INTERVIEW
 
Président
Electronic Business Group
François-Henri Pinault
"Titre"
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EBG

L'Electronic Business Group, qui réunit des entreprises de l'Internet, du commerce électronique et des NTIC, vient de publier un livre blanc sur "la généralisation de l'accés Internet à haut débit", qu'elle a présenté le 19 avril. Le sujet est plus que jamais d'actualité et figure d'ailleurs en bonne place dans les programmes NTIC des candidats à l'élection présidentielle. François-Henri Pinault, le président de l'EBG, donne sa vision des enjeux du déploiement du haut débit et des mesures préconisées par le livre blanc, en particulier vis à vis de France Telecom (cette interview a été réalisée la veille de l'annonce de la baisse des tarifs de France Telecom). En tant que co-gérant de la Financière Artemis (qui contrôle notamment le groupe PPR), il s'exprime aussi sur le climat économique et ses répercussions sur l'e-business et le commerce électronique.

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10 avril 2002
 
          

JDNet. Pourquoi l'EBG a-t-il décidé de mettre l'accent sur le haut-débit ?
François-Henri Pinault. Nous estimons que c'est vraiment la porte d'entrée vers la croissance du secteur et nous avons considéré qu'il était important de commencer par faire un état des lieux. Ce livre blanc se veut le plus impartial possible et entend faire des propositions économiques, règlementaires, voire politiques.

Quel peut-être l'impact d'un déploiement du haut débit pour les entreprises ?
Pour nous, il est très clair que l'Internet haut débit permettra un usage plus large des NTIC. Aujourd'hui, on s'aperçoit que dans les entreprises connectées, l'usage est extrêmement limité et basique à cause du bas débit. Le haut débit est donc le point d'appui nécessaire pour développer les contenus et les utilisations, et permettre aux entreprises de réaliser des gains de performance, de développer de nouveaux services et de fluidifier les liens entre partenaires, fournisseurs, clients, prestataires…

Vous en faites notamment un "vecteur de performance" pour les PME-PMI...
C'est en effet un facteur d'amélioration de leurs performances en terme de productivité, de développement commercial, de rapidité d'échange. Si rien ne change, il va se créer une sorte de fracture entre les très grandes entreprises, qui ont les moyens d'uililiser le haut débit et qui ont donc accés aux nouvelles technologies, et le réseau de PMI qui en est éloigné. Or, on sait l'importance de ces entreprises pour le pays en terme de poids économique, mais aussi d'aménagement du territoire.

Le livre blanc cite Lénine et son célèbre "Que faire?"… Quelles sont selon vous les mesures les plus urgentes en faveur du déploiement ?
Je laissse Lénine aux rédacteurs du livre blanc! Quant aux mesures, il y a d'abord de façon très directe l'équipement du pays et le déploiement de ces accés haut débit. Cela porte notamment sur les relations entre France Telecom et les opérateurs alternatifs, sur les coûts d'acheminement entre les points d'accés France Telecom et les clients, sur les locations de salle, sur les tarifs généralement proposés aux clients. On ne peut décemment pas réclamer 45 euros par mois, qui est à peu près la norme aujourd'hui, à un particulier si on veut développer ce type de service sur une base importante.

Le rôle de France Telecom est sans cesse évoqué. Qu'attendez-vous de l'opérateur historique ?
Le livre blanc dit bien qu'il ne s'agit pas de faire le procés de France Telecom. C'est une entreprise publique qui a des obligations de service public que n'ont pas les autres, et une structure de collaborateurs fonctionnariale. On ne peut donc pas lui imposer les règles de concurrence privée avec ces obligations qui ne sont pas celles des autres. Mais même s'il faut un opérateur national fort et prépondérant, la concurrence doit exister pour développer les services. Il faudrait s'interroger sur les relations économiques qu'entretient Wanadoo, filiale privée qui n'a aucune obligation de service public, avec sa maison-mère. Ces relations ne sont pas transparentes pour tout le monde. Je vais même un peu plus loin, je dirais que Wanadoo bénéficie aujour'hui de l'utilisation exclusive des anciennes agences de France Telecom, qui ont été créées et financées à l'époque du service public. Ces agences-là devraient être ouvertes aussi à la concurrence.

Par ailleurs, les tracasseries administratives, les tracasseries sur l'accés aux terminaux de France Telecom permettent à ce dernier de gagner beaucoup de temps. On ne mesure peut être pas qu'on va décourager un certain nombre d'opérateurs de venir sur un marché qui sera de toute façon totalement préempté. In fine, on aura tué la concurrence, même si les procédures sont respectées par France Telecom. Le problème est immédiat.

