement le payant. Mais personne n'a mordu. Il n'y avait pas de perception de marque assez forte. Nous sommes revenus sur le gratuit puis nous nous sommes focalisés sur la vente de produits par le biais du marketing direct. Le taux de transformation était très faible : moins de 1%. Plus globalement, je pense que les services en ligne seront obligés de passer au payant pour des produits à valeur ajoutée. Mais il y aura toujours du gratuit sur Internet.

Quel jugement portez-vous sur Yahoo qui a misé sur des services gratuits financés par la publicité ?
Le modèle est sens-dessus-dessous. Il y a un an, Yahoo a eu la possiblité d'acquérir un grand média comme Viacom quand il valait 100 milliards de dollars. Maintenant, ce serait l'inverse. AOL a fait la meilleure affaire dans ce domaine avec son rapprochement avec Time Warner.

Quel est votre site d'information favori ?
J'utilise toujours Yahoo.com.

Pour les professionnels du Net français, quels sites d'informations conseillez-vous ?
Le site de Industry Standard.

Quels services en ligne consultez-vous pour vos loisirs ?
J'écoute la radio MFM, que je peux écouter en ligne et en direct pendant que je travaille. Avant, je ne pouvais l'écouter qu'en Provence.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
Son potentiel de recherche d'informations. C'est fabuleux.

Que détestez-vous sur Internet ?
Les promesses non tenues comme les visites virtuelles des appartements à louer. L'expérience où la technologie n'est pas encore là.

(1) NBC Internet a été lancé en novembre 99 : l'entité comprend Snap.com, Xoom.com, NBC.com, NBC Interactive Neighborhood, VideoSeeker, et 10% de CNBC.com. NBC, le réseau de télévision filiale de General Electric, détient 39,3 % de NBCi. NBC vient d'annoncer son intention de rapatrier l'ensemble de ses activités Internet afin de procéder à une restructuration de fond. NBC va ainsi lancer une OPA sur sa propre filiale Internet NBCi afin de récupérer les 61,4% du capital qui ne sont plus sous son contrôle. Cette OPA devrait coûter 85 millions de dollars au réseau de télévision.

(2) La théorie des jeux se propose d’étudier toute situation dans laquelle les agents rationnels interagissent : il englobe, en particulier toute la micro-économie traditionnelle, y compris le modèle de concurrence pure et parfaite, à laquelle les concepts de théorie des jeux peuvent être appliquées.
 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Laurent Massa possède un MBA en commerce international délivré par l'European Business School. Il parle couramment le français, l'anglais, l'italien et l'allemand. Il a débuté sa carrière à Texas Instruments à Nice puis à rejoint Sun Microsystems au poste de directeur européen de la division TOPS. Il a été
vice-président de The Learning Company où il a rencontré Chris Kitze. EN 1995, il a été nommé
vice-président des nouvelles entreprises en ligne d'Olivetti Telemedia. En 1996, il co-fonde Xoom.com et devient CEO de la société.

   
 
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