TOURISME 
 
Guy Raffour
PDG
Raffour Interactif
Guy Raffour
"Les ventes de prestations touristiques en ligne pèsent 3,5 milliards d'euros"
Avec 5,7 millions de français qui préparent leurs séjours touristiques exclusivement sur Internet, et un montant de 3,5 milliards d'euros de ventes en ligne, l'année 2005 a marqué un tournant. Guy Raffour, expert du marché, brosse un tableau du e-tourisme dans ses grandes lignes.
(05/10/2006)
 
(article modifié le 05/10/06 à 10h00) JDN. Vous avez réalisé un premier bilan sur le marché du e-tourisme en mars dernier et dans le second volet de votre étude annuelle, vous publiez des chiffres supplémentaires. Quelles sont les grandes lignes de l'évolution du e-tourisme en 2005 ?
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Guy Raffour. 62 % des français de plus de 15 ans ont réalisé un court séjour marchand et/ou long séjour en 2005, soit 31,5 millions d'individus. Sur cet ensemble, 11,5 millions d'entre eux ont préparé leur séjour sur Internet, ce qui représente une croissance de 20 % par rapport à 2004. Et 49 % d'entre eux, soit 5,7 millions de personnes, ont exclusivement utilisé Internet pour leur préparation. En ce qui concerne l'achat en ligne, 5,7 millions de personnes ont acheté sur Internet au moins une prestation touristique, contre 3,9 millions, ce qui représente une croissance de 46 % sur l'année 2005.

Quelles sont les principales raisons à l'origine d'une telle croissance du média Web dans la réservation touristique ?
52 % des internautes ont déclaré que les sites Web leur donnent plus envie de partir, ce qui est un point important, témoignant ainsi de leur satisfaction vis-à-vis des sites Internet. Le premier critère d'utilisation d'Internet pour préparer et/ou réserver leur séjour pour les internautes interrogés réside dans l'immédiateté du média, qui leur permet d'obtenir instantanément une réponse à leurs recherches. Et le second critère de choix d'Internet est que l'accès à l'information leur évite d'avoir à se déplacer. 69,3 % des internautes sondés pensent que d'ici trois ans, le Web sera le principal moyen de préparation et de réservation des séjours. L'évolution est donc majeure : nous passons d'une population internaute encore relativement "papivore" à un choix nouveau de préparation exclusivement en ligne des séjours. Les brochures ou les guides papier continuent donc à perdre du terrain, ce qui impose aux producteurs de repenser leur utilisation de ces supports papier, qui sont bien souvent très coûteux, et à réactualiser constamment.

Cette croissance doit également se constater dans le montant des réservations en ligne ?
En effet, l'augmentation du volume d'internautes qui plébiscitent le Web pour préparer leurs séjours et pour réserver se traduit logiquement par un montant des ventes liées à Internet en forte augmentation. Les ventes en ligne de prestations touristiques ont atteint 3,5 milliards d'euros en France en 2005 et nous estimons à 7,15 milliards d'euros le montant des ventes liées à la recherche et à la préparation des séjours en ligne, l'année passée, soit une progression de 46 % par rapport à l'année 2004. La tendance générale d'une plus grande confiance dans le e-commerce et la croissance du nombre de cyberacheteurs sont des explications à ce volume d'affaires en hausse. Par ailleurs, cette progression des réservations en ligne est également due à l'accroissement des ventes directes des acteurs touristiques, proposant de l'hébergement, des activités de loisirs, du transport. Et sur ce point, le potentiel des réservations en ligne est encore très important, car au moins 50 % des prestataires touristiques ne proposent pas de module de réservation en ligne.

Pouvez-vous préciser ce point ?
Les producteurs touristiques de niche ont tout intérêt à venir au Web"
Nous avons en effet trop tendance à réduire le e-tourisme aux grandes agences de voyages en ligne, mais il faut savoir qu'elles ne représentent qu'une partie du marché du tourisme en ligne. En 2005, 55 % des personnes ayant réalisé un séjour en France se sont adressées directement aux producteurs, qu'il s'agisse de transporteurs, d'autocaristes, de campings, ou de gîtes. Et seulement 8 % sont passés par une agence de voyage.

Pour l'année 2005, les réservations en ligne d'emplacements de camping ont enregistré une croissance de 150 % et les gîtes de France réalisent 35 % de leurs réservations par le canal Internet. En France, on dénombre un peu plus de 200.000 petites entreprises du tourisme, auprès desquelles un important travail de pédagogie doit être réalisé, car le principal frein n'est pas véritablement celui du coût, mais principalement la méconnaissance de l'outil Internet. Et il faut savoir, que plus les producteurs d'offres touristiques sont positionnés sur des niches spécifiques, comme le tourisme équestre par exemple, plus ils ont intérêt d'une part à présenter leur offre en ligne, mais également à proposer un module de réservation. L'accent doit également être mis sur la réponse aux demandes d'information par e-mail.

Cette évolution en France s'inscrit dans une évolution générale qui touche plus largement l'Europe ?

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 Forum Tourisme et Internet (Benchmark Group)
En Europe occidentale, ce sont 142 millions de personnes qui ont préparé leur voyage en ligne et 87 millions qui ont réservé sur Internet au moins une prestation de leur séjour en 2005. Dans tous les pays où la population est formée et équipée, Internet devient un média incontournable, d'où l'importance pour tous les acteurs d'être présents en ligne, et surtout de mettre l'accent sur la traduction de leurs pages dans différentes langues.

