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Arnaud Richard
Directeur
Conseil
Publicis
Conseil |
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Arnaud
Richard
"Internet permet de développer du conseil autour du produit"
Encore peu présent dans la communication des marques agroalimentaires, Internet ajoute une brique dans le discours produit par le biais de services interactifs et de conseils. Cible, plan média, nouveaux enjeux de communication, Arnaud Richard, directeur conseil chez Publicis Conseil, détaille les spécificités de ce secteur.
(10/06/2004) |
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JDN.
Comment construit-on un message publicitaire dans le secteur
agroalimentaire ?
Arnaud Richard. Il n'y a pas de règles d'or
spécifiques à la communication agroalimentaire.
Dans tous les secteurs, la première règle à respecter
est la justesse du discours par rapport à une cible.
Dans l'agroalimentaire, il s'agit souvent des femmes.
Le travail consiste à rechercher les insights
propres à la cible, ses problématiques d'achat.
Certains sont plus ou moins pertinents. Ces insights
se définissent à partir de l'observation d'un comportement,
d'une attitude d'un consommateur. En publicité,
nous retraduisons ces comportements ou attitudes. Cela
permet de créer un effet de levier pour que les consommateurs
prennent conscience de la pertinence du propos et de
l'offre produit ou service, en ce sens qu'il répond
aux attentes de la cible. Donc premier point : que le
produit soit au cur du message publicitaire pour que
ce dernier puisse faire levier. Deuxième point : faire
porter un autre regard sur la marque ou le produit pour
créer par exemple une "préférence de marque". Le message
publicitaire définit alors la préférence de la marque
en développant une identité propre et une valeur ajoutée
par rapport aux offres concurrentes.
Est-ce qu'Internet a changé
la donne en termes de communication ?
Internet ne change pas tellement la communication
dans l'agroalimentaire, puisqu'Internet n'est pas encore un
mass-média. Mais ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui
les marques en dehors de leur communication produits
souhaitent développer un pôle services pour répondre
aux attentes des consommateurs. Dans ce cadre, Internet
a un rôle à jouer et un sens : les marques développent
des sites, qui ne sont pas seulement une vitrine de
leurs produits mais surtout un moyen de développer des
services.
De quelle manière peuvent-ils développer ces services sur Internet ?
En matière de communication, Internet permet d'élargir les modes de communication autour des produits : par l'interactivité, bien sûr, mais aussi par des services proposés aux internautes comme la mise en ligne de conseils
nutritionnels ou encore de fiches de recettes incluant les produits d'une marque. Maggi a par exemple développé un site, Maggi-ateliercuisine, qui met en avant diverses fonctionnalités : des menus, des
recettes et toutes les questions qui peuvent se poser
sur l'alimentaire. Internet permet, en ce sens, de développer
des services pour le consommateur et de créer un lien direct entre la marque et le public.
Quels sont les
thèmes publicitaires pertinents dans le secteur agroalimentaire ?
Premier élément dans la communication alimentaire :
cela peut sembler basique mais le message principal
consiste à dire que le produit est bon. Objectif :
créer de l'envie et de l'appétence. Ensuite, il faut
lier cette idée avec les tendances alimentaires du moment,
intégrer notre propos dans des problématiques actuelles
de société. Nous utilisons les études produites par
les annonceurs en amont qui permettent de dégager les
tendances et les attentes consommateurs.
Dans le secteur
agroalimentaire, nous étudions les sous-secteurs qui
le composent. Nous disposons des
tendances transversales du marché et des tendances consommateurs
d'un segment de marché spécifique : produits frais,
produits surgelés, sauces
Puis, nous étudions le segment,
la marque et les concurrents ainsi que les marchés périphériques.
Dans le cas de Nestlé, sur un marché comme celui des
culinaires, nous étudions les marques concurrentes,
les attentes du consommateur sur ce marché mais aussi
les tendances transversales à l'alimentation, comme
le retour aux valeurs du terroir ou la santé. Cela permet
d'imaginer des idées de produits ou de services.
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Dans les campagnes alimentaires, la télévision est toujours un média déterminant." |
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Comment construit-on un plan
de communication à partir de ces premiers éléments ?
Nous proposons une stratégie pour la
marque qui intègre des moyens de communication en masse
média. La télévision est un média central, qui touche
la majorité de la cible féminine, surtout les 25-49
ans. Mais d'autres moyens complémentaires : marketing
relationnel, promotions, actions en magasin sont prévus
dans le plan global de communication. Néanmoins, dans
les campagnes alimentaires, la télévision est un média
déterminant. Pour être efficace, il faut communiquer
plusieurs fois dans l'année. Notons au passage que pour
réaliser une campagne en télévision il faut disposer
d'un budget minimum de 500.000 euros et l'investissement
peut monter jusqu'à un million ou un million et demi
d'euros. Tout dépend également des objectifs et de la
cible : si c'est une opération à très court terme, il
faut passer par des médias très réactifs tels que la
radio, la télévision ou la presse quotidienne. Si vous
voulez constuire une image et aller plus en profondeur,
la presse magazine peut très bien répondre à ce type
d'objectifs.
Plus largement, pouvez-vous illustrer vos
propos par une campagne globale que vous avez conduite dans
le secteur agroalimentaire ?
