JDNet.
Pourquoi l'EBG a-t-il décidé de mettre l'accent sur
le haut-débit ?
François-Henri Pinault.
Nous estimons que c'est vraiment la porte d'entrée vers
la croissance du secteur et nous avons considéré qu'il
était important de commencer par faire un état des lieux.
Ce livre blanc se veut le plus impartial possible et
entend faire des propositions économiques, règlementaires,
voire politiques.
Quel peut-être
l'impact d'un déploiement du haut débit pour les entreprises
?
Pour nous, il est très clair
que l'Internet haut débit permettra un usage plus large
des NTIC. Aujourd'hui, on s'aperçoit que dans les entreprises
connectées, l'usage est extrêmement limité et basique
à cause du bas débit. Le haut débit est donc le point
d'appui nécessaire pour développer les contenus et les
utilisations, et permettre aux entreprises de réaliser
des gains de performance, de développer de nouveaux
services et de fluidifier les liens entre partenaires,
fournisseurs, clients, prestataires
Vous en
faites notamment un "vecteur de performance" pour les
PME-PMI...
C'est en effet un facteur d'amélioration
de leurs performances en terme de productivité, de développement
commercial, de rapidité d'échange. Si rien ne change,
il va se créer une sorte de fracture entre les très
grandes entreprises, qui ont les moyens d'uililiser
le haut débit et qui ont donc accés aux nouvelles technologies,
et le réseau de PMI qui en est éloigné. Or, on sait
l'importance de ces entreprises pour le pays en terme
de poids économique, mais aussi d'aménagement du territoire.
Le livre
blanc cite Lénine et son célèbre "Que faire?"
Quelles
sont selon vous les mesures les plus urgentes en faveur
du déploiement ?
Je laissse Lénine aux rédacteurs
du livre blanc! Quant aux mesures, il y a d'abord de
façon très directe l'équipement du pays et le déploiement
de ces accés haut débit. Cela porte notamment sur les
relations entre France Telecom et les opérateurs alternatifs,
sur les coûts d'acheminement entre les points d'accés
France Telecom et les clients, sur les locations de
salle, sur les tarifs généralement proposés aux clients.
On ne peut décemment pas réclamer 45 euros par mois,
qui est à peu près la norme aujourd'hui, à un particulier
si on veut développer ce type de service sur une base
importante.
Le rôle
de France Telecom est sans cesse évoqué. Qu'attendez-vous
de l'opérateur historique ?
Le livre blanc dit bien qu'il
ne s'agit pas de faire le procés de France Telecom.
C'est une entreprise publique qui a des obligations
de service public que n'ont pas les autres, et une structure
de collaborateurs fonctionnariale. On ne peut donc pas
lui imposer les règles de concurrence privée avec ces
obligations qui ne sont pas celles des autres. Mais
même s'il faut un opérateur national fort et prépondérant,
la concurrence doit exister pour développer les services.
Il faudrait s'interroger sur les relations économiques
qu'entretient Wanadoo, filiale privée qui n'a aucune
obligation de service public, avec sa maison-mère. Ces
relations ne sont pas transparentes pour tout le monde.
Je vais même un peu plus loin, je dirais que Wanadoo
bénéficie aujour'hui de l'utilisation exclusive des
anciennes agences de France Telecom, qui ont été créées
et financées à l'époque du service public. Ces agences-là
devraient être ouvertes aussi à la concurrence.
Par ailleurs, les tracasseries
administratives, les tracasseries sur l'accés aux terminaux
de France Telecom permettent à ce dernier de gagner
beaucoup de temps. On ne mesure peut être pas qu'on
va décourager un certain nombre d'opérateurs de venir
sur un marché qui sera de toute façon totalement préempté.
In fine, on aura tué la concurrence, même si les procédures
sont respectées par France Telecom. Le problème est
immédiat.
Vous préconisez
aussi un rôle accru de l'ART
Il faut non seulement que l'ART
puisse donner un avis public sur les tarifs, gérer les
conflits entre opérateurs, mais aussi qu'elle ait un
pouvoir qu'elle n'a pas aujourd'hui, un peu à l'image
de la DGCCRF dans le domaine de la concurrence, et qu'elle
puisse imposer les décisions qu'elle souhaite prendre
aux différents opérateurs.
