JDN.
Croissance Plus réclame "de nouvelles ambitions pour
les entreprises de croissance". Qu'est-ce que cela signifie
concrètement?
Christian Poyau. Nous
voulions rappeler que ce sont les entreprises qui créent
des emplois et qu'il faut donc les favoriser. Le gouvernement
a réalisé un certain nombre de choses
en matière de création d'entreprise, notamment par la
loi Dutreil. Mais il reste beaucoup à faire, en particulier
en matière de financement. La chaîne de financement,
le moyen pour les entreprises de lever des fonds, est
aujourd'hui quasiment bloqué. Nous proposons des mesures
très concrètes pour réorienter les investissements ou
l'épargne vers la création et le développement d'entreprises.
Par
exemple ?
La mesure la plus simple et la plus rapide
est la création de nouveaux contrats d'assurance vie.
L'épargne des Français est en augmentation, ce qui est
bien, mais elle s'investit dans des supports très sécurisés,
Sicav monétaires ou autres, et pas du tout vers le développement
d'entreprises. Nous proposons donc la création d'un
contrat d'assurance vie dont la partie la plus importante,
80 à 90 %, resterait orientée vers des placements très
stables, le reste allant au développement ou à la création
d'entreprises, avec un avantage fiscal à la clé. Les
fonds qui gèrent ces contrats seraient obligés d'en
réinvestir une partie dans ces sociétés.
Dans
un autre domaine, le social, vous demandez une nouvelle
réglementation sur les 35 heures. Qu'en attendez-vous
?
L'amélioration de la réglementation sur
les 35 heures réalisée par le gouvernement au début
de l'année n'a pas d'effet sur les sociétés majoritairement
constituées de cadres, ce qui est le cas des sociétés
de croissance dans la high-tech, les biotechnologies
ou l'innovation. Et les 35 heures pénalisent très fortement
la productivité de nos entreprises par rapport à ce
qu'on peut voir à l'étranger. Or la problématique off-shore
est malheureusement de plus en plus présente et il y
a là un vrai risque. Le coût du travail en France, déjà
très important du fait des charges sociales, est encore
renforcé par les 35 heures. Il faudrait donc réfléchir
sur ce sujet et nous souhaitons trouver des solutions
concrètes. Notre but n'est pas de protester pour protester
Dans le même ordre d'idées, nous estimons que les contrats
de travail ne sont pas toujours adaptés. Une entreprise
qui se crée ne peut pas tout de suite embaucher des
CDI, mais lorsqu'elle se lance sur un projet de recherche
d'un an ou deux, elle devrait pouvoir embaucher des
gens en "contrat de mission", sur la même durée.
Vous
avez aussi présenté des propositions pour "encadrer
l'économie numérique". N'est-ce pas paradoxal d'entendre
des chefs d'entreprises réclamer un encadrement de l'économie
?
Vous prenez le document au pied de la
lettre
Il y a de nombreuses discussions sur tous ces
sujets, sur les failles qui existent, et nous sommes
conscients qu'il faut veiller à régler les problèmes.
Tous les membres de Croissance Plus sont évidemment
pour l'économie de marché, mais nous savons très bien
qu'une économie de marché se doit d'être régulée pour
éviter les dérives. Notre objectif est bien de lutter
contre le problème des "vrais" spams
"durs" et de rester vigilants afin que la
nouvelle réglementation européenne, qui
va être prochainement transposée, ne favorise
pas les entreprises étrangères et extra-communautaires
au détriment des entreprises françaises.
Nous voulons établir des fondements solides pour
ces entreprises en hyper-croissance.
Mais
on reproche souvent au processus législatif d'être trop
lent, et donc dépassé par le renouvellement des technologies
Il est vrai que les technologies vont
plus vite que les lois. Mais il faut se débrouiller
pour que la loi suive avec le moins de retard possible.
C'est là que des associations comme les nôtres ont un
rôle à important à jouer auprès du législateur. Nous
savons très bien que sur ces notions, tout le monde
tâtonne, et je respecte beaucoup le travail des gouvernements
là-dessus. Croissance Plus essaie juste de mesurer pleinement
la difficulté de l'exercice, sans hurler avec les loups.
Parmi
les mesures préconisées figure celle, symbolique, de
la création d'un secrétariat d'Etat aux NTIC. Quel intérêt
?
Les nouvelles technologies ont un impact
sur toute l'économie, quelle qu'elle soit. Elles devraient
être reconnues à ce titre, et pas pour faire plaisir
à tel ou tel lobby. Sur la forme, il faut donc prouver
l'engagement de l'Etat dans ce domaine considéré comme
un vecteur de développement pur. Sur le fond, il serait
nécessaire de centraliser un peu plus, ou en tout cas
d'en avoir une vision globale. Des gens s'en occupent
déjà, comme Laurent Sorbier à Matignon. Mais je suis
persuadé que c'est un poste qu'on verra apparaître dans
les prochaines années.
Que
représente Croissance Plus aujourd'hui ?
Nous sommes un peu plus de 150 entreprises,
plus des membres associés, cabinets d'avocats, juristes,
cabinets de conseil comme McKinsey ou Ernst & Young.
Ces entreprises vont de la start-up à la société de
10.000 personnes. Une majorité, 60% environ, sont des
sociétés de high-tech ou de biotech, mais nous avons
aussi des sociétés industrielles ou dans les services.
Croissance Plus n'est donc pas juste un lobby de sociétés
high-tech cotées à Paris
Notre leitmotiv est une volonté
de croissance qui doit se traduire dans le temps, même
s'il y a des années où on en fait moins, comme en ce
moment par exemple. Le deuxième grand axe est le partage
des fruits de cette croissance avec les salariés, sous
forme d'ouverture du capital par les stock-options,
les BCE, la participation, l'intéressement.
Quel
rôle peut jouer une telle association?
Croissance
Plus est née en 1997, soit bien avant la bulle. Après
la bulle, certains ont dit que c'était fini et nous
ont même appelés Décroissance Plus. Mais nous continuons
plus que jamais, ce qui prouve la logique de l'association.
Nous avons toujours travaillé avec les politiques et
de manière apolitique. Nous l'avons fait avec le gouvernement
Jospin, nous avons fait beaucoup de choses avec Dominique
Strauss-Kahn, aujourd'hui avec le gouvernement Raffarin.
Nous considérons que les chefs d'entreprise ont le droit
et le devoir de s'exprimer et de faire des propositions
concrètes pour faire bouger les choses et changer le
modèle social. Aujourd'hui, en France, l'entreprise
est encore trop vue comme un lieu de conflit systématique
entre le patron et ses collaborateurs. Il y aura toujours
des discussions et des conflits d'intérêt, mais une
entreprise est un bateau, une communauté d'hommes et
de femmes qui partagent un objectif et doivent mécaniquement
arriver au meilleur consensus pour faire avancer le
bateau.
|