INTERVIEW
 
Fondateur / Président du directoire
eBay
Pierre Omidyar
"Titre"
C'est le symbole français de la réussite internet. Fondateur du site d'enchères eBay, Pierre Omidyar, dont le patrimone se chiffre en milliards de dollars, revient en France pour y installer son concept de communautés d'acheteurs/collectionneurs. C'est Philippe Fontaine, un proche collaborateur de Pierre Omidyar, qui prend les rènes du projet français. Objectif : devenir là aussi le numéro un du commerce entre particuliers.06 octobre 2000
 
          
JDNet. D'où vient le nom "eBay" ?
Pierre Omidyar. J'habite San Francisco Bay Area. "eBay" est pour moi une version électronique de cette zone. C'est un espace de village et de communauté que j'ai voulu transposer sur le Net.

Pourquoi avez-vous mis tant de temps avant de vous implanter en France ?
Nous avons d'abord cherché à conquérir le marché américain avant de nous lancer à l'international. Nous avons réalisé des études mais nous avons attendu que le taux de pénétration de l'Internet soit suffisamment important dans les zones que nous visions.

D'autres sites de ventes aux enchères comme iBazar, QXL ou Aucland se sont installés entretemps sur le marché. Vous y avez encore votre place ?

Tous les leaders sont copiés. Je crois que les sites dont vous parlez ne comprennent pas la profondeur de ce qui fait marcher eBay : les relations entre membres, l'esprit de village... Après cinq ans d'existence, c'est quelque chose que nous avons compris.

Pourquoi vous êtes-vous lancé en solo en France ?
Nous avons trois moyens d'entrer sur les marchés : nous y allons seul comme au Royaume-Uni ou au Canada. Nous rachetons une société locale comme en Allemagne.Ou nous établissons un partenariat comme en Australie ou au Japon. En France, on a étudié les acteurs locaux. Et nous n'avons pas trouvé d'équipe qui partageait notre approche.

Etes-vous entré en contact avec d'autres sites de ventes aux enchères ?
Oui, mais uniquement dans le cadre de l'étude que nous avons menée pour nous implanter.

Avez-vous cherché à vous rapprocher d'iBazar, qui détient le nom de domaine "ebay.fr" ?
De notre côté, nous n'avons pas cherché à nous rapprocher. Sur cette affaire d'adresse, c'est à iBazar de demander pourquoi ils ont déposé ce nom de domaine. On n'a jamais vu ça ! Nous avons engagé une procédure en référé pour le récupérer.
 

L'interview audio
Comment expliquez-vous que eBay soit l'un des rares "pure players" à être rentable actuellement ? (Pour écouter la réponse en Real Audio, cliquez ici)

Pierre Omidyar. C'est assez simple. Nous prenons une commission sur les objets vendus sur eBay. Je voulais créer un "business" sûr qui pouvait durer pour l'éternité. Je crois que c'est le cas pour eBay.

Comment considérez-vous le marché des enchères en ligne en France ? (Ecouter la réponse)

L'Internet se développe rapidement en France. C'est un des plus grands marchés dans le monde. La France jouera un rôle très important dans notre réseau international.

Estimez-vous que le "first mover advantage" (le fait d'avoir été pionnier dans votre domaine) vous donne un considérable avantage ? (Ecouter la réponse)
Pas seulement. Nous avons été les premiers à nous développer sur une échelle importante. Dans notre marché, il faut un équilibre entre acheteur et vendeur. Si vous êtes acheteur, vous cherchez le plus grand marché, donc eBay. Si vous êtes vendeur, vous cherchez la plus grande audience, donc eBay. C'est un avantage assez sérieux par rapport à nos concurrents.

 

Comment faîtes-vous pour créer cet esprit de communauté dont vous parlez ?
C'est assez compliqué. Contrairement à ce que disent beaucoup d'entrepreneurs sur Internet, on ne peut pas créer de communauté. On peut juste favoriser sa création. Nous voulons dire à nos membres qu'eBay leur appartient et que c'est à eux de le faire évoluer.

Votre cible prioritaire, ce sont les collectionneurs. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu réducteur en France ?
Au contraire. Je crois qu'en Europe, la culture des collections est encore plus développée qu'aux Etats-Unis. Un Français sur dix est collectionneur. Le fait d'avoir une passion en commun permet d'élaborer des communautés sérieuses. Il s'y crée des liens de confiance et donc de commerce.

La technologie joue-t-elle un rôle important dans le succès d'eBay ?  
Je dirais que la technologie de gérer 2 millions de visiteurs uniques chaque jour, c'est effectivement très importante. C'est très facile de la copier mais pour arriver à un certain niveau, il faut avoir derrière un vrai savoir-faire.