On parle souvent d'une nouvelle façon de consommer du voyage, de façon plus fragmentée et plus thématisée. Internet joue-t-il un rôle important dans cette mutation ?
Dans le monde du tourisme, sous l'impulsion d'Internet, nous passons d'une culture prévisionnelle à une culture expérientielle. Nous constatons, en effet, que l'on consomme de plus en plus de courts séjours, plus fréquents et répartis dans l'année. Les offres thématisées et désaisonnalisées, autour d'un événement culturel, ou d'une fête comme la Saint-Valentin, se substituent progressivement à l'approche traditionnelle haute et basse saison. Même lorsque les consommateurs prennent trois semaines de vacances l'été, bien souvent, ils optent pour une semaine dans la famille ou chez des amis, une autre dans un séjour sportif et quelques jours dans une destination culturelle. Au cœur de cette évolution, Internet est le média qui offre aux consommateurs une palette élargie de moyens de personnalisation des prestations touristiques.

Internet offre une palette de moyens de personnalisation des prestations touristiques."
Cela impose donc aux producteurs de s'adapter à cette nouvelle manière de consommer du séjour en ligne ?
Les producteurs sont de leur côté, également dans cette même démarche expérientielle. Ils peuvent tester leurs offres et construire leur stratégie en fonction des retours, bien souvent inattendus, de leur clientèle Internet. Contrairement au principe de diffusion des brochures, les professionnels du tourisme ont la possibilité d'étendre considérablement leur zone de chalandise en mettant simplement leur offre en ligne, pour une diffusion plus ciblée, car par mot-clé. La ville de Besançon s'est par exemple vue choisir comme ville d'accueil d'un groupe de Chinois qui souhaitait venir en France pour leur congrès, car cette clientèle avait vu dans un moteur de recherche que la ville disposait d'une salle d'arts martiaux. Nous sommes aujourd'hui réellement dans ce village global, et les producteurs touristiques n'en ont pas encore suffisamment conscience.

Quelle évolution constatez-vous dans la manière qu'ont les internautes de rechercher des produits touristiques ?
Dans la courbe du cycle de vie d'Internet, il me semble qu'en 2006, nous sommes sortis de la phase de généralisation de l'innovation et que nous sommes au début de la généralisation du développement. Dans cette première phase de généralisation de l'innovation, les internautes ne maîtrisaient pas forcément bien le média, et étaient plus des consommateurs d'information. Dorénavant, les internautes s'avèrent de plus en plus autonomes et plus experts dans leurs recherches. Ils ouvrent facilement plusieurs sessions, prennent des notes, comparent, et font suivre l'information à des connaissances de manière collégiale. Nous constatons également la naissance d'un nouveau communautarisme en CtoC avec Internet, via les carnets de voyages. Les voyageurs ont envie de partager leurs photos de voyages, leurs films, mais également leurs bons plans, leurs astuces, ce qui enrichit l'information touristique disponible en ligne, avec une diffusion impossible auparavant.

Nous constatons la naissance d'un communautarisme en CtoC."
Quel est le profil de cette clientèle touristique sur Internet ?
L'adoption d'Internet continue progressivement à gagner des classes plus populaires, et se rapproche de plus en plus de l'ensemble de la population française, avec plus de seniors, de femmes, d'habitants de province, et d'ouvriers ou employés. Cette catégorie socio-professionnelle d'employés est celle qui a le plus progressé entre 2004 et 2005.

Le prix pratiqué sur Internet reste-t-il toujours un des critères principaux de choix du canal ?
Le prix vient en troisième position des critères de choix du canal Internet, derrière deux critères de praticité. Mais la recherche d'un rapport qualité prix ne veut pas forcément dire que les internautes recherchent le moins cher. 62 % des actifs se disent prêts à sacrifier un autre poste de leur budget pour partir. Pour concilier des budgets moins importants et cette envie de partir, les internautes vont alors opter pour de la randonnée ou de l'hébergement en camping. Autre confusion que l'on rencontre souvent : si les internautes apprécient l'immédiateté de l'accès aux offres via Internet, cela ne signifie pas qu'ils privilégient la dernière minute. Seuls 22 % des réservations sont réalisées lors des 15 derniers jours précédant le départ.

Internet vient donc chambouler le monde du tourisme en matière d'usage et de consommation, ce qui n'est pas sans répercutions pour les acteurs touristiques traditionnels ?

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 Guy Raffour
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Raffour-interactif.fr
A l'évidence le e-tourisme implique un bouleversement profond du secteur, notamment via l'émergence de nouvelles infomédiations (moteurs de recherche, comparateurs, portails). L'ensemble des producteurs, comme les transporteurs, les loueurs de voitures, et les tour-opérateurs ont dorénavant le choix pour accéder au client final de passer par des agences traditionnelles et/ou en ligne, par des circuits intégrés (points de vente en propre), ou en direct par leur site Internet ou un centre d'appels. L'enjeu dans le fond pour les producteurs, c'est d'une part la baisse des coûts de distribution, mais également le contact et la compréhension du client final. L'innovation est au cœur de toutes les stratégies dans un monde en perpétuel mouvement, où la réactivité devient le maître mot.
 
 
Propos recueillis par Solveig Emerard-Jammes

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