INTERVIEW
 
PDG
Groupe Danone
Franck Riboud
"Titre"
Où en est la stratégie Internet du groupe Danone ? Franck Riboud, PDG du géant de l'agrolimentaire, revient pour le JDNet sur ses différents chantiers : supply-chain, Intranet, communication de marque, rôle des nouvelles technologies dans le management d'un grand groupe... Prônant la convergence entre les innovateurs et les entreprises traditionnelles - il remet ce soir le prix des "Lauréats de la convergence" organisé par Chrysalead - Franck Riboud souhaite une "e-transformation" permanente, moteur du développement de son entreprise. 04 décembre 2001
 
          

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JDNet. Qu'attendez-vous concrètement de Chrysalead, le fonds d'investissement que vous avez lancé ?
Franck Riboud Nous sommes effectivement à l'origine de ce fonds avec trois autres partenaires, GIMV société d'investissement, CVC Capital Partners et Valoris. Cette démarche va pour nous dans le sens de cette "convergence" qui nous est chère. N'étant pas une société du secteur Internet mais de marketing, nous avons considéré qu'il fallait mettre l'outil au service de nos métiers. Cela va bien au delà de la technique elle-même : nous devons intégrer de nouveaux modes d'organisation, de nouveaux comportements et nous donner des capacités nouvelles de remise en cause, c'est à dire d'innovation. Dans ce dispositif, Chrysalead joue pour nous le rôle d'un laboratoire et nous donne une autre opportunité de dessiner le futur de nos métiers.

Internet a des fonctions multiples : CRM, communication externe et internet, e-Commerce, réduction des coûts... Comment hiérarchiseriez-vous ces différents rôles ?
C'est d'abord un problème d'objectifs stratégiques avant d'être un problème de hiérarchisation. Pour Groupe Danone, nous nous en sommes donnés quatre : développer notre compétitivité, vers l'amont et nos fournisseurs en optimisant la supply chain et vers l'aval avec nos clients de la grande distribution et du CHD [consommation hors domicile, NDLR], améliorer la relation avec nos consommateurs, améliorer l'efficacité de nos process internes et développer l'innovation.

Comment arrivez-vous à piloter de façon cohérente et suivie l'ensemble de ces différents chantiers ?
Nous sommes passés à travers plusieurs phases : celle de la découverte et du foisonnement des initiatives et des idées, phase que j'ai souhaitée et soutenue. C'était l'époque où nous étions considérés comme faisant partie d'une économie passéiste. Nous avons vite réalisé quel était, pour une entreprise comme la nôtre, le défi des nouvelles technologies. Ce n'était pas de changer de métier ou de stratégie, mais de changer tous les modes de relation de l'entreprise en utilisant l'outil comme un outil d'optimisation. Mais pour cela, et cela a été la phase suivante, il a fallu structurer et coordonner les initiatives. Nous avons donc créé une cellule de coordination : la "Danone Web Factory". Aujourd'hui, nous avons défini des priorités, mais nous souhaitons poursuivre en permanence la phase de découverte, de conquête et de remise en cause. Un des atouts des nouvelles technologies, hors de la vitesse et de l'ubiquité, c'est définitivement qu'elles génèrent une capacité d'adaptation permanente au changement. Il n'y a pas plus porteur pour développer une entreprise comme Groupe Danone. C'est cela la convergence "des anciens et des modernes".

Les marques de votre groupe sont présentes depuis longtemps sur Internet via des sites comme danone.fr ou evian.fr. Quel bilan tirez-vous de ces sites en tant que supports de communication ?
Nos sites de marques ont eux aussi évolué. Le premier stade a été pour tous d'exister sur Internet. En dix-huit mois, on a vu une cinquantaine de sites de marques se créer au sein du groupe. Le deuxième stade est celui où la marque va se poser la question du service, du conseil, de l'interactivité qu'elle doit apporter ou créer avec son consommateur, en fonction de son positionnement, de ses valeurs, de sa spécificité et de son domaine d'expertise. Et c'est là que la relation avec le consommateur devient intéressante, puisqu'elle vous permet de lui apporter des réponses adaptées. C'est pourquoi nous avons aussi développé des sites de contenu comme Danoneconseils.com.

Quelles sont vos intentions en matière de publicité en ligne ? Allez-vous investir d'avantage ?
Je crois que la publicité en ligne, comme tout nouveau support, va devoir s'adapter à son outil et à son langage. Aujourd'hui, il y a profusion de bandeaux ou d'e-mailing, comme il y a profusion de sites. Je pense que tout cela va évoluer : il va falloir s'intéresser à qui sont les internautes et à ce qu'ils souhaitent.

Où en est un groupe international comme Danone en matière d'Intranet ? Quelles applications réveriez-vous d'avoir sur ce type d'outil ?
Commençons par le rêve ! Permettre à la majeure partie de nos salariés de rester focalisés sur les tâches à forte valeur ajoutée et faire que l'Internet soit devenu aussi banal que le téléphone d'ici un an, mais avec évidemment des possibilités bien supérieures. L'Intranet, c'est déjà une vieille histoire chez nous : Groupe Danone a été en 1998 une des premières sociétés à mettre en place un Intranet Groupe. En moins de deux ans, 20.000 personnes y ont eu accès. Nous avons une nouvelle version depuis octobre 2001, accessible par le Web pour permettre aux "nomades" du groupe de se connecter en permanence. Cet Intranet donne toutes les informations sur le groupe, mais aussi les postes à pourvoir dans le monde entier, ou encore l'ensemble des formations proposées. Beaucoup d'Intranets métiers (finances, relations humaines, environnement, sécurité alimentaire, commerciaux…) ou sociétés se sont créés depuis. Toutes les fonctions sont en train d'être digitalisées ou "webisées" les unes après les autres. La "webisation" des achats a été initiée il y a deux ans. Autre exemple, parmi tant d'autres : la fonction RH, avec l'accès en ligne à toutes les informations pertinentes, l'évaluation annuelle de performance, les opportunités de mobilité.mais aussi des applications quotidiennes comme les notes de frais, les voyages...

