INTERVIEW
 
Directeur général
SR Consult
Yannick Petit
"Titre"

Créé en 1998, le groupe France Finance et Technologies est spécialisé dans l'accompagnement des entreprises de croissance. Pour ce faire, il dispose de quatre pôle de compétences, dont l'ingénierie financière, via sa filiale SR Consult France. Cette entité vient notamment d'obtenir le prix de meilleur introducteur conseil 2000 du Nouveau marché, décerné par Euronext. L'an dernier, SR Consult France a accompagné en Bourse Netgem, Telecom City, Dalet et Cyberdeck. Il a depuis le début de l'année conseillé Business&Décisions, Itesoft et Memscap pour leur introduction en Bourse. Yannick Petit, le directeur général de SR Consult, détaille son métier et analyse l'état actuel du Nouveau marché, un compartiment de la Bourse de Paris dont il est l'un des concepteurs.

26 février 2001
 
          

DNet. Quel est exactement le métier de SR Consult?
Yannick Petit. Je suis parti d'un constat que j'avais dressé lorsque je dirigeais le Nouveau marché (NM). Certains patrons d'entreprises me confiaient souvent après leur introduction en Bourse : "On s'est fait balader par les différents acteurs et il est évident que l'on procéderait autrement si c'était à refaire". La Bourse est en effet devenue de plus en complexe, avec une inflation de dossiers et une masse d'informations à fournir de plus en plus importante de la part des entreprises candidates. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, on demande davantage à une entreprise du Nouveau marché qu'à une entreprise du Premier marché. Il suffit de comparer le prospectus d'introduction d'Orange à celui des sociétés introduites récemment sur le NM pour s'en persuader. Notre rôle est donc de conseiller les entreprises avant même la rencontre avec les banquiers pour réaliser un travail de préparation comptable, juridique et surtout pédagogique. On répond ainsi aux questions que tous les patrons se posent, de la plus simple à la plus compliquée. Lorsque j'étais au NM, j'étais par exemple sidéré par le fait que certains chefs d'entreprises cotées ne savaient même pas comment fonctionnait la bourse. SR Consult est donc le copilote de l'entrepreneur pour rendre la maîtrise du processus d'introduction aux entreprises.

Comment vous rémunérez-vous?
En prime de succès, c'est à dire en prenant un pourcentage de la levée de fonds opérée lors de l'introduction.

Vous avez donc intérêt à ce que la valorisation soit élevée pour être encore plus profitable. Les intermédiaires n'ont-ils pas, l'an dernier, largement profité de ce système en gonflant artificiellement les valorisations ?
Je sais que l'an dernier, on a beaucoup reproché cela aux banques introductrices (ITM) mais c'est faux. Contrairement aux idées reçues, le client de l'ITM, ce n'est pas l'entreprise mais bel et bien l'investisseur final. Gonfler la valorisation d'une entreprise ne fait pas le jeu de l'ITM, car cela reviendrait à se mettre à dos ses propres clients. Par ailleurs, une banque tire ses revenus du courtage. Elle a donc intérêt à ce que le cours soit au bon prix pour favoriser les transactions, fidéliser les investisseurs et ainsi encaisser des gains supplémentaires. En règle générale, il n'est pas bon d'avoir une société sur-valorisée ou même sous-valorisée. Quand le titre d'une entreprise double le jour de l'introduction, je ne trouve pas cela très sain.

Les introductions ne se bousculent pas en ce moment sur le Nouveau marché. Et lorsqu'il y en a, elles concernent des sociétés de plus en plus matures et qui ont d'énormes besoins en fonds. Le NM répond-il toujours à sa vocation première?
Très certainement, mais attention à l'embourgeoisement. Je rappelle que la création du Nouveau marché est née de la nécessité d'offrir un marché permettant à des projets jeunes et innovants de se financer et d'avoir plus de visibilité. En adoptant une politique qui consisterait à ne faire rentrer que des sociétés plus matures, on s'écarte du but originel. Comme le Nasdaq, dont il s'inspire, le NM a besoin d'opérations d'envergure internationale, mais il faut aussi savoir laisser la place aux petits. En fait, les autorités comme les banques introductrices ont tendance à faire cela pour protéger l'investisseur après la correction de l'an dernier. Je pense pour ma part que c'est une erreur, pour deux raisons. D'
abord, il n'est pas démontré que ce sont les entreprises les plus petites qui présentent les contre-performances. Ensuite, cela revient à considérer que l'investisseur n'est pas assez mature pour mesurer le risque de son investissement. Avec toutes les informations fournies par les sociétés lors de leur introduction en Bourse l'an dernier, je considère que l'investisseur avait des outils pour mesurer le risque. On constate à cet égard que le renouveau du Marché libre auprès des investisseurs est dû en partie à une certaine frilosité du Nouveau marché. Sur le Marché libre, le niveau de risque est plus important mais le rendement est désormais souvent meilleur que sur le NM. Le problème du Nouveau marché est en fait désormais d'ordre financier. Il y a quatre ans les introductions s'effectuaient avec des levées moyennes de 20 à 50 millions de francs. Aujourd'hui, peu d'ITM sont prêts à intervenir pour ce type de montants car le montage d'un dossier d'introduction pour 20 millions de francs ou pour 200 millions est le même pour les intermédiaires. Le calcul est donc vite fait. C'est dommage, car si vous regardez les vedettes actuelles du NM, telles que Egide ou BVRP, ce ne sont pas celles qui ont levé le plus d'argent lors de leur introduction.