Quels sont vos objectifs en France ?
Devenir le numéro un du commerce entre particuliers. Après le travail en profondeur, il y aura un déclic. C'est ce qui s'est passé en Angleterre.

Avez-vous l'intention de lancer une campagne de communication pour eBay France ?
Oui, mais elle sera très ciblée et à destination des passionnés de collection. Il y aura une petite campagne sur Internet également, avec DoubleClick. La notoriété d'eBay aux Etats-Unis s'est faite principalement par le bouche-à-oreille.

Vous avez parfois défrayé la chronique du Net avec des histoires de fraude sur certaines enchères. Comment appréhendez-vous ce phénomène ?
Nous avons un "village" de 16 millions de membres. Il est normal que nous rencontrions quelques petits problèmes. Nous avons reçu moins de trente plaintes de fraude sur les millions de transactions effectuées via eBay. 99,9% des transactions se déroulent sans problème.

L'aide d'une professionnelle comme Meg Whitman (PDG d'eBay) a été cruciale pour votre développement ?
Dès le début des activités d'eBay, j'ai pris conscience qu'il fallait faire appel à des managers ayant l'expérience de l'ancienne économie et un savoir-faire orienté marketing. Je n'ai pas ces compétences. De formation, je suis ingénieur logiciels.

Peut-on avoir une estimation de votre richesse personnelle ?
Ce n'est pas un secret, sauf en France peut-être. eBay est valorisé entre 15 et 20 milliards de dollars. J'ai un peu près 25 ou 26% de la société [NDLR, soit environ 3 à 4 milliards de dollars]. C'est bien d'avoir beaucoup d'argent mais ce n'est pas la seule motivation dans la vie.

 
L'interview audio
Avez-vous des activités de "business angels" ?

(Pour écouter la réponse en Real Audio, cliquez ici)
Pas tellement. Je suis plutôt intéressé pour aider les entrepreneurs mais à travers des fonds de
capital-risque. En Europe, je travaille avec Benchmark Europe, filiale de Benchmark Capital qui a investi dans eBay aux Etats-Unis.

Quels conseils donneriez-vous à un créateur de
start-up ?
(Ecouter la réponse)
Il faut créer un service recherché par les clients et les consommateurs. Il ne faut pas essayer de monter une affaire basée uniquement sur une grande idée. L'ancienne idée, selon laquelle il faut lever des fonds pour attirer des clients et voir ensuite la rentabilité, n'est pas un bon modèle au départ. D'ailleurs maintenant ce n'est plus un bon modèle pour les investisseurs.

Que représente pour vous la France ? (Ecouter la réponse)
C'est mon pays natal que j'ai quitté à l'âge de six ans pour les Etats-Unis. Je suis plutôt Américain mais j'ai gardé des liens avec ma famille qui est restée ici. La France est un pays que j'adore. Nous partageons notre temps entre la France et les Etats-Unis : un mois ici, un mois outre-Atlantique.
 
Quel est l'objet le plus insolite que vous avez trouvé sur eBay ?
A titre personnel, vous savez que ma femme et moi collectionnons les "Pez" (des distributeurs de bonbons, NDLR). A l'occasion de mon mariage, je voulais acquérir deux pièces rares, qui représentent le "Pez" marié et son équivalent pour la mariée. J'ai trouvé cette dernière pièce une semaine avant cet heureux événement sur eBay. J'ai tout fait pour l'acquérir. Il m'a finalement été adjugé pour 2.375 dollars. Mon équipe a entendu cette histoire et pour le mariage, elle nous a offert... le "Pez" mari.

Combien de "Pez" détenez-vous ?
Je crois que nous avons une collection de 400 "Pez" maintenant. Ah, oui, ma femme veut absolument que je dise à la presse qu'elle a une maîtrise de biologie et exerce des activités professionnelles. Elle est très intelligente. Ce n'est pas seulement une collectionneuse de "Pez".

Qu'aimez-vous sur Internet ?

Les sites d'informations. Je ne regarde plus la télé.

Que détestez-vous sur Internet ?

Les forums de discussion avec des membres anonymes.
 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Pierre Omidyar, 33 ans, est titulaire d'un diplôme de Sciences de l'Informatique de l'université de Tufts (1988). Il a débuté sa carrière en tant que développeur chez Claris, filiale d'Apple Computer. En 1991, il est devenu co-fondateur de Ink Development Corp. La société, rebaptisée eShop, a été rachetée par Microsoft en 1996. C'est en septembre 1995, qu'il commence à développer eBay, parallèlement à sa collaboration qu'il menait chez General Magic, où il a développé des applications Internet. En mai 1996, il décide de se consacrer entièrement au développement d'eBay.

   
 
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