En dehors
du dossier France Telecom, quelle autre mesure retenez-vous
en priorité ?
Je suggère qu'on puisse fiscalement
aider l'équipement et l'abonnement des particuliers.
L'idée est de reprendre la mesure adoptée en son temps
pour l'automobile et permettant de déduire non pas l'achat
stricto sensu, mais le crédit à la consommation contracté
pour l'achat d'un micro, ainsi qu'une partie de l'abonnement
haut-débit. L'objectif est que les foyers à faible revenu
puissent bénéficier de ces aides.
En novembre
dernier, vous avez, en tant que président de l'EBG,
souhaité qu'on fasse "taire le chant des pleureuses"
et réclamé que les demandes des entreprises
du secteur soient prises en considération. Quel
bilan tirez-vous de cette prise de position ?
Manifestement, les candidats
à l'élection présidentielle ont pris conscience des
nouvelles technologies. J'espère que c'est aussi un
peu grâce à ce coup de gueule de novembre. En tout cas,
on trouve systématiquement un chapitre "Nouvelles
technologies" dans les programmes. Il y a assez
peu de désaccords sur ce qu'il faut faire, et la seule
question importante est la rapidité du passage à l'acte.
A attendre trop longtemps, on va tuer le secteur.
On commence
ici et là à évoquer un frémissement de la croissance
de l'économie en général. En tant
qu'industriel, le ressentez-vous aussi?
Le marché américain, qui a
été le plus touché l'année dernière, est en train de
s'améliorer, même si la comparaison d'un semestre sur
l'autre est défavorable, parce que le premier semestre
2001 avait été encore très bon sur la lancée de l'année
2000. Aujourd'hui, la chute esr arrêtée et on sent repartir
légèrement l'activité et les carnets de commande, notamment
dans les activités profesionnelles. En ce qui concerne
la consommation, en France en particulier, il faut être
plus prudent. La décroissance s'est arrêtée, mais on
ne peut pas parler de reprise. Les chiffres de janvier-février,
notamment sur les ventes de détail, sont extrêmement
modestes. Mais il en faudrait assez peu pour que ça
reparte. Cela dit, un certain nombre d'entreprises,
PPR en particulier, avaient anticipé un ralentissement
dès mars l'année dernière. Donc les répercussions de
ce frémissement dans les comptes d'exploitation sont
relativement intéressantes.
Quelles
répercussions cela pourrait-il avoir sur l'e-business
?
Pour ne prendre que le secteur
des services informatiques et des web agencies, un écrémage
a eu lieu et on voit que les plus sérieux et les mieux
organisés retrouvent des niveaux de croissance et de
portefeuille importants, notamment dans les activités
liées au data-mining ou les activités de service liées
à la performance commerciale. Car les entreprises continuent
à investir massivement dans les nouvelles technologies.
On ne le dit pas assez, mais les investissements dans
le domaine informatique sont essentiellement liés à
une mutation vers ces nouvelles technologies.
Et pour
le commerce électronique ?
On est toutoujours sur des
croissances très importantes, près de 100 % en
ce début d'année par rapport à l'année dernière. Pour
prendre l'exemple de Fnac.com, de façon assez surprenante,
on est toujours sur le business plan élaboré en 1998.
Tout se passe comme on l'avait prévu en terme d'activité,
donc on devrait pouvoir atteindre le point mort en 2003
comme prévu. Et Redcats [NLDR : le pôle vente à distance
de PPR] réalise d'excellentes performances
en ligne, à la fois en France avec Redoute, et aux Etats-Unis
ou en Scandinavie. Aux Etats-Unis, chez Brylanehome.com
[NDLR : Décoration d'intérieur], les commandes
par Internet représentent 15 % de l'activité. Chez
Redoute, c'est 5 %. Les chiffres sont certes encore
modestes, mais ça n'a plus rien d'anecdotique.
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