INTERVIEW
 
Président
Croissance Plus
Christian Poyau
"Ce sont les entreprises qui créent des emplois, il faut donc les favoriser"
L'association Croissance Plus, qui regroupe des entreprises à très forte croissance ainsi que leurs partenaires (sociétés de capital-risque notamment), vient de rencontrer Francis Mer, le ministre de l'Economie. A cette occasion, elle a rappelé ce qu'elle considère être des priorités pour les entreprises qu'elle représente, et pris un certain nombre de positions sur les débats en cours autour de l'économie numérique. Tour d'horizon avec Christian Poyau, le PDG de Micropole-Univers, qui préside l'association.
20 juin 2003
 
          
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JDN. Croissance Plus réclame "de nouvelles ambitions pour les entreprises de croissance". Qu'est-ce que cela signifie concrètement?
Christian Poyau. Nous voulions rappeler que ce sont les entreprises qui créent des emplois et qu'il faut donc les favoriser. Le gouvernement a réalisé un certain nombre de choses en matière de création d'entreprise, notamment par la loi Dutreil. Mais il reste beaucoup à faire, en particulier en matière de financement. La chaîne de financement, le moyen pour les entreprises de lever des fonds, est aujourd'hui quasiment bloqué. Nous proposons des mesures très concrètes pour réorienter les investissements ou l'épargne vers la création et le développement d'entreprises.

Par exemple ?
La mesure la plus simple et la plus rapide est la création de nouveaux contrats d'assurance vie. L'épargne des Français est en augmentation, ce qui est bien, mais elle s'investit dans des supports très sécurisés, Sicav monétaires ou autres, et pas du tout vers le développement d'entreprises. Nous proposons donc la création d'un contrat d'assurance vie dont la partie la plus importante, 80 à 90 %, resterait orientée vers des placements très stables, le reste allant au développement ou à la création d'entreprises, avec un avantage fiscal à la clé. Les fonds qui gèrent ces contrats seraient obligés d'en réinvestir une partie dans ces sociétés.

Dans un autre domaine, le social, vous demandez une nouvelle réglementation sur les 35 heures. Qu'en attendez-vous ?
L'amélioration de la réglementation sur les 35 heures réalisée par le gouvernement au début de l'année n'a pas d'effet sur les sociétés majoritairement constituées de cadres, ce qui est le cas des sociétés de croissance dans la high-tech, les biotechnologies ou l'innovation. Et les 35 heures pénalisent très fortement la productivité de nos entreprises par rapport à ce qu'on peut voir à l'étranger. Or la problématique off-shore est malheureusement de plus en plus présente et il y a là un vrai risque. Le coût du travail en France, déjà très important du fait des charges sociales, est encore renforcé par les 35 heures. Il faudrait donc réfléchir sur ce sujet et nous souhaitons trouver des solutions concrètes. Notre but n'est pas de protester pour protester… Dans le même ordre d'idées, nous estimons que les contrats de travail ne sont pas toujours adaptés. Une entreprise qui se crée ne peut pas tout de suite embaucher des CDI, mais lorsqu'elle se lance sur un projet de recherche d'un an ou deux, elle devrait pouvoir embaucher des gens en "contrat de mission", sur la même durée.

Vous avez aussi présenté des propositions pour "encadrer l'économie numérique". N'est-ce pas paradoxal d'entendre des chefs d'entreprises réclamer un encadrement de l'économie ?
Vous prenez le document au pied de la lettre… Il y a de nombreuses discussions sur tous ces sujets, sur les failles qui existent, et nous sommes conscients qu'il faut veiller à régler les problèmes. Tous les membres de Croissance Plus sont évidemment pour l'économie de marché, mais nous savons très bien qu'une économie de marché se doit d'être régulée pour éviter les dérives. Notre objectif est bien de lutter contre le problème des "vrais" spams "durs" et de rester vigilants afin que la nouvelle réglementation européenne, qui va être prochainement transposée, ne favorise pas les entreprises étrangères et extra-communautaires au détriment des entreprises françaises. Nous voulons établir des fondements solides pour ces entreprises en hyper-croissance.