Le groupe Danone et d'autres grands industriels, dont des concurrents, participent à la place de marché CPGmarket comme actionnaires et comme clients. Quel bilan en tirez-vous ?
C'est effectivement un de nos dossiers les plus avancés aujourd'hui. L'objectif, je le rappelle, n'était pas de créer une "super centrale d'achats", il s'agissait essentiellement d'optimiser notre supply chain, c'est à dire acheter plus efficacement en supprimant une partie des coûts de process, d'automatiser ce qui peut l'être et ainsi focaliser les acheteurs sur des aspects qualitatifs du process. La relation commerciale reste la même, seule la partie opérationnelle se fait à travers l'outil, avec d'avantage d'efficacité et une plus grande transparence. Aujourd'hui, les économies sont difficilement quantifiables pour deux raisons : CPG est opérationnelle depuis huit mois seulement, ensuite il nous faut modifier les process internes. Mais déjà, les tractations en ligne représentent 11 % des volumes d'achat de Groupe Danone en Europe de l'Ouest. Je crois qu'une fois bien intégré, nous découvrirons encore davantage d'économies, de valeur ajoutée pour les acheteurs, et de professionnalisme pour l'ensemble des acteurs.

Après l'annonce de votre plan de restructuration, Danone a été pris à partie en ligne par des sites "personnels" comme jeboycottedanone.com et a réagi assez violemment sur le plan juridique. Rétrospectivement, pensez-vous que cette stratégie ait été pertinente ?
Je vous laisse la responsabilité de qualifier jeboycottedanone de "site personnel"... Je ne crois pas que nous ayons réagi violemment. Je crois simplement qu'il était important de ne pas mélanger deux choses : un débat d'idées, aussi excessif soit-il, et un débat sur la protection des marques. Nous n'avons nullement remis en cause la liberté d'expression. Par contre, le respect des marques nous a semblé fondamental. Si Internet donne une très grande liberté, et il faut s'en réjouir, ce n'est pas pour autant croire qu'il n'y a plus aucune règle déontologique à respecter. Je crois que c'est un sujet important sur lequel tout le monde se penche aujourd'hui.

Dans quelle mesure Internet modifie-t-il, selon vous, les rapports consommateurs-industriels ?
Il y a une différence fondamentale par rapport aux outils classiques. Sur Internet, le consommateur a, selon les moments, des rôles différents : acteur, consommateur avec des centres d'intérêt multiples, citoyen de son pays, mais aussi citoyen du monde, etc… Veut-il acheter, s'informer, participer à un débat, intervenir ? C'est la notion même de consommateur qui va changer. Et c'est à nous, industriels de nous adapter. Avec Internet, le lien de proximité est plus fort, il est individualisé et les exigences du consommateur renforcées.

Comment avez-vous considéré les mois dits de la "nouvelle économie" avec un fort mouvement de créations de starts-up et le retournement qui a suivi ?
Je crois que, comme tout le monde, nous avons été interpelés et même dynamisés par ce phénomène. Indépendamment du fait que nous étions catalogués "ancienne économie", c'est l'état d'esprit, la jeunesse, la remise en cause des schémas traditionnels, le goût du risque, l'initiative qui nous séduisaient. Ensuite, nous avons comme toujours envisagé les opportunités que cela pouvait apporter à un groupe comme le nôtre. Maintenant, les excès financiers passés, il va falloir apprendre à construire un monde différent. Cela va bien au-delà d'Internet même si c'est un outil majeur de ce changement.

A titre personnel, vous vous servez d'Internet ?
Oui, cela me permet d'être en contact direct, hors hiérarchie, avec des collaborateurs très différents dans le monde entier. Je fais aussi des achats et consulte beaucoup les sites sportifs.

Et qu'aimez vous et que détestez-vous sur le Web ?
Ce que je n'aime pas en tant que personne ou en tant que consommateur, c'est que l'on vienne violer mon "intimité Internet" où je m'imagine pouvoir choisir et décider de tout. Arrive un mail publicitaire …et le rêve s'éteint.

 
Propos recueillis par Christophe Delaporte

PARCOURS
 
Franck Riboud, 46 ans, est à la tête du groupe Danone, fondé par son père Antoine sous le nom de BSN, depuis mai 1996. Après avoir fait l'Ecole polytechnique de Lausanne, il a occupé de nombreux postes au sein du groupe : contrôleur de gestion, chef de produit, directeur régional, directeur des ventes, directeur de département, directeur général des eaux d'Evian, directeur général du développement... Depuis quatre ans, Franck Riboud a recentré le groupe sur les produits frais, l'eau et les biscuits et a introduit le titre Danone à Wall Street. Danone emploie plus de 85.000 personnes et a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires de 93 milliards de francs.

   
 
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