Les sociétés qui sont rentrées l'an dernier en Bourse, notamment dans le domaine d'Internet, étaient-elles bien préparées. En clair, avaient-elles leur place en Bourse ?
Oui, je crois que globalement, au plan juridique comptable ou financier, tout était bien ficelé. Quant aux investisseurs, je le répète, ils avaient toute l'information en lisant les documents de la COB. Je pense que le problème est venu davantage de la pression rencontrée par les patrons lorsque leur entreprise est cotée. Ils ont tendance à sous-estimer la vie du titre et donc l'impact de la communication. En lisant certains communiqués de sociétés cotées sur le NM, j'avoue que j'ai été parfois surpris de la maladresse avec laquelle ils avaient été formulés.

La valorisation était également en cause. N'y a t il pas d'autres méthodes que celles des comparables ou des cash flows actualisés, qui restent très aléatoires dans le cas de sociétés internet ? Malheureusement, il semble que les analystes conservent ces méthodes d'évaluation. En revanche, ce que l'on peut corriger, ce sont les prévisions de croissance sur lesquelles sont basées les futures évaluations. Je recommande pour ma part aux sociétés de minorer leurs prévisions, surtout la première année. C'est fondamental pour éviter les désillusions. D'ailleurs, sur huit sociétés que nous avons conseillées cette année, une seule, Cyberdeck, a affiché des résultats inférieurs aux prévisions. Mais il faut arrêter de croire que les patrons ont menti sur leur taux de croissance et donc sur leur valorisation. Les chefs d'entreprise sont par essence des gens toujours très optimistes car ils sont très attachés à leur société et veulent réussir. Ils ont donc souvent tendance à "s'enflammer", notamment sur leurs perspectives financières. Notre rôle est de les aider à formaliser cet enthousiasme sans toutefois s'exonérer des réalités.

Beaucoup de sociétés sont valorisées en fonction de leurs comparables cotées sur le Nasdaq. Est-ce bien normal, notamment quand on voit la volatilité actuelle de ce marché ?
C'est sûr que cela n'aide pas à établir des valorisations stables. Pour les introductions actuelles, nous conseillons dés le départ une forte décote par rapport aux comparables américains. Mais la volatilité est tellement grande qu'on a du mal à s'ajuster. Je pense toutefois que le découplage avec le Nasdaq va se faire progressivement. Avec la généralisation de l'Euro dans le grand public, d'excellents fondamentaux économiques et de belles perspectives de croissance, il n'y a pas de raison que les sociétés européennes continuent à avoir l'œil vissé sur le Nasdaq lors de leur introduction en Bourse. Surtout quand elles ne font aucune partie de leur business aux Etats-Unis.

Est-ce qu'une fusion des Bourses ne réglerait finalement pas plus vite le problème?
Oui, et c'est le sens de l'histoire. A l'heure d'Internet, plus aucune barrière technologique ne s'y oppose. La seule contrainte est pour l'instant d'ordre culturelle. Les Bourses ont à mon avis plus de retard que les investisseurs sur ce plan là. L'euro dans le portefeuille des ménages devrait d'ailleurs accélérer le processus, car il sera certainement plus facile pour un particulier français par exemple d'investir dans une société en Allemagne ou en Italie. Il aura une monnaie qui lui permettra de mieux comparer les prix.

Quels sites aimez vous sur Internet ?
Je consulte souvent Boursorama et Fimatex pour les cours de Bourse. Sur le plan des loisirs, j'apprécie Cityvox.

Et qu'est ce que vous n'aimez pas sur Internet ?
Les inepties que l'on peut lire sur les forums des sites boursiers, écrites par des auteurs utilisant des pseudos.

 

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Yannick Petit, 38 ans est titulaire d'un DESS de finance d'entreprise de l'Université Paris IX Dauphine. Après avoir commencé sa carrière au lancement du Matif en 1986, il a été pendant deux ans directeur financier d'une maison de titres spécialisée sur les marchés dérivés. Il rejoint la SBF-Bourse de Paris en 1991, où il participe à la relance du Second Marché et à la création du Nouveau Marché. En mai 1995, il est nommé directeur général adjoint de la Société du Nouveau Marché, filiale de la SBF-Bourse de Paris.

   
 
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