Vous préconisez aussi un rôle accru de l'ART…
Il faut non seulement que l'ART puisse donner un avis public sur les tarifs, gérer les conflits entre opérateurs, mais aussi qu'elle ait un pouvoir qu'elle n'a pas aujourd'hui, un peu à l'image de la DGCCRF dans le domaine de la concurrence, et qu'elle puisse imposer les décisions qu'elle souhaite prendre aux différents opérateurs.

En dehors du dossier France Telecom, quelle autre mesure retenez-vous en priorité ?
Je suggère qu'on puisse fiscalement aider l'équipement et l'abonnement des particuliers. L'idée est de reprendre la mesure adoptée en son temps pour l'automobile et permettant de déduire non pas l'achat stricto sensu, mais le crédit à la consommation contracté pour l'achat d'un micro, ainsi qu'une partie de l'abonnement haut-débit. L'objectif est que les foyers à faible revenu puissent bénéficier de ces aides.

En novembre dernier, vous avez, en tant que président de l'EBG, souhaité qu'on fasse "taire le chant des pleureuses" et réclamé que les demandes des entreprises du secteur soient prises en considération. Quel bilan tirez-vous de cette prise de position ?
Manifestement, les candidats à l'élection présidentielle ont pris conscience des nouvelles technologies. J'espère que c'est aussi un peu grâce à ce coup de gueule de novembre. En tout cas, on trouve systématiquement un chapitre "Nouvelles technologies" dans les programmes. Il y a assez peu de désaccords sur ce qu'il faut faire, et la seule question importante est la rapidité du passage à l'acte. A attendre trop longtemps, on va tuer le secteur.

On commence ici et là à évoquer un frémissement de la croissance de l'économie en général. En tant qu'industriel, le ressentez-vous aussi?
Le marché américain, qui a été le plus touché l'année dernière, est en train de s'améliorer, même si la comparaison d'un semestre sur l'autre est défavorable, parce que le premier semestre 2001 avait été encore très bon sur la lancée de l'année 2000. Aujourd'hui, la chute esr arrêtée et on sent repartir légèrement l'activité et les carnets de commande, notamment dans les activités profesionnelles. En ce qui concerne la consommation, en France en particulier, il faut être plus prudent. La décroissance s'est arrêtée, mais on ne peut pas parler de reprise. Les chiffres de janvier-février, notamment sur les ventes de détail, sont extrêmement modestes. Mais il en faudrait assez peu pour que ça reparte. Cela dit, un certain nombre d'entreprises, PPR en particulier, avaient anticipé un ralentissement dès mars l'année dernière. Donc les répercussions de ce frémissement dans les comptes d'exploitation sont relativement intéressantes.

Quelles répercussions cela pourrait-il avoir sur l'e-business ?
Pour ne prendre que le secteur des services informatiques et des web agencies, un écrémage a eu lieu et on voit que les plus sérieux et les mieux organisés retrouvent des niveaux de croissance et de portefeuille importants, notamment dans les activités liées au data-mining ou les activités de service liées à la performance commerciale. Car les entreprises continuent à investir massivement dans les nouvelles technologies. On ne le dit pas assez, mais les investissements dans le domaine informatique sont essentiellement liés à une mutation vers ces nouvelles technologies.

Et pour le commerce électronique ?
On est toutoujours sur des croissances très importantes, près de 100 % en ce début d'année par rapport à l'année dernière. Pour prendre l'exemple de Fnac.com, de façon assez surprenante, on est toujours sur le business plan élaboré en 1998. Tout se passe comme on l'avait prévu en terme d'activité, donc on devrait pouvoir atteindre le point mort en 2003 comme prévu. Et Redcats [NLDR : le pôle vente à distance de PPR] réalise d'excellentes performances en ligne, à la fois en France avec Redoute, et aux Etats-Unis ou en Scandinavie. Aux Etats-Unis, chez Brylanehome.com [NDLR : Décoration d'intérieur], les commandes par Internet représentent 15 % de l'activité. Chez Redoute, c'est 5 %. Les chiffres sont certes encore modestes, mais ça n'a plus rien d'anecdotique.

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Propos recueillis par François Bourboulon

PARCOURS
 
François-Henri Pinault, 39 ans, est diplômé d'HEC Paris. Il entre dans le groupe Pinault en 1987 en qualité de responsable des achats de Pinault Distribution, puis est nommé gérant et directeur général de France Bois Industries et de Pinault Services en 1989, PDG de Pinault Distribution en 1991, PDG de Pinault Distribution et de CFAO en 1993, et PDG de la Fnac en mai 1997.Parallèlement, il a supervisé le développement du commerce électronique au sein du groupe PPR. Depuis janvier 2001, il est co-gérant de Financière Pinault.

   
 
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