Prenons par exemple le cas de la campagne
"Maggi envie de". Elle porte sur des préparations culinaires
en épicerie. Un plan de communication en télévision
permet de toucher très rapidement et en masse la majorité
des femmes. Au delà de ça, nous prévoyons des actions
en magasin : des actions promotionnelles, des échantillonages,
des démonstrations, des catalogues d'enseigne. Mais
également de l'affichage proche du lieu de vente et
de l'affichage sur les chariots, ainsi que des dispositifs
d'implantation du produit dans d'autres circuits. Pour
des préparations de recettes à base de viande, il est
intéressant de mettre un échantillonnage
dans le rayon épicerie par exemple. Tout ceci permet
de dépasser le cadre strict de la publicité à la télévision.
Pour la campagne "Maggi envie de", nous avons
observé le comportement des femmes en matière de cuisine
aujourd'hui : quel est leur savoir-faire culinaire ?
Il y a moins de transmission culinaire entre les mères
et leurs filles. De plus, les femmes sont en très grand
majorité actives et disposent de moins de temps pour
cuisiner. Ce qui suppose de proposer un produit pratique,
rapide à utiliser et surtout simple. Le cur du problème
étant qu'elles ont perdu un savoir-faire. C'est quelque
chose qu'on peut valider par voie de test auprès des
consommatrices : comment elles cuisinent, le temps qu'elles
y consacrent, ce qu'elles ont appris, ce qu'elles cherchent
et ce qu'elles attendent. Ensuite, on définit un discours.
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Dans l'agroalimentaire, le discours santé est maintenant au centre de la communication." |
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Dans le cas de la campagne
"Maggi envie de", comment ce discours se construit-il ?
Le segment des préparations culinaires
s'intègre dans le cadre du marché des aides à la cuisine.
Dans la campagne "Maggi envie de", nous partons d'une
idée publicitaire qui dit qu'il n'y a pas besoin de
savoir-faire pour faire de la bonne cuisine. Cette idée
se développe selon un paradoxe : il n'y a pas besoin
de savoir-faire pour faire. Le film publicitaire montre
qu'une jeune femme peut faire un plat délicieux comme
si elle avait un savoir-faire culinaire. Ceci remplit
l'exigence de pertinence d'une campagne. Mais pour le
côté impactant, ce scénario ne suffit pas.
Puisqu'il
y a une perte du savoir-faire culinaire, c'est la marque
qui s'y substitue : c'est un véritable parti pris. Donc,
on rajoute une signature qui dit : pas besoin des conseils
de votre mère pour faire de la bonne cuisine. L'ensemble du message permet
de donner une forme à la fois pertinente et impactante
au concept. Le tout doit toujours s'appuyer sur des
insights consommateurs. Ici, c'est : "J'aimerais
bien faire de bons plats mais je ne sais pas cuisiner".
Dans le même temps, la femme se reconnaît dans cela
et le message y répond : "Pas besoin des conseils
de votre mère pour faire de la bonne cuisine".
Quels sont les nouveaux
enjeux de communication dans le secteur agroalimentaire
aujourd'hui ?
Les enjeux de communication des annonceurs
ont beaucoup évolué ces dernières années avec l'impact
des crises alimentaires récentes comme l'ESB.
La santé s'est trouvée au centre des préoccupations,
développant les problématiques de santé dans
l'alimentation. De nouveaux produits sont apparus à
la frontière entre les aliments basiques et les produits
qui permettent de prendre soin de son capital santé,
comme les margarines qui luttent contre le cholestérol
par exemple. Tout un discours santé s'est construit, notamment autour des légumes et des soupes. Mis en place par le gouvernement, il incite à consommer
davantage de fruits et légumes, entre cinq et dix par
jour.
A ce sujet, nous faisons parfois appel à des "cautions"
dans nos messages publicitaires. Il peut s'agir de chefs
de grands restaurants : c'est la caution d'un savoir-faire
culinaire. Mais ça peut être aussi des nutritionnistes.
En ce cas, il s'agit de souligner la notion
de santé. Cela étant, le discours santé est aujourd'hui
extrêmement réglementé et la dimension de plaisir reste
prédominante dans l'agroalimentaire. De plus, le personnage
qui est caution ne doit pas "vampiriser" la marque ni
le produit. Ce système permet une reconnaissance du
produit ou de l'enseigne. Mais parfois il est difficile
d'en sortir. |
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Propos recueillis par Sophie FIEVEE-BALAT, JDN |
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PARCOURS
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Arnaud Richard, directeur conseil chez Publicis
Conseil en charge des budgets agroalimentaires pour
le groupe Nestlé : Maggi, Mousseline
et Buitoni.
1987 : Il intègre l'agence Publicis
Conseil d'abord comme chef de publicité pour
Renault. Puis il gravit les échellons de
chef de groupe puis directeur de clientèle,
ayant sous sa responsabilité des budgets
agroalimentaires du groupe Nestlé. En 2000,
il quitte Publicis pour rejoindre le groupe Euro
RSCG.
2002 : Arnaud Richard revient à
ses premiers amours et reprend sa place de directeur
de clientèle chez Publicis Conseil.
Et aussi : Arnaud Richard est diplômé
de l'Institut supérieur de gestion (ISG).
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