Mais on reproche souvent au processus législatif d'être trop lent, et donc dépassé par le renouvellement des technologies…
Il est vrai que les technologies vont plus vite que les lois. Mais il faut se débrouiller pour que la loi suive avec le moins de retard possible. C'est là que des associations comme les nôtres ont un rôle à important à jouer auprès du législateur. Nous savons très bien que sur ces notions, tout le monde tâtonne, et je respecte beaucoup le travail des gouvernements là-dessus. Croissance Plus essaie juste de mesurer pleinement la difficulté de l'exercice, sans hurler avec les loups.

Parmi les mesures préconisées figure celle, symbolique, de la création d'un secrétariat d'Etat aux NTIC. Quel intérêt ?
Les nouvelles technologies ont un impact sur toute l'économie, quelle qu'elle soit. Elles devraient être reconnues à ce titre, et pas pour faire plaisir à tel ou tel lobby. Sur la forme, il faut donc prouver l'engagement de l'Etat dans ce domaine considéré comme un vecteur de développement pur. Sur le fond, il serait nécessaire de centraliser un peu plus, ou en tout cas d'en avoir une vision globale. Des gens s'en occupent déjà, comme Laurent Sorbier à Matignon. Mais je suis persuadé que c'est un poste qu'on verra apparaître dans les prochaines années.

Que représente Croissance Plus aujourd'hui ?
Nous sommes un peu plus de 150 entreprises, plus des membres associés, cabinets d'avocats, juristes, cabinets de conseil comme McKinsey ou Ernst & Young. Ces entreprises vont de la start-up à la société de 10.000 personnes. Une majorité, 60% environ, sont des sociétés de high-tech ou de biotech, mais nous avons aussi des sociétés industrielles ou dans les services. Croissance Plus n'est donc pas juste un lobby de sociétés high-tech cotées à Paris… Notre leitmotiv est une volonté de croissance qui doit se traduire dans le temps, même s'il y a des années où on en fait moins, comme en ce moment par exemple. Le deuxième grand axe est le partage des fruits de cette croissance avec les salariés, sous forme d'ouverture du capital par les stock-options, les BCE, la participation, l'intéressement.

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Quel rôle peut jouer une telle association?
Croissance Plus est née en 1997, soit bien avant la bulle. Après la bulle, certains ont dit que c'était fini et nous ont même appelés Décroissance Plus. Mais nous continuons plus que jamais, ce qui prouve la logique de l'association. Nous avons toujours travaillé avec les politiques et de manière apolitique. Nous l'avons fait avec le gouvernement Jospin, nous avons fait beaucoup de choses avec Dominique Strauss-Kahn, aujourd'hui avec le gouvernement Raffarin. Nous considérons que les chefs d'entreprise ont le droit et le devoir de s'exprimer et de faire des propositions concrètes pour faire bouger les choses et changer le modèle social. Aujourd'hui, en France, l'entreprise est encore trop vue comme un lieu de conflit systématique entre le patron et ses collaborateurs. Il y aura toujours des discussions et des conflits d'intérêt, mais une entreprise est un bateau, une communauté d'hommes et de femmes qui partagent un objectif et doivent mécaniquement arriver au meilleur consensus pour faire avancer le bateau.

 
Propos recueillis par François Bourboulon

PARCOURS
 
Christian Poyau a été consultant chez Deloitte & Touche puis au sein de Peat Marwick Consultants, avant de co-fonder avec Thierry Letoffé la SSII Micropole, devenue Micropole-Univers, dont il est le PDG. Il préside Croissance Plus pour un mandat non-renouvelable de deux ans. Son successeur sera désigné en fin d'année en entrera en fonction début 2004.

   
 
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